Midi-Pyrénées. Argent public : changer la donne

vendredi 26 février 2010.
 

L’action économique de la région se heurte aux délocalisations continues, à la crise et au chômage.
Il est urgent 
de modifier 
en profondeur les modalités de décision, de suivi et de contrôle démocratique. Un chantier prioritaire pour la liste 
du Front de gauche.

L’intervention économique figure parmi les missions premières des régions. Pour 2010, les élus de Midi-Pyrénées ont voté 127 millions d’euros en faveur du développement économique et de l’emploi. En augmentation de plus de 25 % depuis 2007, cette enveloppe est distribuée sous formes d’aides aux entreprises pour l’innovation, la recherche, les créations et les transmissions.

Afin « de substituer une logique de partenariat à la logique de guichet », comme l’exprime Martin Malvy, le président PS du conseil régional, des « contrats d’appui » ont été mis en place depuis 2007. Ils sont pour l’essentiel ouverts à l’artisanat, aux petites entreprises mais aussi aux grandes avec l’objectif affiché d’éviter les délocalisations d’emplois. Depuis leur créations, 628 contrats de ce type ont été signés. Ils favoriseraient la création de 3 500 emplois.

Cependant, cette volonté des collectivités pour l’emploi et l’activité sur les territoires se heurte de front aux stratégies des grands groupes ou de leurs filiales. Les délocalisations se poursuivent vers des zones à bas coûts. Les PME et le réseau régional de sous-traitants subissent des pressions insupportables pour réduire les coûts et partir produire ailleurs. Des entreprises régionales passent sous la coupe des marchés financiers, actionnaires anonymes et éloignés à l’autre bout de la planète. Ces derniers privilégient le retour rapide sur investissement puis fuient souvent vers d’autres contrées après avoir parfois pillé les savoir-faire et les outils.

La région Midi-Pyrénées ne manque pas d’exemples dans ce sens. Chacun garde en mémoire les 300 emplois de l’usine de Villemur-sur-Tarn supprimés par l’américain Molex. La plupart des sites Pechiney des Pyrénées ont fermé. L’ancien groupe leader dans l’aluminium a été racheté en 2003 via une OPA par la multinationale canadienne Alcan avec le feu vert de la Commission européenne et du gouvernement. Leader mondial pour les composants électroniques, le groupe américain Freescale veut supprimer 820 emplois d’ici à 2011 dans son usine toulousaine. Or, depuis sa création jusqu’en 2008, cette entité bénéficiait de contrats recherche avec le Laas-CNRS public. Les syndicats estiment que des millions d’euros publics ont de plus été versés pour des aides diverses, pour des crédits d’impôt recherche. « S’il y avait eu des garde-fous véritables, on n’aurait pas laissé cette entreprise toucher autant d’argent pour aujourd’hui licencier », assure Didier Zerbib, délégué syndical CGT.

Dans les Hautes-Pyrénées, sur la commune de Bazet, un pôle d’activité spécialisé dans la céramique haut de gamme regroupe plusieurs entreprises fortement menacées. L’usine ESK Ceramics a fermé ses portes en novembre 2009 avec une centaine de suppressions d’emplois. Le savoir-faire et les machines ont été transférés outre-Rhin. L’usine voisine SCT a perdu une cinquantaine de postes en un an, le couperet en menace quarante autres. En 2007, SCT a reçu 175 000 euros de la région au titre du développement des PME. Bazet et ses usines sont intégrées au pôle de compétitivité céramique centré à Limoges. Mercredi 10 février, une réunion du pôle était organisée à la préfecture de Tarbes. Le maire de la commune, les syndicats n’étaient ni informés ni conviés.

En octobre 2009, 115 300 chômeurs (chiffre Insee) étaient recensés en Midi-Pyrénées, soit 7 400 de plus qu’en avril de la même année. Sans compter les 54 000 demandeurs d’emplois qui n’ont travaillé que quelques heures ou quelques jours durant le mois écoulé. Les fonds publics régionaux s’additionnent à ceux versés par les autres collectivités, par l’État pour des exonérations d’impôt et de cotisations sociales. Il est légitime et urgent de s’interroger quant à l’efficacité économique et sociale de ces financements publics multiformes. « Le patronat formule sans retenue ses demandes de subventions, celles-ci sont le plus souvent accordées  ; pour autant les salariés, leurs représentants, les institutions qui versent n’ont pas véritablement un pouvoir, sinon d’intervention, au moins de regard sur l’utilisation par le patronat de ces fonds publics », tire comme enseignement le groupe sortant des élus communistes et partis de gauche. Ils ont obtenu la mise en place d’une commission de contrôle mais pas la participation des représentants syndicaux.

Les trois pôles de compétitivité labellisés pour Midi-Pyrénées (Aerospace Valley, Agrimip Innovation, Cancer Bio Santé) ont reçu de la seule région Midi-Pyrénées 16,5 millions d’euros publics depuis 2006. « Nous continuons à apparaître comme un tiroir-caisse qui répond à la demande alors que les décisions stratégiques de ces pôles se prennent entre représentants du gouvernement et du patronat, à l’écart des élus locaux et des représentants syndicaux. »

Il ne s’agit pas de remettre en cause l’intervention économique des régions, précisément en direction des PME qui ont besoin d’innovation, de recherche, de formation et de qualification des personnels. Mais les critères de décision, de mise en œuvre, de suivi et de contrôle démocratique doivent être profondément changés. C’est l’un des chevaux de bataille essentiels des candidat(e)s (PCF, PG, GU, syndicalistes, associatifs) de la liste Front de gauche que conduit en Midi-Pyrénées Christian Picquet, porte-parole national de Gauche unitaire. Ils formulent un ensemble de mesures pour modifier en profondeur les conditions d’intervention financière publique en faveur d’activités socialement utiles et respectueuses de l’environnement. Ils proposent la création d’un fonds régional pour l’emploi et la formation qui permettrait de réorienter l’accès au crédit bancaire pour les PME et PMI régionales qui investissent dans l’emploi stable, les salaires, la formation. Les pôles de compétitivité participent aujourd’hui de la mise en concurrence généralisée en Europe des régions et des salariés. Les candidat(e)s veulent les transformer en pôles de coopération à vocation scientifique, technologique et industrielle.

Alain Raynal, L’Humanité

Repères

- Midi-Pyrénées, c’est huit départements et près de 2,9 millions d’habitants.

- Composition du conseil régional sortant : 40 PS, 9 PRG, 10 PCF et 2 PG qui forment un même groupe, 14 UMP, 7 UDF, 8 FN, 2 non inscrits.

- Les chefs de fi l départementaux pour le Front de gauche : Christian Picquet, tête de liste pour Midi-Pyrénées, Lyliane Cassan (PCF) dans l’Ariège, Anne Laporterie (PG) dans le Lot, Marie-Pierre Vieu (PCF) dans les Hautes-Pyrénées, Jeanne Gimenez (PCF) dans le Tarn, Marie-Claude Bouyssi (Montauban citoyenne) dans le Tarn-et-Garonne, Charles Marziani (PCF) en Haute-Garonne, Guilhem Sérieys (PG) dans l’Aveyron, Maurice Salles (PCF) dans le Gers.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message