Sex and the Arab City : les vents du changement soufflent dans le monde arabe

vendredi 19 décembre 2014.
 

A voir le nombre de commentaires qu’elle a suscités sur le Net, la vie sexuelle des Arabes, en particulier en Arabie saoudite, est un sujet qui passionne ! Rappel pour ceux qui n’ont pas suivi cette affaire : en juillet dernier, un Saoudien a eu la malheureuse idée de faire état de ses aventures galantes dans le cadre de « Ligne rouge » (الخط الأحمر), une émission tapageuse – et à succès – de la chaîne libanaise LBC (contrôlée par le milliardaire saoudien Al-Waleed Ibn Talal).

Les sanctions n’ont pas traîné : fermeture des bureaux de la chaîne en août, 5 années de prison et 1000 coups de fouet pour le « Casanova saoudien » et, pour faire bonne mesure, condamnation en octobre d’une journaliste locale, Rosana Al-Yami, à 60 coups de fouet pour sa collaboration à la préparation de l’émission (elle a bénéficié, juste après, d’une grâce royale).

Plus récemment, et toujours sur fond de compétition politique entre « libéraux » et « conservateurs », ce sont deux chanteuses, souvent qualifiées de “bombes sexuelles”, qui ont fait parler d’elles. En Egypte, l’annonce d’un prochain concert de Beyoncé, dans un luxueux hôtel sur la mer Rouge, a provoqué un beau scandale (article en arabe dans Al-Akhbar). Alors que les Malaisiens avaient réussi à décourager la star en lui imposant un (trop) strict code vestimentaire pour ses tenues de scène, un député proche des Frères musulmans a interpelé le gouvernement au Parlement à propos de la venue d’une chanteuse coupable de propager « l’immoralité et la dépravation » (الفسق والفجور).

Une attitude d’autant plus scandaleuse à ses yeux que le même gouvernement a été accusé – à tort semble-t-il si l’on en croit cette info en arabe sur le site d’Al-Jazeera – d’avoir contraint les très célèbres Tuyûr al-janna ( طيور الجنة : Les oiseaux du paradis) à mettre un terme plus rapide que prévu à leur tournée estivale en Egypte. (Pour être tout à fait complet il faut rappeler que cette chorale religieuse, qui connaît un énorme succès et qui a tout de même son propre canal satellitaire, a également connu quelques problèmes à la même époque en Arabie saoudite, mais à cause de la police des mœurs locale qui n’apprécie pas du tout cette interprétation musicale trop « moderne » de l’islam : article en arabe sur IslamOnline).

Mêmes débats, mais cette fois à Agadir, dont la plage accueillait la quatrième édition du Concert pour la tolérance. Pour ce « moment intense de partage et de dialogue entre les peuples » selon les termes du communiqué officiel, ce « pont culturel entre les deux rives de la Méditerranée » proposait notamment une prestation de Haïfa Wehbé. Fidèle à sa réputation, la chanteuse libanaise s’est produite dans une tenue que certains médias locaux ont décrite comme assez proche de la chemise de nuit, au point que les vertueuses caméras de la télévision marocaine ont préféré rester prudemment à distance !

Si une partie du public masculin, selon la presse, a exprimé avec beaucoup de vigueur toute sa ferveur pour la créatrice de Bouss al-wawa, dans les journaux proches de l’opposition religieuse, tel Al-Tajdid ( التجديد : Le Renouveau), on s’en est pris violemment à l’image donnée par la principale représentante de la Méditerranée arabe pour ce concert en hommage à la tolérance.

Certains éditorialistes (voir cet article en arabe sur IslamOnline) ont ironisé à propos de cette tolérance qui consiste à exhiber sur scène un Sud tel que le veut le Nord, à savoir déshabillé et dépouillé de toute dignité (هيفاء كشفت عن الوجه “الذي يُريد البعض أن يظهر به شعوب جنوب المتوسط أمام شماله، شعوب عارية، نزعت عنها ثيابها، وتخلت عن كرامتها، كل ذلك يتم باسم ‘التسامح’ المفترى عليه). Et tout cela alors que l’humoriste français Dieudonné était empêché de se produire à Casablanca…

Rien de bien neuf malgré tout dans ces querelles entre les différentes formes de pouvoir et leurs oppositions, où tout est réglé d’avance dans les moindres détails (jusqu’à la petite robe de Haïfa qui avait déjà défrayé la chronique : voir ce précédent billet). Néanmoins, une telle présence des « choses du sexe » dans l’actualité récente, avec tous les enjeux de société qui les entourent, offre une bonne introduction à un autre échange, plus inédit, sur l’importance qu’il convient d’accorder à de tels événements, et sur le sens que l’on peut leur donner.

Auteur de plusieurs livres sur le monde arabe et à la tête d’un blog qui regorge d’informations utiles, Brian Whitaker est aussi responsable de la section Moyen-Orient du Guardian où il participe à une très intéressante tribune collective, intitulée Comment is free. Dans un billet récent, il y a proposé quelques commentaires sur la question du changement dans le monde arabe.

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