Subprimes, Grèce... Goldman Sachs, la banque qui met ses clients sur la paille

lundi 8 juin 2015.
 

1) La Grèce victime de la banque américaine Goldman Sachs

Le 6 février, je vous annonçais que la Grèce était victime d’attaques Goldman-sachs spéculatives de la part d’une grande banque d’affaires américaine et de « hedge funds » (fonds spéculatifs) américains qui pariaient sur un défaut de paiement d’Athènes. Jusque-là, on savait certes qu’il y avait de la spéculation, mais personne n’avait encore réussi à mettre un nom sur ceux qui cherchaient à déstabiliser la Grèce et la zone euro. À l’époque, mes informateurs m’avaient déconseillé de citer des noms, d’où un article assez frustrant, pour vous et pour moi. Mais depuis, les rumeurs de marché se sont faites de plus en plus précises et leurs noms sont cités ouvertement dans les médias, même si c’est, à juste raison, très prudemment. Le gouvernement grec lui-même les met désormais ouvertement en cause. Je peux donc vous confirmer que, selon des sources concordantes, Goldman Sachs et le fonds spéculatif dirigé par John Paulson seraient les deux principaux acteurs des attaques contre la Grèce et l’euro. Je vous ai déjà détaillé dans mon post du 6 février le mécanisme de la spéculation et je n’y reviendrais donc pas.

Le plus choquant, dans cette affaire, est sans aucun doute le rôle joué par Goldman Sachs qui, à la fois, conseille le gouvernement grec, et prend, en secret, des positions contre la Grèce et l’euro. Ce rôle trouble est illustré par la récente affaire rappelée par le Spiegel du 8 février et le New York Times du 14 février (1) :en 2002, la banque d’affaire américaine a aidé la Grèce, contre une rémunération de 300 millions de dollars, dans des opérations de « comptabilité créative » destinées à camoufler une partie de sa dette (j’y reviendrai dans un prochain article). Il n’est pas neutre de savoir qu’à cette époque, le vice-président Europe de Goldman n’était autre que Mario Draghi, devenu depuis gouverneur de la banque centrale d’Italie et qui vient de voir le poste de président de la Banque centrale européenne lui passer sous le nez. Ce rôle particulier de Goldman Sachs est illustré par le fait que la banque a toujours été membre des syndications en Grèce (tout comme au Portugal) : il s’agit d’un consortium de banques chargé par un gouvernement de placer sa dette auprès d’investisseur lorsqu’il n’est pas sûr de pouvoir la placer directement sur le marché par appel d’offres.

Vous vous rappelez d’ailleurs que le 25 janvier, la Grèce a réussi à placer du papier à 5 ans pour un montant de 8 milliards d’euros alors qu’elle ne voulait au départ que 3 milliards : la demande a atteint 25 milliards d’euros ! Dans la syndication qui a placé le papier grec, on trouve bien sûr Goldman Sachs. Jusque-là, rien que de très habituels. C’est ensuite qu’un fait curieux survient.

Après ce spectaculaire succès, tout le monde pense que les marchés sont calmés, puisqu’ils viennent de manifester qu’ils ne croyaient pas à un défaut de la Grèce. Et de fait, c’est l’accalmie. Mais, dès le mercredi, c’est de nouveau la tempête. Un article du Financial Times, le seul journal que lisent les opérateurs de marché, vient en effet d’affirmer que la Chine a refusé d’acheter 25 milliards d’euros d’emprunt grec, un « placement privé » porté par… Goldman Sachs. De quoi s’agit-il ? Lorsqu’un gouvernement craint de ne pouvoir placer sa dette, il demande directement à une banque de le faire pour son compte auprès d’un ou plusieurs investisseurs. C’est un signe de panique. Et le fait que Pékin aurait décliné l’offre est carrément inquiétant. Bref, deux raisons pour les marchés de fuir la Grèce. Ce sera démenti, mais les marchés exigeront quand même d’Athènes une prime de risque encore plus élevée, pour leur plus grand bénéfice. Ceux qui ont organisé la fuite gagnent sur tous les tableaux : leurs prêts leur rapportent plus ainsi que leurs CDS, ces assurances censées prémunir contre un défaut de l’État emprunteur (voir mon post du 6 février).

Le problème est que cette fuite est étonnante, ce type d’opération étant censé demeurer totalement secret. Or, depuis, le Financial Times a révélé qu’en fait c’était le numéro deux de Goldman Sachs, Gary Cohn, qui s’était rendu en novembre et en janvier à Athènes pour tenter de convaincre le gouvernement grec d’avoir recours à ses services pour placer 25 milliards d’euros de dette auprès de la Chine. En vain. Et par un fait exprès, l’information a ensuite été diffusée, mettant quasiment la Grèce à genoux et faisant chuter l’euro.

Selon les Échos d’aujourd’hui, Simon Johnson, l’ancien « chief economist » du FMI, souhaite que la Commission européenne enquête sur les agissements de Goldman Sachs. Cela semble effectivement s’imposer (2).

(1) Cette affaire n’est absolument pas un secret.Par exemple, Mark Brown et Alex Chambers décrivent l’opération dans leur article publié le 1er septembre 2005 dans Euromoney explicitement intitulé : "How Europe’s governements have enronized their debts".

(2) Voir aussi les embarrassantes questions qu’il pose à Mario Draghi.

