« Le MoDem se dit "au centre", mais c’est un parti de droite. Pour eux, c’est "oui" à des alliances avec la gauche pour n’importe quelle place, mais "non" pour les droits sociaux. Je me suis trompée… On m’a trompée » (Nadia Falfoul, membre du Conseil national du MODEM)

mardi 1er décembre 2009.
 

Telle est l’une des principales raisons qui ont conduit Nadia Falfoul, jeune conseillère municipale de Bobigny (Seine-Saint-Denis) à démissionner du Mouvement démocrate. Un désamour qu’elle expliquera ce soir, en conseil municipal. Elle annoncera aussi qu’elle quitte « à partir de ce jour l’opposition municipale de droite ».

En soi, cette annonce n’a rien d’un événement. Elle n’en est pas moins intéressante et son témoignage mérite d’être porté à la connaissance de tous ceux qui, tout en se disant de gauche, sont séduit par les sirènes de François Bayrou.

Deuxième sur la liste MoDem aux municipales de mars 2008 dans cette ville communiste depuis 1920 (de mémoire), Nadia Falfoul était membre du conseil national de ce mouvement et siégeait à son bureau départemental. En juillet, elle a « adressé une lettre officielle à la direction du MoDem expliquant les raisons de [sa] rupture irrévocable avec ce parti politique ».

Quand je l’ai jointe par téléphone pour vérifier que le communiqué arrivé sur ma boîte mail était bien d’elle, il m’a semblé que les raisons de son engagement dans ce mouvement étaient aussi sincères que sa rupture. « On est jeune, on peut se tromper dans la vie », s’est-elle justifiée. Avant d’ajouter : « Pour eux, c’est "oui" à des alliances avec la gauche pour n’importe quelle place, mais "non" pour les droits sociaux. »

Voici le récit qu’elle donne de son expérience et des raisons de sa rupture dans le communiqué qu’elle a adressé à la presse :

« C’est en 2007 que je me suis engagée avec honnêteté dans ce mouvement, sur la base de tout ce que j’avais pu lire ou entendre à son sujet dans les medias au moment de la campagne présidentielle, le définissant comme un parti du centre « ni à droite – ni à gauche », défendant les valeurs démocratiques et sociales de la République, défendant l’Europe, et dont le porte-parole François Bayrou serait le principal opposant à Nicolas Sarkozy. Comme beaucoup d’autres que moi, j’ai sincèrement cru à ce qu’on me disait : il y avait même des responsables du Parti Socialiste et des Verts qui parlaient (et parlent de plus en plus aujourd’hui) d’alliance avec le MoDem. Je me suis trompée… On m’a trompée, en fait !

 »Défendre les valeurs démocratiques et sociales de la République ? Mais j’ai découvert qu’au Modem, il n’y a en réalité pas de projets collectifs pour les gens, mais une lutte permanente pour les places. La jeunesse y est méprisée, et on ne s’y intéresse que si elle rapporte des voix aux élections. On n’y trouve aucun intérêt pour la solidarité solidaire et les projets citoyens. La question du droit de vote des étrangers y est un tabou.

 »Défendre l’Europe ? Mais j’ai découvert qu’au Modem, seule compte l’Europe libérale, construite sans le peuple, contre l’avis du peuple, comme l’a montré le passage en force du Traité de Lisbonne contre le vote des français au referendum de 2005 (72,17% pour le Non à Bobigny), voulu par Nicolas Sarkozy et soutenu par le Modem.

 »Principale opposition à Nicolas Sarkozy ? Mais j’ai découvert que le Modem ne défend, au fond, qu’une conception ultralibérale de la société dominée par l’argent et la réussite individuelle, le même projet que l’UMP. Face à la crise historique du capitalisme financier, cette droite n’a aucune autre proposition que de sauver coûte que coûte ce système à la dérive, qui provoque la misère et détruit la planète.

 »Le MoDem se dit « au centre », mais c’est un parti de droite. Tout simplement. A Bobigny, et dans la quasi-totalité des villes dirigées par la Gauche, le Modem est dans l’opposition de droite. Et moi, enfant de la République ayant toujours vécu dans les quartiers populaires, là où on sait plus qu’ailleurs que le capitalisme de notre époque déclenche des catastrophes humaines et financières, sociales et économiques d’une ampleur incroyable, là où l’ascension sociale n’est réussite que si elle passe par la réussite des autres, là où les valeurs de solidarité et d’entraide sont tout ce qui reste aux gens pour vivre, eh bien moi, je suis de gauche !

 »Issue d’une famille ouvrière d’origine immigrée, je suis née et j’ai grandi à Bobigny, et je sais ce que je dois à la municipalité de gauche qui a toujours su défendre et développer les outils de la réussite pour tous. Je suis aujourd’hui Doctorante en Droit, je donne des cours à l’Université, je suis responsable d’une association féministe, je suis élue de la République. Je suis fière de Bobigny.

C’est ainsi que pour installer une situation claire et transparente, vis-à-vis de toutes les balbyniennes et tous les balbyniens, j’annoncerai au prochain Conseil municipal du 26 novembre 2009 ma nouvelle situation au sein du conseil municipal : je ne porte plus ni le titre « MoDem » ni l’étiquette de la liste « Les Balbyniens, de toutes nos forces ». Me détachant de ces références, je me détache également de l’opposition municipale où je me trouvais placée, et c’est « sans étiquette » que je siègerai lors des prochains conseils, en attendant que d’autres discussions permettent – je l’espère – d’évoluer vers un rassemblement. »

A l’heure où les sirènes de François Bayrou séduisent une large frange du Parti socialiste et des écologistes, ce témoignage méritait bien une petite publicité.


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