Le juge des référés rejette le lock-out de l’usine Molex de Villemur-sur-Tarn, mais la direction persiste à garder portes closes (4 articles)

mercredi 12 août 2009.
 

4) Les salariés crient victoire Article de L’Humanité

L’ordonnance rendue mardi est explicite : le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse a rejeté la demande de la direction de Molex visant à la fermeture provisoire de l’usine de Villemur-sur-Tarn. Là réside toute la contradiction : Molex invoquait devant le juge la libre circulation des personnes, des biens et des marchandises mais postait des vigiles aux entrées et sorties fermant les portes de l’usine aux salariés. Les arguments avancés par la direction lors de l’audience, comme la nécessité de vérifier l’état des lieux ou du système électrique et d’incendie, relèvent alors de l’audace. Quant aux salariés, ils arguaient eux aussi de la liberté de circulation des personnes, des biens et des marchandises et s’appuyaient par ailleurs sur la liberté du travail. Libertés a priori bafouées par Molex et sa décision unilatérale et injustifiée d’empêcher tout accès au site. Assignation et faits contradictoires considérés par le juge, menant à l’interdiction de la fermeture du site par la direction. « Avec cette ordonnance, Molex se trouve dans une situation où elle ne peut pas continuer à se prévaloir de la fermeture du site, se félicite Marc Denjean, avocat des salariés. Molex n’est pas judiciairement autorisée à fermer le site. C’est une Berezina judiciaire pour la direction de Molex. » Satisfaction également du côté de Denis Parise, secrétaire du comité d’entreprise, qui estime que « cette décision veut dire qu’on peut "rerentrer" chez nous dans l’usine, c’est à la direction d’ordonner aux vigiles de quitter les lieux ». « C’est une victoire », confirme Guy Pavan, délégué CGT.

Dans l’ordonnance, le juge des référés estime aussi que les représentants du personnel doivent faire « cesser les entraves à la liberté du travail et ordonne en conséquence l’expulsion immédiate et sans délai, y compris avec le concours de la force publique si besoin est, de toute personne perturbant l’accès aux entrées et sorties du site ». Conséquence à double tranchant : si les salariés se remettent en grève, ils ne pourront pas bloquer l’accès au site, mais, pour l’heure, les vigiles employés par la direction sont cordialement invités à se retirer. Pour sa part Marcus Kerriou, ex-cogérant de Molex, déclare au nom de la direction : « Nous sommes satisfaits de la décision du juge qui confirme notre demande d’expulsion de toute personne qui perturbe les accès du site. C’est un gain de cause sur la décision de faire lever le blocage. » Une fois encore, la direction décide de passer en force : « L’usine reste fermée », déclare Marcus Kerriou.

En fin de journée, Guy Pavan témoigne que « la situation reste bizarre, l’usine est toujours inaccessible ». Les portes sont closes, les molosses toujours lâchés. L’impossibilité d’accéder au site et la présence maintenue des vigiles bloquant l’entrée ont été constatées par huissier de justice, appelé à la rescousse par les représentants syndicaux. L’inspectrice du travail a, quant à elle, dressé un procès-verbal sur le refus unilatéral de Molex de rouvrir les locaux. Alors qu’après avoir voté début août la reprise du travail en assemblée générale, les salariés continuent de camper devant l’usine, la direction refusait toujours hier soir de se conformer à cette nouvelle décision de justice. Pour Denis Parise, la balle est dans le camp des dirigeants politiques : c’est à eux, estime-t-il, « de prendre l’affaire en main et de la mener à bien pour les salariés ». Christian Estrosi, le ministre de l’Industrie, a prévu de rencontrer Martin Slark, le président américain de Molex, le 25 août prochain. La rencontre se déroulera sous les yeux très attentifs des 282 salariés de Molex…

Mathilde Flauss-Diem

3) A qui profite la fermeture de Molex ? Communiqué CGT

Communiqué commun :

syndicat CGT de Molex,

union départementale CGT Haute-Garonne

fédération CGT des travailleurs de la métallurgie

Les salariés de MOLEX sont révoltés par la décision de la direction, de fermer l’entreprise, prenant prétexte des incidents de ces dernières heures. On peut se demander si la ficelle n’est pas un peu grosse.

Les salariés contestent la version de la direction concernant des violences physiques qu’aurait subies un dirigeant de l’entreprise. En revanche, une véritable violence est exercée sur les salariés quand le mardi 4 aout, la direction annonce la rupture unilatérale des négociations avec un repreneur potentiel du fait « qu’il n’y a rien à vendre ». Les salariés contestent cette décision puisque l’étude du cabinet d’expert Syndex sollicité a conclu que l’usine était viable. La direction de Molex s’entête dans son plan de « casse » alors même que Monsieur Estrosi exprimait, la semaine dernière, son espoir de voir aboutir les négociations avec ce repreneur.

