Des policiers de l’UMP ont fouillé les fichiers informatiques de la police pour tenter de discréditer Ali Soumaré et d’autres candidats (Par Claude-Marie Vadrot, Politis)

jeudi 4 mars 2010.
 

Le filet informatique se resserre autour de chacun de nous et menace nos libertés au nom de la sécurité prônée par Hortefeux et Sarkozy. Au delà de la condamnation des méthodes nauséabondes de l’UMP et des petits soldats de Valérie Pécresse pour faire campagne contre Ali Soumaré en Ile de France, se pose la question de l’utilisation illégale des fichiers de police et de justice. Avec deux remarques complémentaires : qui les utilise et que contiennent-ils ? Une enquête rapide, plus rapide que celle de la Commission Nationale Informatique et libertés étrangement silencieuse sur cette affaire, permet de comprendre que seuls des policiers peuvent avoir accès à ces fichiers et en tirer des informations plus que douteuses. Il aura suffit d’une interrogation du STIC pour obtenir des informations non vérifiées et n’ayant aucun sens. Car la CNIL l’a expliqué à plusieurs reprises, ce gigantesque fourre-tout qui détient des informations sur une vingtaine de millions de personne mélange allégrement, les noms ou faits et gestes des gardés à vue (relâchés et non poursuivis), des victimes et des témoins entendus dans toutes les affaires.

Il suffit d’avoir été victime d’un vol ou d’une agression pour y faire définitivement son entrée, j’en ai fait l’expérience après un banal détournement de chéquier dans les circuits postaux (pour laquelle j’ai logiquement été entendu comme témoin et victime) pour que la moindre interrogation du STIC renvoie la mention « impliqué dans une affaire d’escroquerie » ; ou, au choix, dans une « affaire de moeurs », une affaire de « voies de fait » ou une affaire de « rébellion à agents ». Non seulement il n’existe aucune hiérarchisation dans les informations enregistrées mais en plus la CNIL a expliqué également que plus du quart des informations sont fausses ou sans objet. Ce qui est dangereux pour les libertés publiques et individuelles puisque ces informations sont conservées au minimum pendant, c’est la loi, 20 ans. Le STIC ne tient aucun compte des jugements de relaxe ou d’acquittement. Tout comme le fichier Judex géré par la gendarmerie. Et tout le monde puise allègrement dans ce tissu d’âneries. Ainsi les centaines de milliers de gardés à vue chaque année sont définitivement stigmatisés par le STIC même si les gardes à vue n’ont débouché sur aucune mise en examen.

Pour se procurer une information sur un citoyen il suffit pour un policier complaisant de rentrer son identifiant d’habilitation dans le cadre d’une procédure en cours pour obtenir des informations qui n’ont rien à voir avec la procédure qu’il mène. Les consultations de STIC et de Judex sont si nombreuses, des milliers chaque jour, qu’aucun contrôle n’est possible. Soit par la hiérarchie policière soit par les juges d’instruction ou les magistrats des Parquets. Ces interrogations servent évidemment pendant les périodes électorales mais elles génèrent également un trafic fructueux : ces informations confidentielles sont demandées par des officines de recherche privée qui les payent généreusement. Plusieurs affaires en cours, impliquant des policiers malhonnêtes, dans la région parisienne comme dans la région Paca sont en attente (très longues...) de jugement, voire d’instruction.

Pour ce qui est de l’Ile de France, une vingtaine de policiers appartenant à l’UMP ont reçu mission de fouiller illégalement les fichiers, le STIC et d’autres, pour tous les candidats de gauche et du Modem. Il est probable que les mêmes procédés ont été utilisés en province mais je n’ai pas d’informations précises sur les autres Régions.

Les fichiers des banques et des assurances sont également illégalement consultés et utilisés. Des intrusions ont aussi été constatées dans les dossiers médicaux conservés par les hôpitaux, les services sociaux et la Sécurité sociale : il est facile de se procurer la liste des médicaments et des maladies pour n’importe quel citoyen. Elles permettent de mettre en cause des personnalités politiques, de jeter plus ou discrètement le doute.

Pas seulement au niveau national mais au niveau plus discret des municipalités et des conseils généraux et régionaux. Un moyen de pression efficace. En outre des officines spécialisées scrutent les sites, les blogs pour y relever des informations qui peuvent être en apparence compromettantes. A tel point que comme aux Etats Unis, des femmes et des hommes politiques, doivent conseiller ou ordonner à leurs enfants de cesser de raconter leur vie sur des « réseaux sociaux » parce que les détails de leur vie privée peuvent être utilisés contre les activités de leurs parents. Sans oublier les « révélations » sur le train de vie ou sur les maladies passées. Il existe d’ailleurs des sites américains (payant et cher) qui permettent à des spécialistes de recueillir des profils de vie privée et professionnelles utilisables contre des citoyens alors qu’ils ne sont en aucun cas infamant mais peuvent gêner ou ruiner une vie politique ou professionnelle. Il suffit, par exemple, qu’un article de journal mette en cause (faussement) un individu pour qu’il soit quasiment éternellement accessible sur Internet sans que les victimes puissent intervenir.

L’affaire –qui n’en est pas une, d’ailleurs- Ali Soumaré fait apparaître à la fois les dangers de l’accumulation d’informations douteuses sur chacun d’entre nous dans des centaines de fichiers et les confusions sur le passé d’un individu. Au moyen de recherches qui ne sont théoriquement et légalement réservés qu’aux magistrats, aux administrations et aux personnes concernées.

Il est donc largement temps que tous ces fichiers, dont certains utilisent illégalement les numéros de Sécurité Sociale, désormais et par anticipation appelé numéros d’identification nationale ou numéro d’identification INSEE soient, soit interdits, soit rapidement expurgés de toutes les informations inutiles ; ou fausses ou prescrite comme la condamnation, dans sa jeunesse, d’Ali Soumaré qu’une réhabilitation (d’ailleurs automatique pour les délits mineurs) fait qu’elle « n’existe plus » aux yeux de la justice et de la police.

Il est donc largement temps aussi que tous les fichiers contenant des renseignements personnels, y compris syndicaux et politiques, soient débarrassés des éléments qui n’ont rien à voir avec la justice ou le fonctionnement de la police. Eléments qui peuvent servir éventuellement à édicter, sans la moindre justification, des « interdictions professionnelles » lorsque des hommes et des femmes postulent à un emploi dans une administration ou dans un secteur sensible. Les exemples abondent, notamment dans le domaine du nucléaire civil ou du fonctionnement des aéroports.

Il est donc largement temps que soit remis en cause l’appétit des gouvernements, de gauche comme de droite, pour les détails de notre vie privée. Pour que chacun d’entre nous puisse jouir d’un légitime droit à l’oubli. Il faut prendre garde au développement d’une société de surveillance qui fait de chacun d’entre nous un « coupable » en puissance et pour que ne disparaisse pas un principe fondamental : la présomption d’innocence. Qu’elle concerne les puissants ou les misérables.

Les politiques devraient plus prêter attention, lorsqu’ils légifèrent à tour de bras pour la sacro-sainte sécurité, au retour des boomerangs qu’ils lancent dans la société pour donner l’illusion que plus on est fiché plus on est certain de supprimer les délinquances. Et ce n’est pas en organisant le fichage des Français depuis la plus petite enfance qu’ils y parviendront car, un jour, des citoyens se verront reprocher des bagarres de cour d’école ou des chapardages de sucettes ou de malabars...

Et sur « l’affaire Soumaré », il ne subsiste aucun doute : elle est le fruit d’une interrogation policière menée illégalement et sans la moindre vérification.


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