Petites nouvelles du dimanche : Vers le retour d’une criminalisation du mouvement social et d’une utilisation illégale de la police en Europe ?

dimanche 4 janvier 2009.
 

Nous ne vivons pas une fascisation de l’exécutif politique ; cependant, de nombreux indices poussent à être vigilants quant au respect du droit et des responsabilités publiques de la police, de la justice.

1) Vers un retour aux vieilles méthodes policières illégales contre le mouvement social en Italie ?

Lorsqu’un grand mouvement lycéen et étudiant s’est déployé à l’automne en Italie, qui a-t-on vu sortir du silence ? L’ancien président de la république Francesco Cossiga.

Cossiga, comme ministre de l’intérieur dans les années 1976-1978, avait conduit une répression impitoyable du mouvement contestataire et son action fut liée pendant cette période, dans des circonstances entourées d’un impénétrable mur du silence, aux faits les plus tragiques et obscurs de l’histoire récente de la république italienne : Gladio, P2, le meurtre de Giorgiana Masi..

Qu’a dit ce sinistre Cossiga fin octobre 2007 : "Maroni (actuel ministre de l’intérieur) devrait faire ce que j’ai fait quand j’étais ministre de l’Intérieur... Laisser faire. Retirer les forces de police des rues et des universités, infiltrer le mouvement avec des agents provocateurs prêts à tout et laisser pendant une dizaine de jours les manifestants dévaster les commerces, mettre le feu aux autos et mettre les villes à feu et à sang... Après, fort du consensus populaire, le son des sirènes des ambulances devra surpasser celui des voitures de police et des carabiniers... Dans le sens que les forces de l’ordre ne devraient avoir aucune pitié et les envoyer tous à l’hôpital. Ne pas les arrêter, il y a tant de magistrats qui les remettraient tout de suite en liberté ! mais les frapper et frapper aussi les enseignants qui fomentent les troubles... c’est la recette de la démocratie : éteindre les flammes avant qu’elles ne deviennent un incendie..." Eteindre le feu à temps...

Les propos de Cossiga rappellent la stratégie soutenue par le fascisme et les courants politiques fascisants dans les années 1930 et qui a donné les résultats espérés avec l’Espagne franquiste : "le bon chirurgien coupe un pied à temps pour éviter la gangrène ; mieux vaut exterminer les rouges avant que la société ne soit gangrénée". En Aveyron, cette logique préventive en a poussé certains en 1940 à réclamer la liquidation des laïques.

Depuis le 11 novembre 2001, les Etats Unis ont largement remis à l’ordre du jour cette logique préventive faisant fi de tout respect du droit. Il est cependant fort dommage que la presse n’ait pas relevé la résurgence italienne d’une utilisation fascisante des forces de l’ordre.

2) Vers un retour aux vieilles méthodes policières illégales contre le mouvement social en Grèce ?

Cossiga a immédiatement fait des émules en Europe.

La télévision grecque a montré une vidéo prouvant que les casseurs de vitrines (au moins une partie des casseurs de vitrines) appartiennent à la police.

J’ai trouvé cela sur le site Bellaciao. J’ai pris le temps de bien regarder et cela m’a fait peur. La télévision grecque a été fort courageuse de passer ce document. Il n’empêche que la stratégie de marginalisation du mouvement contestataire recherchée par cette utilisation de la police a, en partie, réussi.

Cela m’a rappelé des faits dont j’ai été témoin dans les années 1968 en France.

Il est fort dommage que la presse n’ait pas relevé cette résurgence d’une utilisation fascisante des forces de l’ordre.

3) Vers un retour aux vieilles méthodes policières illégales contre le mouvement social en France ?

Je n’ai pas bien suivi cette affaire de prétendus "terroristes du Limousin". Ceci dit, je suis choqué à la lecture de certaines informations :

NouvelObs.com : "C’est clair, on veut casser mon fils ainsi que sa compagne Yldune, il y a une volonté de les humilier", accuse Gérard Coupat, qui "a exprimé tout à la fois sa "consternation", sa "colère" et "sa grande peine" devant les "humiliations infligées" à son fils, notamment lors des fouilles à corps, "nu devant des policiers hilares".

Le Canard enchaîné expose les conditions de détention d’Yldune Levy à la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis : la nuit, toutes les deux heures, la lumière s’allume dans sa cellule pour officiellement « la protéger d’elle-même » mais il s’agit selon l’hebdomadaire, qui cite les juges, d’« attendrir la viande » de cette « dangereuse terroriste ».

