Réinscription du lycéen Tristan Sadeghi : De quoi Guittet, proviseur de lycée, est-il le nom ?

vendredi 17 juillet 2009.
 

J’écris ici, à sauts et gambades, suivant ce que j’ai préparé à ma fantaisie et curiosité, ou pour amplifier une campagne. Ou juste pour le bonheur de me mettre devant le clavier. Naturellement je voudrais bien aussi faire le Zorro de l’internet qui frappe les méchants et console les humiliés. D’ailleurs c’est ce que je veux faire aujourd’hui, alors que je suis en route vers Strasbourg dans un train bondé où tout le monde parle allemand et me laisse dans mon coin avec le sentiment d’avoir été embarqué par erreur dans un convoi de martiens.

Aujourd’hui j’ai un moche de première à montrer au grand jour. C’est le proviseur du lycée Ravel à Paris dans le vingtième arrondissement. Il s’appelle monsieur Guittet. Retenez ce nom. Je vous recommande de vous en servir pour donner un exemple de minable, cet été, dans les discussions au camping ou sur la plage ! En effet, ce Guittet refuse d’inscrire à la rentrée l’élève Tristan aussi longtemps que celui-ci n’aura pas signé un engagement politique de non-blocage que ce zélé du gouvernement exige de lui. Il déclare qu’il recevra « peut-être » les parents à la rentrée. Leur été est donc pourri. Vous connaissez peut-être déjà l’histoire. Je la raconte. Pour enfoncer le clou. Et pour montrer le contre sens pédagogique complet de ce genre de personnage qui selon moi n’est pas du tout apte à la responsabilité qui lui a été confiée.

De quoi Guittet est-il le nom ?

Ce qui suit est le récit de mon amie Danielle Simonet, conseillère de Paris et responsable du Parti de Gauche dans la capitale. « Tristan est un jeune adhérent du Parti de gauche. Sans doute le plus jeune ! Il n’aura 17 que dans un mois. Pas encore le droit de vote et déjà une maturité politique et une belle expérience militante ! Seulement pour s’être mobilisé dans son lycée contre les réformes Darcos, son Proviseur, Monsieur Guittet, a décidé de conditionner sa réinscription pour l’année prochaine à un engagement écrit de sa part à ne pas participer à des blocages l’an prochain. A juste titre, il refuse cette pression. Alors que tous ses camarades de classe et de mobilisation sont tranquilles en vacances, Tristan, lui, ne sait dans quel lycée il sera à la rentrée !

Une année pleine de rebonds

« Cette année comme des milliers de lycéens, Tristan s’engage contre les réformes Darcos. Assemblée générale, grèves, manifestations et… participation au blocage de son lycée. Garçon posé, toujours souriant, ses camarades l’élisent rapidement délégué du mouvement avec d’autres. Il faut dire qu’il était déjà délégué de classe et membre du conseil d’administration. Le mouvement s’étend sur d’autres lycées de l’est parisien et des villes limitrophes. Une coordination se met en place. Il n’hésite pas à contacter la mairie pour nous solliciter afin de pouvoir bénéficier d’une salle pour leur coordination lycéenne.

En Janvier, alors que la mobilisation dans les lycées s’est essoufflée, des écoles primaires sont occupées par des parents. Avec les enseignants du 1er degré, les AG se succèdent. Une grande soirée de défense de l’école de la maternelle à l’Université se prépare. Je me charge de solliciter la Maire pour que celle-ci se déroule en mairie. Je cherche un lycéen pour intervenir sur la réforme des lycées. Une amie enseignante à Voltaire me met en contact avec un jeune du MJS. Celui-ci vient accompagné de Tristan et c’est Tristan qui prendra la parole. C’est là que je fais plus ample connaissance avec lui. Il m’impressionne. Il s’exprime sans timidité apparente devant plus de 300 personnes, clair, pédago, modeste et déjà si sûr de ses convictions. Il me dit être intéressé par le Parti de gauche, vouloir en savoir plus… de discussions en discussions il deviendra un militant actif de la campagne du Front de Gauche, sans pour autant relâcher ses cours et son travail scolaire.

