La drôle d’affaire Frêche

jeudi 11 février 2010.
 

J’étais au meeting de Montpellier organisé par notre liste d’union de l’autre gauche ! Grosse affaire ! La presse annonce 3000 participants, les organisateurs 3500. De toute façon c’est le plus grand meeting jamais réalisé pour une élection régionale dans ce quartier de France.

La veille et le jour même nous étions saturés d’informations à propos de la grande manœuvre de la rue de Solferino contre Frèche. Il aura fallu passer la journée à répondre à une apparence de situation, « le PS sauve son âme plutôt qu’une région », alors même que nous en connaissions tous le dessous des cartes, lequel n’a rien à voir avec les versions officielles rabâchées jusqu’à la nausée comme d’habitude. Qu’il s’agisse des apparences, ou des coups tordus de cette partie, tout est absurde ! Et cela suffit à signaler un grand non dit. Je vais donner mon avis. Pour le reste, ne boudons pas notre satisfaction cependant. Cette histoire avec Frèche est pain béni (ça c’est catholique), pour notre liste d’union de toute l’autre gauche « à gauche maintenant », en Languedoc Roussillon et notre premier de cordée sur place René Revol. Car Il faut bien voir le tableau tel qu’il se présente, vu de notre balcon qui n’est pas celui de l’agitation autour du sempiternel thème des abus de langage du Néron de Septimanie. Pour nous cette région est l’épicentre de la recomposition de la gauche, notre laboratoire, notre matière première à penser.

LE LABORATOIRE

Nous y travaillons, sur cette carte du Languedoc Roussillon, depuis des semaines, des mois, et de bien des façons depuis des années. Jusque là nous avions bien avancé et réuni deux conditions essentielles au succès de notre stratégie. Voyez plutôt ! Union de toute l’autre gauche, accord préalable avec les Verts pour le deuxième tour. La scission du parti socialiste autour d’Hélène Mandroux ajoute un ingrédient décisif qui fait du secteur un cas d’école quasi chimiquement pur. En Languedoc-Roussillon la lutte pour arracher l’hégémonie à gauche à l’organisation traditionnelle de la social démocratie décomposée est bien avancée ! En vain m’objecte-t-on que le cas serait spécial du fait des frasques de Georges Frèche ! Erreur. D’abord parce que Frèche est bien moins atypique qu’il y parait dans le petit monde des potentats socialistes. Ce qui lui est reproché est de la petite bière par rapport aux flots des horreurs qu’il dit à haute voix et que les autres pensent tout bas. Mais ensuite il faut savoir utiliser un cas particulier au nom de principes généraux ! Pour moi, une action politique qui se propose de faire bouger les lignes se nourrit exclusivement de cas spéciaux. Nulle part et jamais, les évènements novateurs n’avancent en ligne droite et sur mer calme. La nouveauté se nourrit des incidents et failles qui lui permettent de se propager dans le champ politique. Pour ce que j’ai à faire avec mes amis, c’est l’occasion qui fait le larron, vingt quatre heures sur vingt quatre, sept jours sur sept. Le tableau du Languedoc Roussillon, à gauche, cristallise tout ce dont nous avons besoin pour atteindre notre but. Je le sais depuis le début. A la direction du Parti de gauche nous savons qu’il y a deux failles visibles dans le tableau politique que domine le Parti Socialiste : le Languedoc Roussillon et l’Auvergne. Sous ces deux failles un abondant gisement d’énergie bouillonne. Des éruptions ont commencé aux deux endroits. En Languedoc, le forage est bien avancé. Les outils sont en place.