Les salariés s’étonnent de la réaction du Ministre qui condamne les salariés, alors même qu’une enquête est en cours. Ils constatent par contre, qu’il n’a aucune réaction sur le refus de l’entreprise d’une reprise de l’activité sur le site.

La direction de l’entreprise Molex a délibérément attisé la tension dans l’entreprise en engageant des vigiles, avec la présence permanente d’un huissier et enfin par sa déclaration de la rupture avec le repreneur. La volonté de la direction est claire : délocaliser la production coûte que coûte, d’abord annoncée en Slovaquie, puis en Chine et maintenant aux Etats-Unis. Elle veut décrédibiliser l’action des salariés qui défendent leur outil de travail et leur stock.

La véritable agression c’est la politique menée par la direction de Molexqui condamnerait 300 familles de salariés si la fermeture prévue de l’usine en novembre devenait effective.

En grève depuis le 7 juillet, les salariés avec leurs organisations syndicales exigent le maintien de l’activité de l’entreprise et de ses emplois sur le site de Villemur Sur Tarn.

Villemur sur Tarn, le 6 août 2009

2) La direction de Molex ferme son usine de Villemur Article Le Monde

La société américaine Molex a annoncé la fermeture de son usine de Villemur-sur-Tarn, mercredi 5 août, après des incidents entre des membres de la direction et de salariés, en grève depuis plusieurs semaines. L’entreprise affirme "pour garantir la sécurité des employés et des vigiles de l’usine après qu’un salarié et deux gardes eurent été blessés dans un incident violent sur le site". Eric Doesburg, un représentant responsable de Molex, a déposé plainte, mercredi, affirmant avoir été injurié et molesté par des employés en sortant de l’usine.

Molex a par ailleurs vivement mis en cause la passivité des autorités françaises, affirmant que "la police locale et nationale n’a pas répondu à des appels à l’aide répétés". "Nous sommes indignés à la fois par l’attitude des individus impliqués dans les violences et par l’absence de réponse de la police que nous avions appelée à l’aide", peut-on lire dans le communiqué.

Les syndicats démentent en bloc les accusations. S’ils reconnaissent que la tension est montée avec les gardes du corps du représentant américain et qu’il y a eu des jets d’œufs, aucun coup n’a été porté. "Il n’y a pas eu d’agression du tout", déclare Denis Parise, délégué CGT de l’usine, qui récuse la version du cogérant, qui "n’était pas sur le site" mais en vacances. "Tout ça, c’est du cinéma, pour pouvoir dire lors de la réunion ’nous avons affaire à des voyous’, alors que les voyous c’est eux !"

UN PLAN SOCIAL À REBONDS

La tension est encore montée d’un cran, mercredi, alors qu’une rencontre avec Christian Estrosi, le ministre de l’industrie, n’a pas abouti. Le gouvernement souhaitait trouver une issue au conflit, qui dure depuis plusieurs semaines. Mais le mystérieux repreneur annoncé par Molex a finalement mis un terme aux discussions, arguant le manque de matériel si Molex reprenait tous les outils de travail.

Cette annonce risque de porter un nouveau coup à des négociations qui étaient déjà au point mort. Le site de Villemur-sur-Tarn, occupé par les salariés, avait déjà été évacué par la direction. La direction a décidé de faire évacuer le site, occupé par les salariés. "Ils ont mis en place un dispositif de ’lock-out’, comme ils l’appellent ; après avoir mis six vigiles sur l’usine, comme si on était des voyous", regrette Denis Parise. Les salariés s’attendaient à reprendre le travail jeudi, une perspective aujourd’hui enterrée.

En octobre, la direction avait annoncé son intention de fermer cette unité de connecteurs électriques pour le printemps 2009, et de licencier 283 salariés. Le comité d’entreprise, contestant la légitimité économique de cette décision, a fait appel à un cabinet d’expertise, qui a jugé l’entreprise économiquement viable. Les experts ont même estimé que le site était l’un des plus rentables de la division automobile de Molex.

Persuadés que la fermeture était "préméditée depuis 2007" et que Molex avait fait "dupliquer les outillages de Villemur aux Etats-Unis", les salariés séquestrent, le 22 avril, certains membres de la direction. Finalement, le cogérant, Marcus Kerriou, accepte un accord de sortie de crise prévoyant le report de la fermeture de l’usine de quatre mois et le paiement des jours de grève.