Je l’entends encore intervenir en réunion de comité PG 20e, toujours sérieux, curieux, exigeant dans ses propres raisonnements et questionnements. C’est marrant, ça me rappelle mon premier mouvement lycéen au même âge. Mais c’était en …1986, il y a déjà 23 ans !!! On est combien de militant-e-s, élu-e-s, dirigeants politiques, syndicalistes, associatifs à avoir commencé dans un mouv’ lycéen ? De beaux souvenirs. Les premières révoltes, les premières prises de consciences. Les premières prises de paroles en public, les premières actions collectives, les premières négociations avec l’administration d’un bahut… Et les premières manifs, coordinations, délégations…c’est dans ces mouvements qu’on est nombreux à s’être construit, à avoir mûri, tout simplement. L’émancipation individuelle dans l’émancipation collective, tout simplement ! »

Guittet fait du zèle

« Tristan m’a raconté son expérience à lui de la mobilisation au lycée Ravel. Pendant toute la mobilisation le proviseur doit jouer son rôle : veiller au bon fonctionnement de son établissement. Seulement, son rôle il l’interprète à sa manière. Les pressions commencent. D’abord sur les élèves de classe de seconde : « si vous continuez la grève, ne vous attendez pas à être inscrit dans la section de première que vous demanderez. Puis sur les 1ères, « je ne serai pas obligé de vous réinscrire dans le lycée à la rentrée… » Paroles en l’air ? Pour tous, oui. Sauf pour un. Tristan. (Le Proviseur semble en faire une affaire personnelle. Quelle est la raison de cette curieuse discrimination ? Note de jlm) Tout cela se déroule dans un contexte par ailleurs de répression lycéenne, de pression contre les enseignants du primaire « désobéisseurs »… Sale ambiance, sale période. L’année s’écoule sans problème majeur. Tristan ne pose aucun problème de comportement. Pas un seul avertissement conduite, encore moins un conseil de discipline ! Son conseil de classe se conclut pour lui par un « Très bon trimestre ». 14 de moyenne, respect ! Les enseignants l’apprécient. Et à 3 jours des épreuves de français, son proviseur lui annonce sa décision : il refusera de l’inscrire pour la rentrée prochaine s’il ne s’engage pas par écrit à ne pas participer à des opérations de blocage l’année prochaine ! A 3 jours des épreuves du bac ! Belle pression la veille des examens ! (Que cache cette soudaine vindicte du proviseur ? Note jlm) Les enseignants de Tristan décident de se rendre en délégation dans le bureau du proviseur. Démarche vaine. »

Guittet un esprit obtus et butté

« Le père de Tristan, Hossein Sadeghi prend rendez-vous avec le proviseur. Celui-ci lui confirme son chantage. Hossein lui annonce le refus de son fils de s’y soumettre. Le père défend cette démarche raisonnée, mûrie en conscience. Le Proviseur lui confirmera par courrier quelques jours plus tard sa décision. Hossein Sadeghi écrit alors au rectorat mais n’obtient aucune réponse. 3 semaines se sont écoulées depuis l’annonce orale du chantage. Je propose alors à Tristan et son père d’alerter les autres élu-e-s du 20ème. La maire elle-même décide de téléphoner au Proviseur. Mais rien n’y fait. J’envoie un courrier au Rectorat, à l’intention de l’Inspecteur d’Académie, mais je n’ai, moi non plus, aucune réponse. Et nous décidons le vendredi 3 juillet avec Tristan et son père d’organiser un rassemblement devant le Rectorat. En un week-end, les communiqués de presse et les coups de fil aux amis de Tristan, à ses profs, aux parents d’élèves, aux réseaux militants du 20ème fusent tout azimut. Lundi 6 juillet, malgré le début des congés, nous sommes une petite centaine devant le rectorat. Les drapeaux PG, PC et NPA flottent au vent, avec pèle mêle des autocollants syndicaux se mêlant aux écharpes d’élu-e-s… Lycéens, parents, profs, militants, élu-e-s, nous sommes tous stupéfaits : comment est-ce possible ! (Guittet doit avoir une raison inavouable dans cette histoire. Note de jlm)

Et maintenant Fatras fait tapisserie !

