Jaurès À contre-courant de l’opinion (Par Paul Quilès)

mardi 22 septembre 2009.
 

Pour nous, Jaurès n’est ni un prophète ni un gourou, mais un homme exceptionnel qui a marqué l’histoire de la gauche par sa pensée et par son action. Il reste une référence, un inspirateur, dont les valeurs se situent aux antipodes de celles d’un Sarkozy… qui avait pourtant essayé de le récupérer en le citant 32 fois dans son discours de Toulouse (12 avril 2007). Les défis du monde auxquels Jaurès était confronté s’appelaient : la paix, l’unité de la gauche, la laïcité, la justice, les droits sociaux, les institutions de la République. Un siècle plus tard, les mêmes défis, sous d’autres formes, sont devant nous.

Être fidèle à Jaurès aujourd’hui, c’est s’inspirer de son exemple dans les combats que doit mener la gauche : la - recherche de « l’arbitrage international » dans les conflits, pour éviter le fléau de la guerre, qui doit rester notre objectif en matière de politique internationale ; la lutte contre les inégalités et contre la précarité, que la crise déclenchée par les errements du capitalisme financier a accentuées ; les efforts pour faire progresser - pas seulement en paroles - l’indispensable rassemblement de la gauche, déjà si difficile il y a un siècle, mais rendu possible par la volonté de Jaurès ; le renforcement de la démocratie, affaiblie aujourd’hui par une évolution des institutions vers une sorte de « monarchie républicaine ». Rappelons-nous que Jaurès proposait de remplacer le Sénat par une « chambre du travail », qu’il souhaitait une Assemblée nationale plus forte, pour équilibrer le pouvoir exécutif, et que, pour lui, la démocratie passait par un lien fort entre les élus, le peuple, les partis, les syndicats, la défense de la laïcité, alors que, de façon insidieuse, la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État est à nouveau contournée et menacée.

De façon plus générale, l’attitude de Jaurès dans le combat politique tranche avec bien des dérives que l’on constate aujourd’hui. Il répétait qu’il fallait « savoir dépenser sa popularité », en allant, lorsque c’était nécessaire, à contre-courant de l’opinion et de la mode. Belle leçon pour tant de responsables politiques - même à gauche -, obsédés par les sondages et le « politiquement correct » ! Dans le débat, très « chaud » à l’époque, sur la façon de combattre le capi- talisme et de faire triompher le socialisme - réforme ou révolution ? -, Jaurès reprenait la fameuse formule de Marx sur « l’évolution révolutionnaire », en la précisant : « Elle consiste à introduire dans la société d’aujourd’hui des formes qui la dépassent et préparent la société nouvelle… »

Cet homme courageux, engagé, souvent révolté, défenseur des faibles contre les puissants, savait aussi faire les compromis nécessaires dans l’intérêt de la gauche. C’est ainsi qu’il accepta de voir certaines de ses idées fortes mises en minorité au congrès du Globe (1905), pour ne pas gêner l’unification des socialistes. Le monde a changé depuis un siècle, mais dans le climat de confusion, de doute et parfois de perte de repères qui est celui de notre pays, il est bon de revenir à Jaurès.

Par Paul Quilès, député de la circonscription de Jaurès de 1993 à 2007 ancien ministre.


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