La Ligue des droits de l’Homme regarde « avec inquiétude l’extension de l’accusation de terrorisme à toute forme de contestation sociale et politique alors même que, dans le cas présent et de l’aveu même de la ministre de l’Intérieur, aucune vie n’a jamais été mise en danger, ni même susceptible de l’être. Le terrorisme est une menace trop sérieuse pour que l’on cède en la matière à des instrumentalisations et à des gesticulations sécuritaires », juge la LDH, dénonçant « une procédure qui ne s’embarrasse pas du respect des libertés individuelles et se déroule sous l’oeil de médias alimentés d’informations uniquement à la charge des personnes mises en cause ».

Interview de Gérard Coupat dans L’Humanité : "C’est grâce à des syndicalistes que j’ai pu rencontrer des techniciens qui m’ont expliqué combien il est farfelu d’imaginer que Julien et Yldune puissent arriver à arrimer des fers à béton sur une caténaire. C’est une manipulation qui ne peut être faite que par des gens très bien entraînés et en aucun cas à deux personnes. Sans parler des problèmes d’électricité résiduelle dans des câbles où circule du 25 000 volts. D’où l’hypothèse que la police n’a jamais retenue - parce qu’elle contrecarre ses plans : celle, connue depuis le début, des écologistes allemands qui utilisent cette technique depuis vingt ans. (Une revendication venant d’Allemagne existe en effet, Nda) Autre hypothèse : tout cela n’est qu’une barbouzerie de plus. Cela ne me surprendrait guère car je ne vois pas d’où peuvent sortir les gilets pare-balles qui ont été retrouvés à la ferme de Tarnac. Une ferme qui, soit dit en passant, doit être la seule de Corrèze où il n’y a jamais eu d’armes à feu ! Heureusement que la personne à qui on a voulu faire signer les scellés a refusé de le faire..."

4) Dans tout bon polar, tout lecteur cherche le mobile. Quel est donc le mobile de cette utilisation de méthodes déjà utilisées contre le mouvement ouvrier renaissant dans les années 1880 à 1905, contre socialistes et communistes puis contre les mouvements contestataires des années 68 ?

Voici la réponse justifiée du père de Julien Coupat : "Depuis le 11 septembre 2001, on a affaire au marketing de la peur. C’est un mode de gestion politique. Et si, autour de la jeunesse de banlieue, a été dressé une sorte de « cordon sanitaire », là, à travers les jeunes de Tarnac, le pouvoir vise essentiellement les jeunes politisés issus de la classe moyenne, celle qui est en train de s’en prendre plein la gueule en ce moment. La classe politique sait qu’en janvier et en février, ça va péter. Parce qu’on ne peut pas accepter 150 000 chômeurs en plus et, dans le même temps, des milliards pour sauver les banques, ni des suppressions de postes dans l’éducation nationale alors que cela fait deux générations que l’école est en panne. Il va donc y avoir des manifestations dans lesquelles on trouve cette jeunesse issue des classes moyennes, qui commence à remuer parce que, ayant fait quelques études, elle sait qu’on est en train de l’envoyer dans le mur, qu’on est en train de mettre en place une société inacceptable pour elle. Comme le pouvoir ne veut surtout pas que cette jeunesse puisse être l’élément déclencheur d’une révolte, il la met en taule."

J’ajouterais un élément. Vous vous rappelez probablement de la déclaration de l’inénarrable D. Rockefeller en 1991, à l’ouverture du Groupe de Bilderberg, parlant d’« un plan pour le monde » : « la souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et de banquiers internationaux est certainement préférable à l’autodétermination pratiquée dans les siècles passés. »

Cette souveraineté supranationale d’une élite intellectuelle et de banquiers internationaux a besoin aujourd’hui du renfort de méthodes policières pour se perpétuer.

5) La souveraineté de l’élite aux Etats Unis

L’information suivante vous a peut-être échappé :

Le plan de soutien financier de l’Etat à l’industrie automobile prévoit un prêt de quelques milliards de dollars, à condition que les salariés acceptent qu’on diminue de moitié leur salaire et qu’on leur supprime un certain nombre de prestations sociales.

Il est vrai que ces salariés posent un problème au patronat américain : ils représentent depuis longtemps un bastion syndical dans ce pays où beaucoup d’entreprises sont des zones de non-droit.

6) Criminalisation des collectifs de défense des services publics

Durant ces fêtes de fin d’année, des défenseurs du service public SNCF dans le Lot, ont été arrêtés, menottés, placés en gardes à vue, cité à comparaître devant le tribunal correctionnel. Après une nouvelle convocation à la gendarmerie, des élus ont été placés en garde à vue, puis déférés au parquet où le procureur de la république leur a annoncé leur convocation au tribunal correctionnel de Cahors le 6 février prochain à 8 h 30.

Ne sous-estimons pas la gravité de cette criminalisation du mouvement social et des élus qui y participent.


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