Les RASED et l’enseignement spécialisé en voie de disparition programmée

lundi 21 décembre 2009.
 

Le 20 novembre 2008, la plus puissante grève dans les écoles maternelles et élémentaires jamais vue dans notre pays depuis des années a secoué le pays. Au coeur de cette immense mobilisation, la décision du gouvernement de supprimer 2 heures d’enseignement par semaine à tous les élèves (24 heures au lieu de 26) pour utiliser ces 2 heures à « une aide individualisée aux élèves en difficulté » assurée par tous les enseignants des écoles. En plus de leur classe, ils devraient prendre en charge, le matin, le midi ou le soir, un petit groupe d’élèves pour les faire travailler, afin de les aider individuellement. Apparemment, c’est un plus. En réalité, c’est une escroquerie. Le gouvernement s’est en effet bien gardé de dire qu’il programmait ainsi la disparition de l’enseignement spécialisé, en particulier des réseaux d’aide aux élèves en difficulté, les RASED. 3 000 postes d’enseignants spécialisés disparaissent dans le budget 2009. Tout cela pour satisfaire les exigences de l’Union européenne de réduction des dépenses publiques. Le ministre Darcos pensait que « les protocoles » signés avec des dirigeants d’organisations syndicales majoritaires suffiraient à faire passer ce tour de passe-passe comme une lettre à la poste. Il s’est planté. Le retrait des décrets d’août 2008 qui organisent ce démantèlement de l’enseignement spécialisé est devenu l’exigence des assemblées d’enseignants et de parents, le mot d’ordre dominant des manifestations malgré toutes les tentatives de sauver le plan Darcos de la débâcle. Après le recul sur la réforme des lycées, le retrait des décrets Darcos est devenu un des enjeux majeurs de la lutte de classe dans notre pays en janvier 2009. M. L.

Pour des milliers d’élèves, une aide indispensable pour reprendre pied dans une classe

Que sont les RASED ?

LES RASED comprennent trois catégories d’enseignants spécialisés : psychologues scolaires, rééducateurs, enseignants spécialisés dans l’aide pédagogique. Le RASED est saisi par les enseignants des cas des élèves qui présentent des difficultés plus ou moins importantes et pour lesquels une aide pédagogique ou rééducative particulière s’avère nécessaire. Ils bénéficient ainsi d’une aide spécialisée, adaptée à leurs difficultés, qu’un enseignant dans sa classe ne peut leur apporter avec l’efficacité nécessaire. Les RASED ont aidé des milliers d’élèves à reprendre pied dans une classe. En réaffectant une partie des heures supprimées le samedi matin à la mise en place de 60 heures annuelles « d’aide aux élèves rencontrant des difficultés scolaires » dispensées par un enseignant généraliste en dehors du temps scolaire des élèves, le gouvernement fait d’une pierre deux coups : il démantèle les RASED et disperse les personnels spécialisés, appelés à disparaître. Dans les Hautes-Pyrénées, dix postes supprimés sur une quarantaine de postes de maîtres E (spécialisés dans la difficulté scolaire) et G (difficulté comportementale) correspondent aux 3 000 postes de moins par an. Trois ans = 9 000 postes. Il ne devrait plus y avoir de RASED en 2012. C’est aussi 3 000 stages de formation par an payés par l’Etat et jetés à la poubelle. C’est un peu comme si on disait : « On garde les médecins généralistes et on supprime tous les spécialistes. » Alors que 5 psychologues scolaires partent à la retraite dans l’Eure, l’inspecteur d’académie n’a prévu aucun départ en formation de psychologue scolaire l’an prochain. Par ailleurs, alors que leurs frais de déplacement pour aller dans les écoles sont officiellement reconnus à plus de 1 600 euros annuels, ils ne perçoivent que 800 euros. Réponse : ne vous déplacez plus !

D’où viennent les RASED ?

Avec les lois Jules Ferry, la République a opté pour une école publique garantissant à la fois la laïcité, la gratuité, l’obligation scolaire et l’égalité des enfants du pays devant l’instruction publique. Cette égalité des droits repose sur des programmes scolaires nationaux, annuels et par matière, obligatoires dans toutes les écoles publiques. Mais comment assurer la scolarité des enfants dont une difficulté scolaire sérieuse, une déficience intellectuelle, la maladie, un handicap sensoriel ou psychique interdisent de suivre, dans les conditions d’une classe banale, les programmes scolaires imposés ? Sous la pression des parents, des enseignants et du mouvement ouvrier, plusieurs mesures iront dans le sens d’une prise en charge spécifique pour assurer une scolarité adaptée à ces enfants : une loi de 1909 crée les classes de perfectionnement, les écoles et les classes de plein air pour les enfants malades, les écoles nationales de perfectionnement… Il faudra néanmoins attendre 1947 pour que le ministère de l’Education nationale crée un Centre national de pédagogie spécialisée, où ne seront formés que 2 028 instituteurs jusqu’en 1960. Le certificat d’aptitude à l’éducation des enfants et adolescents déficients et inadaptés n’est créé qu’en 1963. Au total, en, 1975, 394 000 élèves sont pris en charge dans l’école ou dans des structures spécialisées pour des besoins estimés à 860 000. Depuis le début des années 1980, tous les ministères successifs, toutes colorations politiques confondues, ont conduit une politique de fermeture des classes spécialisées dans l’enseignement primaire.

La loi d’orientation de 1989, dite loi Jospin, a constitué le cadre juridique de cette destruction. En 1990, les groupes d’aide psycho-pédagogique (GAPP) sont rebaptisés RASED. La norme de 1 pour 1000 élèves disparaît, les RASED sont souvent incomplets et interviennent sur des secteurs de plus en plus larges (4 à 6 groupes scolaires dans la région parisienne). Il faudra des années de résistance pour les sauver d’une disparition programmée sous Jospin, que Darcos se propose d’achever en 2009. En 1991, le gouvernement décrète la fermeture des classes de perfectionnement. Les élèves en difficulté scolaire seront désormais privés de cette structure adaptée : effectifs de moins de 15 élèves avec un maître spécialisé. Ils perdront pied dans les classes surchargées. On trouve maintenant fréquemment des élèves qui savent à peine lire dans des cours moyens. Pour donner une idée des dégâts commis, il faut savoir que le nombre d’enseignants spécialisés dans les écoles maternelles et élémentaires est passé de 23 000 en 1990 à 16 000 en 2004.


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