Spinoza analyste des institutions politiques

mercredi 6 septembre 2017.
 

Le Traité politique est une des œuvres où le penseur batave se montre proche des préoccupations concrètes de l’organisation de la cité et de la place des hommes dans l’histoire.

Spinoza  : questions politiques. 
Quatre études 
sur l’actualité du Traité politique,d’Alain Billecoq, 
préface de Pierre-François Moreau, Éditions L’Harmattan, 
138 pages, 13 euros.

S’il a très peu publié de son vivant (1), Spinoza n’a pas cessé d’écrire pour un cercle de proches invités à le critiquer sans réserve et à lui épargner les affres de la censure d’État. Parmi les joyaux conceptuels que cet orfèvre en lentilles de vue a patiemment polis à l’écart des honneurs et des autorités, il y a l’étonnant Traité politique. Le seul dans lequel Spinoza aborde explicitement la liberté comme phénomène concret et incarné dans des institutions sociales et historiques. Et non sous le prisme plus abstrait de la critique du libre arbitre comme illusion du vulgaire.

Comme le rappelle dans sa préface Pierre-François Moreau, on peut trouver des raisons objectives à l’audience et à la publicité encore relatives de ce texte majeur. Inachevé et posthume, le livre cumule les inconvénients d’être à la fois d’une facture plus traditionnelle que le fameux Traité théologico-politique et de nous être parvenu dans les mêmes liasses que son chef-d’œuvre absolu, l’inclassable Éthique. Sa réception historique et philosophique en a été durablement compromise. Il recèle pourtant un vocabulaire original et une métaphysique de la puissance inédite, qui éclairent l’ensemble des autres textes. C’est dire le mérite qui revient à Alain Billecoq d’en proposer un commentaire ordonné et vivant.

Les quatre études qui composent son travail s’efforcent de recueillir et de transmettre l’essentiel de l’ultime écrit du penseur du conatus et de la joie d’exister. En saisissant rigoureusement son objet et sa structure, on comprend que certaines questions n’ont ni propriétaire ni contexte historique déterminés. S’interroger sur la nature de la citoyenneté, de la paix ou encore des rapports que peuvent entretenir les institutions politiques avec le religieux, ce n’est pas exhumer la pensée d’un homme coupé de tout et de tous. C’est au contraire comprendre ici et maintenant que la liberté de penser et d’agir des hommes suppose de s’élever au-dessus du chaos des passions, et des excès qu’elles font subir aux individus comme aux peuples. Parce qu’il décrit les hommes de façon rationnelle, en partant de leur situation concrète dans l’histoire, et qu’il cherche à sa manière géométrique les voies de leur émancipation, Spinoza nous révèle sa face politiquement inactuelle de Janus  : solitaire certes, mais solidaire avant tout.

Stéphane Floccari, philosophe

(1) Les Principes de la philosophie 
de René Descartes en 1663 sous 
son nom et le Traité théologico-politique en 1670, anonymement.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message