L’EPICENTRE DE LA RECOMPOSITION DE LA GAUCHE

Quels outils ? D’une part l’union de toute l’autre gauche qui permet de proposer un projet qui ne soit pas immédiatement discréditée par l’éparpillement des forces qui le portent.. Deuxièmement nous avons un accord « préalable » avec les Verts pour le deuxième tour. Quoiqu’il arrive nous fusionnerons nos listes. Celui des deux qui sera arrivé en tête du premier tour mènera la liste alors fusionnée. Dès lors, le tandem que nous formerons peut dominer le second tour de l’élection. Revol ou Roumégas, unis peuvent battre Frèche puisque les deux blocs sont a quasi égalité dans les sondages. La compétition pour le nouveau leadership face au PS est donc en place. La dessus arrive l’affaire Frèche –Mandroux. En Languedoc, la scission du PS est certes un fait local. Mais les condiments qui l’ont provoqué ne le sont pas et la dynamique interne de cette scission lui donne une pente sur la gauche qui est exactement celle que nos cherchons à obtenir pour disloquer la domination social libérale dans le PS. Au cas particulier, c’est la cerise sur le gâteau dans notre dispositif local. La sortie de Mandroux et de ceux qui la suivront va affaiblir le camp Frèche au point de le faire passer derrière le total du bloc Revol-Roumegas. Si elle présente une liste socialiste, au deuxième tour elle s’intégrera dans notre dispositif. Sa liste fusionnera avec les nôtres. Cela augmentera nos chances de battre à la fois Frèche et la droite. Et si tout cela se fait la contagion est garantie en vue des prochaines élections locales. Cela fait sans doute beaucoup de « si ». C’est vrai. Mais un chemin existe. Un chemin de crête certes. Mais il est là. Il est possible de faire jouer l’autre gauche dans la cour des grands qui peut participer a la formation d’une nouvelle majorité électorale de gauche ! C’est pourquoi j’ai dit que cette région est dorénavant l’épicentre de la recomposition de la gauche.

UN ATOUT ESSENTIEL

J’entre dans le détail. D’abord l’union de toute l’autre gauche. L’épisode de l’absence personnelle d’Olivier Besancenot au meeting de Montpellier n’a rien changé à cette donne. Sur place la jonction est faite et rien ne l’ébranle désormais car elle a été préparée avec soin et formée sur des bases claires. L’oratrice qui a tenu le rôle d’Olivier Besancenot, Myriam Martin est une dirigeante du NPA qui n’a pas la réputation d’être une tendre à l’égard de l’union avec le Front de Gauche. Mais son discours fut parfaitement solidaire et de surcroit très efficace en argumentation sur le fond des programmes. Cette union de toute l’autre gauche c’était l’objectif général. Certes nous n’y sommes pas parvenus nationalement. Mais dans le Languedoc-Roussillon c’est dorénavant la réalité. Sa force propulsive lui vient également de la longue histoire qui, depuis le référendum de 2005, va de réunions monstres en meetings de masse ! Celui de Montpellier, ce 29 janvier n’a pas démenti la tradition. 3500 personnes ! C’est le plus important meeting jamais réuni pour une élection régionale ! Cette alliance est ancrée dans le paysage mieux que bien des coalitions électorales ordinaires dans la mesure où s’y impliquent des centaines de syndicalistes et associatifs de toutes sortes, en plus d’un grand nombre d’élus locaux. Je le mentionne pour faire comprendre ce qu’est une force électorale de ce style qui va sa vie avec une légitimité qui est un trait mal connu des zones où nous sommes peu nombreux. Cette méconnaissance je la vois aussi là où « la société civile », comme en région parisienne, est extrêmement diluée et où l’action politique est assez largement déconnectée de ses assises sociales du fait de l’organisation du territoire, de l’éclatement des lieux de vie et de travail.

L’accord préalable avec les Verts

Comme on s’est gaussé de moi ! Vous vous souvenez ? Quand je me suis adressé aux Verts dans le débat avec Cohn Bendit, en parlant sur ce thème à France Inter ? Ma thèse de « l’accord préalable avec les Verts" avant le deuxième tour aurait même brouillé l’image du PG selon un gros titre psalmodiant de l’« Huma dimanche » qui illustrait cette fine appréciation d’une photo de votre serviteur avec l’air piteux du gosse pris en faute ! Quelle intelligence des situations ! Je n’y reviens pas. Ce qui se passe en Languedoc est la démonstration concrète de ce que je veux dire et faire. Des intégristes, pourtant souvent fins observateurs, m’ont fait le reproche de préparer de cette façon une nouvelle centralité politique, celle des Verts, remplaçant celle du PS. La centralité des écologistes ? Nous en serions l’appoint ? Et de souligner que les Verts sont dans Europe Ecologie, Europe Ecologie est lié au centre et donc…. suivez mon regard ! Ha ! Ha ! Jamais un socialiste ne peut être guéri de sa pente vers la trahison ! Cette façon de voir méconnait absolument l’effet du mouvement dans la sphère politique. Supposons que cela se fasse comme on le raconte à cet instant. Qui ne voit pas ce que signifierait la fin du « vote utile », qui est aujourd’hui garanti au PS par le fait que tout le monde se dit qu’il est le parti qui sera présent au deuxième tour ? Ce serait un tremblement de terre à gauche. Le parti socialiste serait obligé de revoir de fond en comble son dispositif et surtout sa doctrine et son programme pour reconquérir sa place ! Je doute que cette révision le mène vers le centre et la droite ! Ce sera plutôt tout le contraire ! Premier avantage ! Deuxième avantage : il n’est pas vrai que l’arrivée des Verts en première ligne doit être marquée d’un signe égal avec celle du PS. Sur le plan des thèmes à l’ordre du jour et de la prise en compte de la crise écologique ce n’est pas vrai du tout ! On peut au contraire parler d’une bifurcation de l’espace idéologique de la gauche. Nous l’avons engagé pour notre part. Non par calcul électoral mais parce qu’il est évident que le socialisme du nouveau siècle doit s’ancrer dans l’intérêt général humain tel que l’écologie politique le montre. Pour ma part j’estime que la bonne synthèse idéologique entre les traditions et les approches qui composent l’idéal de gauche est celle que veut porter le Parti de Gauche avec son tryptique « Ecologie, Socialisme, République ». Je crois que nous serions mieux placés avec le Font de gauche pour porter la réorientation de la gauche. Et d’ailleurs nous y travaillons. Notre candidature à ce rôle est active. Pour autant nous ne sommes pas une secte avant gardiste. Nous nous appuyons sur toutes les situations et toutes les forces qui font avancer les idées et le mouvement du côté du but. Nous ne tirerons donc pas dans le dos des Verts parce que nous ne sommes pas d’accord sur un certains nombre affligeants de leurs choix. Au contraire en se montrant partenaires loyaux quoique intransigeant sur le fond des programmes nous gagnerons ces galons d’estime et de respect qui nous permettront de passer en tête des l’attelage dans l’esprit des électeurs de gauche.

