L’offensive diplomatique palestinienne (par Denis Sieffert, Politis)

samedi 21 novembre 2009.
 

Les termes du conflit israélo-palestinien sont-ils en train de changer ? Rarement en tout cas la situation aura été aussi mouvante. Pour la première fois depuis l’offensive diplomatique d’Arafat à la fin des années 1980, les dirigeants palestiniens semblent déterminés à placer la communauté internationale devant ses responsabilités. En annonçant son intention de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle, Mahmoud Abbas met dans l’embarras ses partenaires américains et européens. De même, en menaçant de proclamer unilatéralement un État palestinien et en demandant au Conseil de sécurité des Nations unies de le reconnaître, les dirigeants palestiniens placent Européens et Américains en face d’un choix délicat. Car, en vérité, cette soudaine fermeté leur est imposée presque à leur insu. C’est le revirement américain après les déclarations courageuses de Barack Obama qui a provoqué cette onde de choc. Mahmoud Abbas, qui n’avait pas jusqu’ici témoigné de beaucoup d’audace, n’a fait en réalité que s’aligner sur le président états-unien. On se souvient que, dès le discours du Caire, le 4 juin, celui-ci avait exigé d’Israël le gel de la colonisation. Le président de l’Autorité palestinienne a naturellement repris à son compte cette exigence, dont il a fait la condition à toute relance de négociation avec Israël. Si l’on s’en tient à la logique, il n’y avait rien là d’excessif, c’est le moins que l’on puisse dire. Il était urgent de mettre fin au double langage israélien. Depuis la signature des accords d’Oslo, en 1993, les dirigeants israéliens n’ont cessé de gagner du temps pour renforcer la colonisation de la Cisjordanie, et créer un fait accompli.

Mais, depuis le 4 juin, la diplomatie américaine s’est livrée à toutes sortes d’atermoiements. À commencer par Hillary Clinton, qui a semblé, voici deux semaines, faire volte-face. Le mérite de Mahmoud Abbas dans cette affaire aura été de rester adossé aux premières déclarations de Barack Obama. Certes, le conflit du Proche-Orient est, de la part des Occidentaux, une longue histoire de débandades diplomatiques et de déclarations bravaches jamais suivies d’effets. Mais, tout de même, on verrait mal cette fois Américains et Européens reprocher aux Palestiniens de reprendre à la lettre leur propre discours. Obama n’est pas Bush. Et l’image d’Israël s’est considérablement détériorée depuis Gaza. Toutes les censures, toutes les propagandes et tous les « BHL » de la désinformation n’en peuvent mais. De plus, la question coloniale, cause profonde du conflit, a été remise au centre du discours politique par Obama. Et le caractère intrinsèque du gouvernement Nétanyahou, avec un ministre des Affaires étrangères, Avigdor Liberman, à côté duquel Jean-Marie Le Pen ferait presque figure de militant antiraciste, n’arrange évidemment pas le tableau. Les deux déplacements récents de Benyamin Nétanyahou à Washington et à Paris ont d’ailleurs témoigné de ce changement de climat. La fanfaronnade des communiqués israéliens n’a trompé personne.

Dans cette situation, les Israéliens ont recours à une tactique dont ils ont déjà usé en d’autres circonstances, notamment en 1999, avec Ehoud Barak : ils tentent de faire diversion. C’est la soudaine proposition d’une négociation séparée avec la Syrie. Mais le président syrien est trop habile pour tomber dans le piège (voir l’article de Richard Labévière). Mais une autre diversion a évidemment beaucoup plus de consistance. C’est la tension entretenue autour du dossier du nucléaire iranien. Une opération israélienne – improbable dans l’immédiat, mais possible dans quelques mois – bouleverserait les données actuelles. Et on peut facilement imaginer que les Palestiniens en feraient les frais. Mais nous n’en sommes pas là. En attendant, les Palestiniens ont tout intérêt à jouer la carte de la fermeté. Même si, comme c’est probable, les instances dirigeantes de l’OLP, qui se réuniront le 15 décembre, décident de prolonger le mandat de Mahmoud Abbas peut-être jusqu’à des élections elles-mêmes reportées au mois de juin. Et à laisser planer la menace d’une démission ou d’une déclaration unilatérale d’indépendance.

Que peut-il se passer dans ce laps de temps ? Les inconnues sont nombreuses. Un rabibochage politique du Fatah et du Hamas est de plus en plus improbable. Une nouvelle capitulation occidentale face à Israël, en revanche, n’est évidemment jamais à exclure [1]. Mais ce serait une défaite majeure pour Barack Obama. Ce pourrait être aussi la mort pure et simple de l’Autorité née des accords d’Oslo. Le conflit basculerait alors, peu ou prou, vers la fin de l’hypothèse à deux États. On verserait dans une situation à la sud-africaine, version apartheid. Il dépend en grande partie du président américain et, à un degré moindre, des Européens qu’un chemin plus économe en drames de toutes sortes soit emprunté.


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