Vers une révolution aux USA ? Quand les forces de l’ordre n’appliquent plus les ordres... (billet d’actualité)

vendredi 4 septembre 2009.
 

Je ne résiste pas au plaisir de mettre en ligne cet article (en italique) d’un blog cité en source concernant la situation présente aux USA. Il fait lui-même référence à un texte d’Ambrose Evans-Pritchard dans un journal britannique de référence (The Telegraph) . J’y ajoute un commentaire personnel.

Une révolution, c’est le passage des forces de répression de l’autre côté de la ligne, parce que les dites forces elles-mêmes sont persuadées qu’il est inutile de continuer.

1905 : les cosaques et la bureaucratie brisent les troubles en Russie. 1917 : les cosaques et la bureaucratie passent aux émeutiers, parce que les émeutes étaient journalières, que les flots de victimes ne décourageaient pas les nouvelles émeutes, avec comme cause la faim.

1979 : la trame fut la même dans l’Iran du Shah. Les centaines de morts et le renforcement des manifestations firent passer la majorité de l’armée dans la neutralité, puis dans l’autre camp. Seuls les immortels de la Garde Impériale combattirent jusqu’au bout.

1979 : Nicaragua, après des semaines de troubles, l’armée de l’air et la marine, puis l’armée de terre passent à l’insurrection. Ne reste plus à Somoza que sa garde présidentielle (15 000 hommes), bien mieux armée et équipée que les 3 corps d’armée. Mais même la garde nationale (la garde présidentielle somoziste) verra l’inanité de combattre une insurrection qui renaissait dès qu’ils avaient tourné les talons. Pire, même l’ambassade américaine trouvera que Somoza commençait à puer.

Aujourd’hui aux Etats Unis

Simplement, les sheriffs aujourd’hui refusent tranquillement de mettre les gens à la rue. Même refus d’appliquer les ordres et la loi. Il n’y a même pas eu des troubles massifs, seulement le trouble des forces de l’ordre, pas sûres elles-mêmes de ne pas se retrouver dans la même situation bientôt. Aux Etats-Unis, les états n’ont plus un rond.

" Some 342,000 homes were foreclosed in April, pushing a small army of children into a network of charity shelters. This compares to 273,000 homes lost in the entire year of 1932 ".

L’écoeurement, simplement, le sentiment que ce qui est fait ne fait qu’aggraver le mal. Car où vont se retrouver ces familles américaines ? Dans le meilleur des cas dans la famille, dans le pire des cas à la charge des services sociaux débordés et désargentés.

Pendant ce temps, les immeubles sont systématiquement pillés et désossés, leur valeur tombe à zéro, voire devient négative (il faut démolir le reste), le terrain n’est même plus une valeur, et les collectivités locales voient leurs finances fondre.

Cela, les représentants des forces de l’ordre l’ont vu journellement. On comprend donc que localement, ils n’en aient plus rien à battre de mettre les gens à la porte. Pourquoi faire ? Pour que même la banque y perde ? Un mauvais arrangement avec ces familles vaut mieux qu’un bon procès. En attendant, on peut donc noter un début de décomposition interne visible dans cette petite phrase d’Ambrose Evans-Pritchard. Le régime ne peut plus compter sur les forces de l’ordre. Elles ont commencé à s’autonomiser...

Patrick Reymond.

Article d’Ambrose Evans-Pritchard en langue anglaise :

http://www.telegraph.co.uk

Commentaire de Jacques Serieys

Je ne crois évidemment pas à une révolution sociale aux USA dans les mois qui viennent.

Je ne crois pas non plus qu’une déliquescence de l’appareil d’état soit automatiquement favorable à un débouché politique progressiste ; aux Etats Unis, des forces très conservatrices ont plus de chances d’en profiter.

Cela n’enlève rien à l’intérêt de l’article ci-dessus.

Cet article pose le problème du droit dans le mode production capitaliste et le rôle des forces de l’ordre chargées de l’application des décisions de justice. Passé un certain seuil d’injustice légale, la participation d’un membre des forces de l’ordre à l’application d’un ordre légal totalement injuste est évidemment illégitime moralement comme du point de vue des droits humains fondamentaux. Je suis bien content d’apprendre qu’un certain nombre de "sheriffs aujourd’hui refusent tranquillement de mettre les gens à la rue" ; cela prouve une autonomie de jugement et un sens moral que je ne leur connaissais pas.

Cet article montre comment la crise immobilière, financière et économique a fait exploser des rouages du fonctionnement rituel de la société américaine avec des Etats qui n’ont plus un rond, des millions de familles qui, en droit et en fait, sont expulsées de chez elles.

Il faut ajouter à cela en matière de santé :

* que 47 millions d’Américains n’ont aucune couverture médicale

* que ce nombre augmente sans cesse (5 millions de personnes ont perdu leur assurance en un an en raison de l’augmentation des primes et de faibles revenus)

* que la plupart des assurances relèvent des entreprises. Or, depuis quelques années, la part patronale est en forte diminution, quand elle n’a pas été supprimée au nom de la compétitivité.

* que 72% des Américains soutenaient la réforme de santé promise par Obama ; or, la puissance des lobbies de l’assurance contre ce projet est soutenue aujourd’hui par les républicains mais aussi des démocrates avec une intense campagne politique à la clef.

Il faut ajouter à cela aussi en matière de services publics (policiers, services sociaux...) que tous les états en difficulté financière diminuent considérablement leurs effectifs.

Dans ces conditions, il n’est pas impossible que nous assistions aux USA à des évolutions inattendues ; espérons surtout assister enfin à la renaissance de réels syndicats ouvriers et de courants politiques socialistes anti-capitalistes. Ce serait déjà bien.

Jacques Serieys


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message