« Une délégation est reçue au rectorat par Monsieur Fatras, Inspecteur d’Académie. Il écoute notre petite délégation composée, de Tristan, son père Hossein, une enseignante syndiquée, un père d’élève et enseignant du supérieur ami de Hossein. Mais il ne répond réellement à aucune de nos questions. Il renvoie la responsabilité sur le chef de l’établissement qu’il ne semble pas vouloir désavouer. Il nous fait partager l’exaspération des chefs d’établissements contre les minorités de bloqueurs. Oui mais à Ravel la mobilisation a été massive et sereine. Il s’engage tout de même à téléphoner dans l’après midi au Proviseur. Nous sortons confiant. L’affaire nous semble tellement aberrante, illégale et discriminatoire qu’il nous semble évident que le Proviseur reviendra dans les 48h sur sa décision. Mardi l’écho médiatique nous surprend ! Nombre de quotidiens, radios et même chaînes de télévisions nationales relatent l’affaire Tristan. Hossein recontacte le Rectorat qui le renvoie de nouveau sur l’établissement. Il arrive au Lycée Ravel et demande une entrevue avec le Proviseur. Monsieur Guittet est sorti de son bureau, mais a refusé de le recevoir lui donnant pour toute réponse : « Ce n’est sûrement pas aujourd’hui que je vais vous recevoir, après tous ce que vous avez fait depuis hier, l’organisation de la manif, les propos de Tristan dans les médias torchons… » Avec calme, Hossein lui a répondu qu’il ne leur avait pas laissé d’autres choix. Et le Proviseur de confirmer : « Ma position n’a pas changée, je vous recevrai peut être à la rentrée. » (Peut-être ? Cette étrange façon de répondre, cette désinvolture, c’est vraiment louche ! Note jlm).

GUITTET N’EST PAS A LA HAUTEUR DE SON POSTE

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, ce Proviseur s’obstine dans sa décision. Ou faudrait-il dire son chantage ? Son abus de pouvoir ? Un site est disponible pour récolter les signatures pour le comité de soutien à Tristan Sadeghi. Depuis ce récit de Danielle Simonet, des médias se sont intéressés à cette affaire. Il y a eu plusieurs rassemblements de parents et de militants. Guittet a été pleurer chez les importants du ministère et Luc Chatel en a fait un bon prétexte porc faire passer le débat sur un terrain différent : pour ou contre les blocages. Pourtant ce n’est pas la question posée. Il n’y a aucune circulaire à ce sujet. Et s’il y en avait elles feraient l’objet de débats juridiques, j’en suis sur. En tous cas elles partiraient d’une idée consubstantielle à la République : la règle serait la même pour tous. Elle n’admettrait pas le principe sur lequel repose la décision de Guittet : le puni pour l’exemple, sur la base du délit de « je t’ai dans le nez ».

Pour ma part je n’apprécie pas seulement ce comportement et cette décision de représailles comme une faute en droit. Le tribunal administratif, s’il le faut, le dira. Je vois surtout l’erreur professionnelle de Guittet. Un proviseur n’est pas un commissaire de maintien de l’ordre dans un établissement. Par-dessus tout son métier est pédagogique. Sa mission doit concourir à l’éducation des jeunes qui sont inscrits dans son établissement. Les sanctions, il faut en effet parfois en prendre, doivent toujours être proportionnées et surtout raisonnées. Cela exclu d’abord la perte de sang froid d’un adulte qui engage un bras de fer avec un jeune, en oubliant la retenue que lui impose sa position d’autorité et son statut d’adulte de référence, comme le fait ce Guittet.

