Voile intégral, IVG menacée... Et si la gauche se réveillait ? (Par Renaud Chenu, Mediapart)

mardi 9 février 2010.
 

Les débats de société en cours nous placent entre le marteau cynique de la droite et l’enclume mortifère des extrêmes droites (nationaliste, catholique, islamiste...). Voile intégral, IVG, communautarismes... Tout tourne autour de régressions en cours ou désirées, avec, toujours, la religion, qui a fait un retour en force dans le débat publique sous l’imperium du président de « La république, la religion, l’espérance ».

Honni soit qui voile y pense

La présence de barbus illuminés revendiquant autant de minarets financés sur fonds publics que de poils dans leur barbe et les déambulations ostentatoires de leurs corollaires esclaves en sacs à patates sont autant de provocations des militants du fascisme religieux contre ce qui fonde les libertés individuelles : la liberté absolue de conscience. Et à ce titre ils sont intolérables.

Il n’est pas que les barbus qui font le siège du fragile édifice laïque, pierre angulaire du projet toujours à construire de l’égalité. Tous les fondamentalismes sont actifs et si une chose les rassemble, c’est bien la volonté de plier l’espace public sous le joug du divin. Le droit de porter un voile intégral n’est pas une liberté, c’est tout le contraire. Aucune revendication religieuse n’est neutre politiquement. Quand les religions se mêlent de politique, c’est la guerre, larvée ou déclarée. Là-bas elle fait des morts, ici des dégâts dans le tissu social.

Un Tariq Ramadan qui louvoie dans les médias en déclarant son amour de la République tout en justifiant les pires horreurs de la Charia dans les cercles islamistes, le voilà l’ennemi, qui se réjouit du débat sur le voile intégral ! On voit ce prédicateur partout et la République et ses clercs sont au chevet de ses morbides obsessions, cherchant à les comprendre quand les islamistes sont engagés dans un combat au dernier sang.

Le fantasme de la « communauté musulmane »

La communauté musulmane n’existe pas dans l’Hexagone. Elle n’est qu’une construction intellectuelle, un appât pour les damnés de la terre, enfermés dans leurs ghettos de misères, tentés de quitter les rivages d’une république dont ils n’ont jamais goûté la saveur pour se réfugier dans l’illusoire liant d’un Coran qui les rattache à des origines imaginaires. Religion et pauvreté s’associent pour faire le lit d’une identité communautaire dont la cariatide est la frustration sociale.

Ces fanas de la vraie foi, ils sont combien ? Si peu en réalité. La communauté musulmane est un fantasme brandi comme une réalité par les extrémistes musulmans en France. Elle est le pire raccourci intellectuel sur la question religieuse qui ait été inventé depuis qu’on a associé les juifs à l’argent. Ce concept crétin (l’oumma, qui est un projet politique en soi) mine l’appréhension d’un réel finalement pas si complexe. Minoritaires, les extrémistes vociférants s’arrogent le droit de parler au nom d’une majorité de musulmans silencieux, laïques, républicains. On entend toujours plus ceux qui beuglent, surtout dans une société se projetant dans un murmure médiatique qui ne retient que les plus bruyants.

Une loi d’exclusion et une gauche dans les choux

La loi sur le voile intégral sera timorée, limitée, mal vécue, mal perçue. Que fera-t-on à part exclure celles qui le portent des services publics où ils seront interdits ? Rien. Il faudra bien l’interdire totalement, quand il y en aura trop, et à ce moment là ce sera plus difficile encore qu’aujourd’hui. Ou alors nous serons dans la république multiculturelle souhaitée par l’icône de la bien-pensance décomplexée de gauche, Lilian Thuram, dans son « Appel pour une République multiculturelle et postraciale ». Une République repentante et nécrosée où tous les particularismes négocieront leur bout de gras, accrochés à leurs quotas discriminants pour mieux enterrer l’égalité, ce principe éculé qui fondait la gauche à l’époque où on ne confondait pas intégration et banalisation de l’islamisme. La présence de Ilham Moussaïd, « trotskyste, féministe et voilée », sur la liste NPA du Vaucluse pour les régionales est là pour l’illustrer. A force « d’ouvrir » la laïcité, la gauche en a perdu le sens. A force d’exclure de la citoyenneté trop de compatriotes, la société a créé des citoyens qui revendiquent une citoyenneté à part, différente. Le salmigondis idéologique révélé par Thuram et le NPA appelle à réinterroger profondément ce qui fonde la gauche. On ne peut pas se contenter de dénoncer « une loi de circonstance » (toutes les lois sont de circonstance) comme le fit Benoît Hamon ou d’aménager des horaires spécifiques dans une piscine comme l’a fait Martine Aubry à Lille pour des femmes qui haïssent leur corps par commandement religieux.

Profitons du débat pour reprendre le flambeau féministe contre l’obscurantisme

Elles ne sont pas les seules victimes de la violence machistes et du cléricalisme, ces ombres d’êtres qui glissent sur le bitume sous le drap noir qui les annihile. Les conquêtes de la liberté individuelles, si chèrement acquises et toujours fragiles, sont assiégées. Le droit à l’interruption volontaire de grossesse et la contraception sont à la peine, comme le souligne le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur l’accès à la contraception et à l’IVG. Les prolifes qui trainaient leurs oripeaux moyenâgeux dans Paris le 17 janvier dernier font échos à la campagne des cathos ultras contre le film pédagogique « Le baiser de la lune », qui a vocation à parler d’homosexualité aux mômes de CM1/CM2.

Tous les extrémistes religieux, qu’ils portent la croix ou la barbe, n’ont qu’un objectif : miner le projet républicain, où chacun doit avoir la liberté de choix. Ils cherchent à imposer la conception du monde que la « vraie foi » leur commande. Un conception fondée sur l’obsession de normer la sexualité et les comportements des individus en fonction de leur sexe. Et leurs assauts récents prouvent que le cléricalisme, loin d’être mort, est plus que jamais à l’offensive. Justement parce que les adversaires naturels du cléricalisme, la gauche, ont laissé et laissent la religion s’insinuer dans l’espace public au titre de la tolérance, le contraire de la laïcité. Rappelons que la tolérance fut inventée pour discipliner les religions et les contraindre à ne plus foutre l’Europe à feu et à sang pour des histoires de dogme à la con. Et les alliés naturels du cléricalisme, la droite, se marrent, et font croire qu’ils défendent les libertés en votant des lois au rabais tout en s’attachant à pilonner chaque progrès en la matière... Il n’est qu’à regarder les fermetures continuelles de centres IVG pour se convaincre de la politique de ce gouvernement en matière de droit des femmes.

Et Lilian Thuram, l’icône intouchable dans une gauche complexée par le passé colonial de la France, avance le multiculturalisme comme solution aux soucis d’intégration ? Ce débat sur le voile intégral est une aubaine et il est très loin d’être terminé. C’est la question de la protection des femmes contre toutes les violences machistes, celle des discriminations sexuelles, celle du droit à la propriété de son corps, celle de l’égalité entre les sexes qui est à nouveau posée. Ce serait juste profondément raciste de considérer que c’est tolérable « pour elles », parce que le plus souvent Arabes, Afghanes ou Pakistanaises. Parions que les petits blancs qui ne trouvent pas ça choquant « pour ces femmes-là » n’iraient pas jusqu’à offrir un niqab à leur copine ou leur fille.


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