Jaurès La démocratie vivifiée (Par Raymond Huard, historien)

mardi 22 septembre 2009.
 

Il ne faut pas assurément chercher chez Jaurès des recettes toutes faites pour notre temps, mais ça n’empêche pas d’y chercher des sources d’inspiration. On peut considérer aujourd’hui qu’à l’époque où il agissait il y avait beaucoup d’illusions dans sa pensée. Illusions sur la capacité du prolétariat en son temps à conquérir dans la société une hégémonie politique et sociale, sur les capacités libératrices, certes réelles à certains égards, de l’école laïque, mais qui peut aussi être investie, fût-ce à son insu, par l’idéologie bourgeoise, illusions même sur les vertus du suffrage universel qui peut lui aussi être manipulé.

Vers 1910, d’ailleurs dans l’Armée nouvelle, tout en restant très attaché à cette conception de la démocratie, il reconnaît qu’« il se peut bien que, sous le voile de la légalité démocratique et de la souveraineté populaire, de terribles tyrannies politiques et sociales s’exercent, que la majorité, ou indifférente ou trompée par tous les moyens de mensonge dont dispose le capital, soit sourde trop longtemps aux cris de la misère et du droit opprimé ». Cependant, au cours du temps, la pensée de Jaurès, qui reposait au départ sur une conception très rationaliste de la formation des idées, est devenue plus réaliste par le contact avec la réalité des milieux populaires. Ce qui reste entièrement valable, c’est l’aspiration à une démocratie vivante, en symbiose constante avec les grandes masses populaires, c’est l’idée que le suffrage universel n’est pas la panacée démocratique définitive et indiscutable, mais qu’il doit être sans cesse vivifié, c’est l’idée qu’il n’y a pas de vraie démocratie sans démocratie sociale, c’est aussi le conseil qu’il donne à la fin de l’Histoire socialiste : il y rappelle les deux méthodes entre lesquelles s’est partagé au cours du temps le mouvement ouvrier et socialiste.

Tantôt, écrit-il, il s’est mêlé à tous les mouvements de la démocratie, tantôt il a voulu isoler l’action ou la pensée socialiste. Jaurès considère qu’il faut maintenant « concilier, non pas seulement d’instinct mais délibérément, ces deux méthodes également nécessaires, comme l’avait imaginé Marx en son temps. Les conditions de l’action ne sont plus celles que le marxisme avait prévues, mais la méthode essentielle du prolétariat doit bien être celle qu’il a esquissée, la méthode - complexe d’une classe à la fois très vivante et très âpre, qui se mêle à tous les mouvements pour les ramener sans cesse à sa propre fin ». Conseil à suivre.


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