Lettre de Martine Aubry pour une "Maison commune" : elle sent le double jeu et une tentative d’étouffement de la gauche (interview de Jean Luc Mélenchon)

dimanche 19 juillet 2009.
 

En fin de semaine, la première secrétaire du PS, Martine Aubry, a écrit une lettre aux dirigeants des partis de gauche pour leur proposer de construire une "Maison commune" et un "projet commun" pour les élections régionales : " Pour gagner, nous devons surmonter les divisions de nos mouvements et ou de nos partis. Nous devons changer. Nous devons, d’une seule voix, convaincre les Français que nous incarnons, ensemble, une alternative solide et durable pour bâtir un autre modèle de développement, un nouveau modèle de société, un nouveau monde.

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai appelé de mes voeux une nouvelle démarche de rassemblement à gauche. Une « Maison commune » ouverte à tous les chemins que nous pouvons emprunter ensemble. Le Parti Socialiste aborde cette démarche sans préalable. Les formes que doit prendre cette démarche sont à inventer collectivement."

Jean-Luc Mélenchon, ancien socialiste et fondateur du Parti de gauche (allié au PCF pour le scrutin européen), donne sa réponse au JDD : c’est non.

Martine Aubry vous propose de discuter d’une alliance politique, vous allez saisir cette main tendue ?

S’il s’agit de cautionner une comédie, je n’en suis pas. La lettre de Martine est étrange. Qu’est ce que c’est que cette "maison commune", vocabulaire hérité de l’URSS de Gorbatchev ? Elle écrit que nous avons déjà eu des "contacts informels" ? De quoi parle-t-elle ? Je n’ai eu aucun contact avec le PS depuis la fondation du Parti de gauche. Et pourquoi faire comme si nos divergences ne portaient pas sur des sujets politiques très concrets ? Il y a une municipale partielle à Aix. Nous avons monté une liste de gauche avec le PCF et le NPA, mais le PS fait liste commune avec le Modem, en rompant avec ses alliances de gauche de l’an dernier. On ne peut pas proposer l’union de la gauche au national, et avoir un comportement contraire à la base. Bref, la lettre d’Aubry sent le double jeu.

Vos anciens camarades sont donc infréquentables ?

Je leur demande de choisir leur camp ! Voyez le parlement européen. Le Parti socialiste européen a passé un accord avec la droite pour se partager la présidence du parlement. Les socialistes français vont-ils voter pour monsieur Buzek, un homme de droite polonais, anti-avortement, qui se vante d’avoir fermé 22 mines dans sa région ? Ou bien vont-ils voter pour la candidate de gauche que présente notre groupe : Eva-Britt Svensson, une Suédoise écologiste et féministe ? Après nous avoir dit que le PSE était plus à gauche que jamais, les socialistes français vont-ils enfin rompre avec eux ?

En France, ils s’opposent, comme vous, au gouvernement...

Ils s’opposent à leur façon : molle et confuse. Et le double langage n’en finit pas. Voyez comment ils ont accepté de placer le débat sur les retraites, sur la question de la pénibilité, exactement comme le demande Fillon, donc sans s’opposer, au préalable, à l’allongement de la durée de cotisation. Pas de maison commune possible avec qui est sur la ligne de Sarkozy sur les retraites.

La retraite à 60 ans est la frontière entre la vraie gauche et l’autre ?

Entre la gauche et la droite. La droite joue avec les peurs financières. Si on ne sait pas où trouver de l’argent pour financer les retraites, qu’on nous demande. Les entreprises nationalisées qui ont été privatisées ont dégagé 40 milliards d’euros de bénéfices. C’est quatre fois le déficit de la sécu. Cette question des retraites est capitale : c’est sur ce sujet que les social-démocraties, en Allemagne notamment, ont capitulé devant la droite, avant de se briser. C’est un des problèmes qui fracturent les gauches aujourd’hui...

Sans union de la gauche, la droite va continuer à gagner les élections...

La droite va continuer à gagner tant que les socialistes n’auront pas rompu avec elle : physiquement, en Europe, et programmatiquement en France. En attendant, je n’ai pas d’autre solution que de continuer à forger le Front de gauche. Une entente qui s’élargit, qui seule permettra de renverser le rapport de force, en passant devant le PS. Nous travaillons aux listes des régionales avec le PC, le NPA et les Alternatifs. Nous n’avons pas d’autre choix pour échapper à l’étouffement de la gauche que tente Martine Aubry.

Propos recueillis par Claude ASKOLOVITCH


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