Dans ce contexte, on ne peut pas admettre d’un professionnel à ce niveau de responsabilité des comportements aussi visiblement inspirés par un esprit de vengeance ostentatoire et une logique de l’abus de pouvoir sûr de son impunité que montrent des phrases comme celles que Danielle rapporte. Spécialement indigne dans ce contexte, et surtout dans sa dimension de représailles est le « peut-être » à propos de la rencontre avec les parents. Par tout son comportement ce Guittet fait une faute professionnelle.

Bien sur, il faut éviter de s’abaisser à son niveau dans la réplique. Au contraire, en partant du contre exemple que donne Guittet, on doit faire réfléchir et aider à mieux comprendre ce qu’est la dignité et les exigences d’une fonction d’autorité. Il faut aussi expliquer aux jeunes ce que cette situation veut dire. Guittet ne changera pas l’actualité de son lycée l’année prochaine. Personne ne sait de quoi elle sera faite. Il n’y peut rien. Des blocages auront peut-être lieu, peut-être pas. Guittet le sait aussi bien que nous. Son acte est motivé par d’autres objectifs. Il s’agit pour lui de se faire bien voir de la hiérarchie, d’obtenir une image de « dur » tout en donnant aux autorités gouvernementales les moyens de faire les démonstrations autoritaires dont elles se montrent friandes en ce moment. Car ce moment c’est celui où le pouvoir n’ayant rien cédé dans les universités ni sur aucun front social, passe la vitesse supérieure dans la logique d’affrontement social qui est la sienne. De tous côtés il n’est question que de répression.

Sarkozy a bien réussi à remettre dans le paysage des pratiques qui s’étaient beaucoup estompées dans la dernière décennie. Le gros bâton est de retour. Dans ce cas on a vu le ministre venir à la rescousse et câliner Guittet comme on caresse un bichon qui fait le dogue. Frapper Tristan n’est pas vraiment un exploit. Le ministre le sait mais en manifestant sa satisfaction il donne le ton pour tous. Telle est la logique à l’œuvre. Si Guittet faisait moins de politique et davantage de pédagogie qu’aurait-il du faire ? Recevoir un par un les leaders du mouvement dans son établissement en ayant préparé son entretien. Son objectif aurait du être de produire chez chaque jeune une réaction de réflexion et d’argumentation. Il aurait pointé tous les paradoxes que contient en effet la forme de lutte nommée « blocage » pour que chaque jeune ait à argumenter et donc à améliorer la maitrise de ses raisons d’agir. De cet épisode il les aurait conduit à tirer un progrès de leur « savoir être » devant eux même et devant le dépositaire de l’autorité qui dit agit au nom de l’intérêt général. Ici c’est tout le contraire.

Guittet est une brute qui veut seulement faire peur et se venger. Le pédagogue n’agit pas comme un Guittet. Son but n’est pas de faire admettre une norme par la peur du châtiment mais par la compréhension des raisons d’être de la norme. Je m’empresse de dire ce que le cas précis permet de mieux comprendre. Il ne se serait pas agit de convaincre de faire ou de ne pas faire des « blocages ». Il se serait agit d’en faire comprendre, dans l’un et l’autre cas, la relative justification et tous les enjeux attenant. Maintenant disons un mot des jeunes militants. Et surtout des très jeunes. Dans la plupart des cas il s’agit d’une élite humaine. Les parents sont très fiers d’avoir des enfants qui marquent très tôt un engagement citoyen. Ils savent combien c’est une épreuve initiatique parmi les moments qui rythment le passage à une conscience adulte. Tristan est un garçon posé. Il sait ce qu’il fait. Il a pris ses responsabilités. Nous sommes très fiers de lui. Il est devenu notre mascotte. Moi, comme ancien ministre de l’éducation nationale, je suis très embarrassé par les Guittet qui ont une si pitoyable pratique de l’autorité dans l’éducation nationale. J’aime tellement notre école !


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