Le 19 mai, la procédure de fermeture de l’usine est suspendue par le tribunal après une action du comité d’entreprise, qui mettait en cause la "loyauté" des dirigeants. Le 2 juillet, l’équipementier automobile lance une nouvelle procédure de plan social "en repartant à zéro". Ne parvenant toujours pas à un accord de fond, les salariés de l’usine ont voté début juillet la grève illimitée, demandant "le maintien de l’activité et de l’outil de travail sur le site" et récusant plusieurs propositions d’indemnités.

Célia Héron

http://www.lemonde.fr/la-crise-fina...

1) Molex : vers un contrôle ouvrier… (par Mediapart)

Les salariés de Molex, à Villemur-sur-Tarn (Tarn-et-Garonne), protestent contre la fermeture du site et envisagent de le diriger eux-mêmes. Alexis Antoine, salarié du groupe, témoigne.

http://www.mediapart.fr/

Vous êtes en grève depuis le 6 juillet. Comment ça s’est passé ?

Au début, il a fallu expliquer à l’ensemble des travailleurs qu’on se battait pour maintenir l’emploi et, en cas d’échec, pour obtenir des garanties financières. Au fil des jours, les gens ont adhéré, comprenant qu’on avait affaire à des patrons voyous. Et au dernier vote, la grève a été votée à 100%, à bulletin secret. Même nous, ça nous a étonnés.

Tu penses que la victoire des salariés de la SBFM a joué ?

Oui. La SBFM, c’est le modèle en France, pour nous, de salariés d’entreprise qui ont lutté durement et n’ont rien lâché. Et ils ont bien fait, puisqu’ils sont revenus dans le groupe Renault. Ils ne sont pas les seuls (Sonas, Rencast). Il y a des exemples, en France, de luttes qui payent. A Molex, j’ai bon espoir que ça aille loin et fort, même dans un contexte estival. La direction tente de nous diviser, c’est classique. Mais il y a maintenant un gros noyau de salariés qui ne rentrent plus dans son jeu. Le but de la grève, c’est d’arrêter les chaînes de PSA, notre client principal (80% de chiffre d’affaires). PSA doit se rendre compte que sans ses sous-traitants, elle ne fabrique plus de voiture.

Aujourd’hui, on parle de renouveler l’automobile sous d’autres formes, comme l’électrique. La connectique, c’est notre métier, et dans une voiture électrique, c’est primordial. Donc, pourquoi Molex ne pourrait pas réintégrer PSA ? Sans compter les 3 milliards d’euros que le gouvernement lui a donné. Cet argent a servi à faire crever la sous-traitance et les salariés, pour financer des profits indécents. En mars, Molex a lâché 30% de dividendes supplémentaires à ses actionnaires, et on te dit qu’on est en pleine crise économique, que le groupe va mal… Mais où on va ?

Parmi vos revendications, il y a le maintien de l’outil de travail pour les salariés. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Ça veut dire qu’il y a deux solutions : soit on trouve un repreneur et on repart dans un système plus ou moins vicieux, avec un directeur au cul ; soit l’outil de travail est repris par les salariés, et l’on est décisionnaire à 100%. C’est pas gagné, mais ce serait une très bonne solution, pour qu’on décide de notre avenir et des profits que l’on pourrait faire. La boîte est rentable et elle peut vivre sans Molex. La reprise des outils de production par les salariés, ce n’est pas utopique. Ça existe au Pays basque, en Argentine, et ailleurs dans le monde. Les salariés n’ont pas la même vision qu’un actionnaire. Ils sont attachés à leur outil de travail, sans chercher à s’en mettre plein les poches. A partir du moment où tu arrives à vivre décemment, le problème est réglé.

Il n’y a pas deux capitalismes, comme dit Sarkozy ?

Sarkozy peut dire tout ce qu’il veut, le capitalisme, c’est faire un maximum de profits dans un minimum de temps, point. On est en contact avec Freescale, qui vivent exactement la même chose que nous, et on essaye de faire des actions communes. Le 17 septembre, la confédération syndicale appelle à un rassemblement commun de toute la filière automobile, devant la Bourse de Paris. J’espère qu’il y aura toutes les forces politiques, pour montrer au gouvernement qu’il y a en marre de ces licenciements boursiers. Les actionnaires ne savent même plus quoi faire de leur fric. Ils ne s’attendaient pas à une telle résistance, à Villemur-sur-Tarn, mais quand on touche à la vie des gens et qu’on va si loin dans l’ignominie, il faut s’attendre à une telle résistance.

Propos recueillis par Julien Terrié


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