Sri Lanka : Massacre des prisonniers tamouls confirmé par une video

lundi 18 janvier 2010.
 

Crimes de guerre, Colombo pointé du doigt par l’ONU

La vidéo tournée en mai 2009 montrant l’exécution sommaire de prisonniers par des militaires sri lankais 
est authentique, affirme un représentant des Nations unies après une analyse effectuée par des experts indépendants.

Un groupe d’hommes dénudés, les yeux bandés, à genoux près d’un champ dans lequel gisent déjà plusieurs cadavres. Les prisonniers sont froidement exécutés un à un, d’une balle dans la tête, par des individus vêtus d’uniformes de l’armée sri lankaise. Ces mises à mort sont rapportées dans un document vidéo diffusé le 25 août 2009 par la chaîne britannique Channel Four. Il aurait été filmé à l’aide d’un téléphone mobile, par un militaire sri lankais présent sur les lieux.

Tous les dirigeants de la guérilla auraient été tués

Réalité ou montage  ? La polémique a fait rage autour de ces terribles images incriminant les forces gouvernementales de Colombo au lendemain de leur victoire sur la rébellion tamoule. Une polémique qui prend aujourd’hui un tour nouveau avec les affirmations de Philip Alston – nommé en 2004 rapporteur spécial auprès du Conseil des droits de l’homme et de l’Assemblée générale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires –, qui authentifie la vidéo. Elle aurait été tournée en mai 2009, à la fin des opérations opposant l’armée aux rebelles des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), dont les victimes seraient des membres. « Le document a été analysé par trois experts indépendants dont la compétence est incontestable », a expliqué Philip Alston. Selon lui, leurs analyses contredisent celles effectuées précédemment par une équipe sri lankaise dont deux des quatre membres appartenaient à l’armée. Concluant à un faux, Colombo avait estimé qu’il n’y avait pas lieu d’ouvrir une enquête.

À l’inverse, le rapporteur de l’ONU déclare qu’elle s’impose pour déterminer si cette vidéo constitue la preuve de « crimes de guerre et d’autres violations graves du droit humanitaire international et des droits de l’homme qui auraient été commis au Sri Lanka ». Le gouvernement sri lankais a accusé l’ONU de mener croisade pour le faire comparaître devant des tribunaux de guerre. Le 18 mai, après une offensive de cinq mois, l’armée s’était emparée de la dernière poche tenue par les Tigres dans le nord-est de l’île, tuant tous les dirigeants de la guérilla, dont son chef Velupillaï Prabhakaran. Les Nations unies portaient à 7 000 le nombre de civils ayant perdu la vie depuis janvier dans la zone de guerre où l’armée sri lankaise avait lancé l’offensive. Sur le terrain, la Croix-Rouge avait décrit une « catastrophe humanitaire inimaginable » face à ces centaines de milliers de personnes déplacées, fuyant bombardements et combats. Près de 300 000 civils, en majorité de la minorité tamoule, avaient été internés dans des camps, dans des conditions de survie épouvantables. Fin octobre, le haut-commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme avait estimé que les allégations d’atrocités commises durant la guerre civile – toujours niées par Colombo – justifieraient la mise sur pied d’une mission d’enquête indépendante.

Le ministre de la défense mis en cause

En mai, le gouvernement sri lankais avait pourtant réussi à échapper à une condamnation des Nations unies. Mais de nouvelles charges ont ressurgi en novembre, lorsque l’ancien chef des armées, le vainqueur des Tigres et actuel candidat à l’élection présidentielle, Sarath Fonseka, a affirmé que les militaires avaient reçu l’ordre du ministre de la Défense d’exécuter des dirigeants de la guérilla au moment où ils se rendaient. Selon lui, le ministre Gotabhaya Rajapakse, frère de l’actuel président, avait donné des instructions aux commandants sur le terrain de ne pas faire de prisonniers dans les jours qui avaient précédé, en mai, la débâcle des séparatistes tamouls et leur reddition.

Dominique Bari


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