Paul Lafargue. Paresse et révolution (anthologie réalisée par Gilles Candar et Jean-Numa Ducange)

jeudi 3 décembre 2009.
 

Paul Lafargue (1842-1911), gendre de Karl Marx, fut une des personnalités remarquables du socialisme français et international avant la guerre de 1914. Son œuvre la plus connue, le Droit à la paresse, parue en 1880, souvent rééditée, a maintenu en vie sa mémoire jusqu’à nos jours. Dans ce pamphlet drôle et à contre-courant contre une revendication quarante-huitarde, le droit au travail (qui était, pour lui, le droit à l’esclavage), Lafargue rappelle opportunément que le travail, surtout quand il s’opère dans des conditions inacceptables, n’est pas forcément le but de la vie humaine. L’œuvre est significative de tout un aspect de la production de Lafargue, journaliste «  paradoxal  » comme le caractérisent, à juste titre, les présentateurs de ce recueil de textes.

Dans la Religion du capital, qui procède de la même approche, Lafargue s’emploie à montrer de façon réjouissante, en parodiant l’Ecclésiaste, et catéchisme des travailleurs à l’appui, que la seule religion véritable et utile contre les travailleurs est celle du capital. La deuxième et la troisième partie de ce livre rassemblent des discours, des articles de revues ou de presse qui présentent la contribution de Lafargue à la réflexion théorique et à la vie politique de son temps. Ils sont significatifs des anticipations et aussi des limites de la pensée socialiste de l’époque. Anticipations quand Lafargue s’affirme résolument féministe et anticolonialiste, dénonce avec force le racisme aux États-Unis.

Limites aussi, même si cet intellectuel brillant sait faire preuve de nuance  : Lafargue méconnaît les possibilités d’adaptation du capitalisme, son aptitude à faire profiter les hommes des découvertes scientifiques ou médicales. Il dénonce l’idéologie bourgeoise des droits de l’homme, tromperie à l’usage des travailleurs. Pour lui, la bourgeoisie de son temps est dégénérée, pessimiste, superstitieuse ou sceptique. Sur un autre plan, il sous-estime nettement le danger de guerre. Seule la révolution socialiste résoudra tous les problèmes de l’humanité. Lafargue est parfois injuste, aussi, lorsqu’il éreinte Victor Hugo, en qui il ne voit qu’une sorte de bourgeois opportuniste et repu. Il n’en reste pas moins que ses textes, ici très bien présentés et annotés, font revivre une époque et apportent, en même temps qu’un souffle de fraîcheur, un vrai plaisir de lecture.

Paul Lafargue. Paresse et révolution. Écrits, 1881-1911, préfacé et annoté par Gilles Candar et Jean-Numa Ducange. Éditions Tallandier, 2009,
434 pages, 10 euros.


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