Solferino se réveille

L’indignation de Solferino sent le prétexte. La phrase de Frèche date de décembre. Elle a été publiée à l’époque dans le « Midi Libre ». Pas de réaction du PS ni local ni national. Notre tête de liste René Revol a protesté à l’époque contre la phrase sur les ondes de « Radio France bleue ». Pas de réaction du PS local ou national. Et le 23 janvier, à la suite d’un article dans « l’Express » : branle bas de combat des indignés de commande. Et toute la meute emboite le pas, sans réfléchir. Tant mieux pour nous ! Mais avant de donner le décryptage de cette magnifique indignation spontanée, commençons par dire tout ce qui devrait mettre la puce à l’oreille des observateurs un tant soit peu sérieux ! Quoi ! Quand ce sont les noirs de l’équipe de France, les arabes harkis, la dignité des élus insultés, un pasteur protestant comparé à un nazi que fait le PS ? Contraint et forcé il finit au bout de mois de parlotes par exclure le grand délirant. Au bout de mois et de mois de lutte interne, sous forme de pétitions et motions proposée par mes amis de l’époque, car c’étaient les miens et aucuns autres des grands indignés du jour, Frèche est exclut. Le président de la commission des conflits qui l’annonce au premier secrétaire fédéral est aussi un de mes très proches amis, mon ancien conseiller spécial de la période où j’étais ministre, Bernard Pignerol. Il s’entend répliquer par le petit parrain local, le sieur Robert Navarro sénateur du département, « si tu remets les pieds chez nous on te casse les deux rotules ! » Que dit-on à ce ramassis de maffieux répugnant ? Que leur dit-on, quand après avoir une fois de plus bourré les urnes ils mettent Georges Frèche à la tête de leur liste régionale ? Solferino « prend acte » ! Après que Frèche ai trouvé a son gout la réforme territoriale de Sarkozy ? Après qu’il ai approuvé la retraite à soixante deux ans ? Après qu’il ai dit qu’il y avait mille employés communaux de trop à la ville de Montpellier ? La Convention Nationale toute entière prend acte ! Mais quand il s’agit d’une attaque contre un dirigeant du PS, tout change ! C’est intolérable ! L’argument de l’antisémitisme, tirés par les cheveux dans ce cas précis, est censé faire taire tout le monde ! Ce qui a coincé la belle mécanique du renoncement c’est Hélène Mandroux. Rien d’autre.

Un SURSAUT DE DIGNITE

Sur place, Frèche l’a condamnée à la mort politique elle et tous ceux qui l’approche. Elle est si grossièrement et si violemment mise en cause à toute occasion qu’elle n’accepte plus ! Elle est décidée à soutenir une ou plusieurs autres listes que celle dont la direction nationale « a pris acte ». C’est elle qui déclenche le tsunami par sa réaction de dignité personnelle, paramètre que personne ne croyait possible dans cette zone ! Pensez, même la presse locale, selon l’enquête de « l’express », est achetée ! Alors cette femme toute seule ! Elle se décide à franchir le pas et préviens Solferino. Là se trouve le grand organisateur des épisodes gouteux, Claude Bartelone. Depuis novembre, par un biez ou un autre, tout le monde a été approché pour savoir qui serait prêt à partir derrière un « socialiste normal » en Languedoc Roussillon. Sur le plan local il en va de même. Ce n’est pas toujours très délicat. Ainsi les grands malins de Solférino, quand ils apprennent que la liste d’union de l’autre gauche sera conduite par un membre du PG se précipitent sur les communistes en espérant les voir prêts à craquer et à entrer dans leur jeu ! Peine perdue. Toutes leurs offres buttent sur l’exaspération de tous devant ces manœuvres à dix bandes. Tout ceci s’est déroulé en décembre et début janvier alors même que la convention des socialistes avait déjà avalisé la liste Frèche ! Comment pouvoir avoir confiance dans des interlocuteurs qui d’une main votent Frèche et de l’autre téléphonent pour fabriquer une coalition contre lui ? En fait, la publication dans « l’express » tombe au moment ou Mandroux est décidée à agir, sans s’occuper de l’avis de personne. Bartolone et les autres sautent sur l’occasion que donne le papier de « l’Express ». Ils vont essayer de se donner la main et de la garder pour éviter la débandade sur place. C’est de cette façon que Mandroux se trouve investie d’une mission de « rassemblement de la gauche » à laquelle personne n’avait songé jusque là, pas même elle. Le plan média est bien monté. Au passage Fabius est repeint en juif. Cela ne trouble personne alors même qu’il ne l’est pas. Ses parents l’étaient. Pas lui. Alors que signifie ce fait de lui attribuer la religion de ses parents ? Les accusateurs de Frèche me semblent aussi ethnicistes que lui dans cette circonstance ! En tous cas Frèche peut s’offrir une deuxième occasion de se moquer de tout ce petit monde en écrivant une lettre à Fabius ou il affirme que sa phrase n’a pas de signification religieuse alors même qu’en toute hypothèse Laurent Fabius, dirigeant socialiste athée n’est concerné par aucune religion dans cette histoire ! Frèche continue les provocations dans le « midi libre » quand il explique qu’il n’est pas antisémite parce que lui est le meilleur ami d’Israël au PS. Ainsi donc le refus de l’antisémitisme se prouve par l’amitié pour Israël ! Voila une définition qui serait catastrophique si elle était confirmée ! Et son renversement logique est tout aussi désastreux et inacceptable ! Le dégât ne s’arrête pas là

GROS MUSCLES ?

La décision de Solferino est une pure galéjade. Tout simplement parce qu’elle est inapplicable ! Si Hélène Mandroux est à la tête d’une liste elle ne peut l’être que par un organe compétent du PS. Le prochain bureau national du PS a-t-il mandat de la Convention pour le faire ? Comptez sur les membres du bureau national issu du Languedoc pour le rappeler ! S’il le fait, s’il investit Hélène Mandroux, appliquera –t-il le reste du règlement en la matière ? Tout socialiste qui soutient une autre liste que celle autorisée par le Parti est exclu. Je ne le sais que trop ! Le PS va-t-il exclure les cinq fédérations et tous les élus qui soutiennent la liste de Frèche ? Non bien sur. Alors qu’est-ce que cette liste de « rassemblement de la gauche » que veut faire Martine Aubry sous la direction que n’a jamais demandé jusque là Hélène Mandroux ? Celle-ci avait prévu de donner son soutien à toutes les listes de gauche indépendante. Elle s’était exprimée à ce sujet dans la presse locale. Elle aurait changé d’avis ? Pourquoi ? Nous avons réservé six places sur nos listes dans cette hypothèse. Pourquoi n’en est-il plus question nulle part ? Les écolos en ont fait autant en proposant deux places éligibles. Tout cela est bien connu des coulisses depuis des semaines. Le coup d’opportunité médiatique a paru balayer tout cela. Mais sur place personne n’a bronché. On a attendu que la vague passe. Mais il faudra bien revenir au sérieux. En Languedoc Roussillon les citoyens ont droit à une élection sérieuse, débarrassée des coups fumants et des coups tordus. Une élection où l’on puisse au moins de temps en temps confronter des programmes et des idées. Aussi longtemps que d’une façon ou d’une autre Frèche est personnellement visé ou mis en centralité, c’est sa victoire idéologique qui est consommée. Car ce n’est plus une élection mais un plébiscite.


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