Jean Quatremer

Source : http://bruxelles.blogs.liberation.f...

2) La banque Goldman Sachs poursuivie pour fraude, les Bourses plongent

Les marchés d’actions ont décroché après l’annonce de poursuites du gendarme de la Bourse américaine contre Goldman Sachs pour fraude liée aux "subprime".

Les marchés d’actions ont brusquement décroché vendredi en fin de séance après que la Securities and Exchange Commission (SEC) a annoncé avoir engagé une procédure pour fraude à l’encontre de Goldman Sachs. En cause : son rôle dans la structuration de CDO ("collateralized debt obligations") liés à des prêts immobiliers à risque "subprime", ces crédits immobiliers à risque à l’origine de la crise financière.

Le gendarme de la Bourse américaine accuse la banque et l’un de ses vice-présidents, Fabrice Tourre, d’avoir trompé les investisseurs en dissimulant des faits capitaux sur le produit financier concerné alors que le marché immobilier américain commençait à se dégrader.

Selon le SEC, Goldman Sachs aurait notamment caché le fait qu’un de ses importants clients, le fonds d’investissement Paulson, avait poussé à la création de ce produit financier au moment même où ce fonds prenait des positions pariant sur la chute du marché immobilier.

"Goldman, à tort, a permis à un client qui jouait contre le marché hypothécaire d’influencer lourdement quels titres immobiliers devaient être inclus dans un véhicule d’investissement, alors qu’au même moment elle disait à d’autres investisseurs que ces titres étaient choisis par un tiers indépendant et objectif", a accusé un responsable de la SEC, Robert Khuzami, cité dans un communiqué.

La plainte de la SEC désigne Fabrice Tourre, un vice-président de la banque d’affaires new-yorkaise, comme principal responsable de cette manoeuvre, qui remonte à avril 2007.

Le fonds Paulson avait rémunéré Goldman Sachs environ 15 millions de dollars pour la création de ce produit d’investissement, selon la SEC. Les investisseurs, eux, auraient perdu au total plus d’un milliard de dollars dans l’aventure.

La banque américaine a rapidement réagi. Dans un communiqué, elle a assuré que "les accusations de la SEC sont complètement infondées d’après la loi et les faits". "Nous allons les contester vigoureusement et défendre la firme et sa réputation", a-t-elle déclaré.

A la Bourse de Paris, le CAC 40, qui évoluait autour de l’équilibre avant l’annonce de la plainte, a clôturé en forte baisse de 1,94 %, sous le seuil des 4.000 points. L’indice Dax a perdu 1,76 % et le Footsie à Londres 1,39 %.

L’action Goldman Sachs a plongé jusqu’à 15 % après cette annonce à Wall Street, entraînant dans son sillage de nombreuses valeurs financières.

Les Echos (avec AFP et Reuters)

3) Les connexions en or massif de Goldman Sachs

Soupçonnée d’avoir poussé des clients à investir dans des titres véreux alors qu’elle pariait sur leur effondrement, la banque d’affaires a toujours usé de ses liens avec le monde politique.

Depuis plusieurs jours, l’affaire Goldman Sachs fait la une des médias. La Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme des marchés financiers américains, a porté plainte pour fraude contre la grande banque d’affaires américaine. Cette dernière est soupçonnée d’avoir poussé des clients à investir dans des titres de crédits hypothécaires alors qu’elle pariait en même temps sur leur effondrement. Dans le magazine Rolling Stone, l’été dernier, le journaliste d’investigation Matt Taibbi a passé au crible les connexions entre le monde de la finance new-yorkaise, le Congrès et le gouvernement. Durant l’ère Clinton, Robert Rubin, une carrière de vingt-six ans chez Goldman Sachs, abandonna la présidence du groupe pour devenir secrétaire au Trésor américain. Lors de son mandat, il fut l’artisan de la déréglementation financière, notamment de l’abrogation du Glass-Steagall Act de 1933, qui interdisait la fusion entre les banques commerciales, les compagnies d’assurances et les firmes de courtage telles que Merrill Lynch ou Goldman Sachs. Mais c’est surtout sous George W. Bush que les passerelles se sont multipliées  : Henry Paulson, trente années de bons et loyaux services dont huit ans à la tête de la multinationale, devient secrétaire au Trésor  ; Stephen Friedman, vingt-huit ans dans la banque, est premier conseiller économique du président  ; Robert Zoellick, ex-conseiller aux affaires chez Goldman Sachs, est l’actuel président de la Banque mondiale  ; Josh Bolten, cinq ans d’ancienneté chez Goldman Sachs, était chef de cabinet du président Bush…

À travers ces nominations, le gouvernement américain a impulsé une véritable libéralisation du marché depuis les années 2000. Cette année-là, le secrétaire au Trésor, Larry Summers, appuya une loi qui empêche l’organisme gouvernemental de réglementation, la Commodity Futures Trading Commission (Commission du négoce à terme des marchandises, CFTC), de superviser le commerce des instruments financiers dérivés. Autrement dit, les dérivés négociés hors bourse, comme les subprimes, échappent à toute réglementation par le gouvernement. La « Goldman influence » s’arrête-elle avec l’avènement de l’administration Obama  ? L’actuel secrétaire au Trésor, Tim Geithner, n’est pas un « Goldman boy », mais il fut l’assistant de Larry Summers pendant les années décisives. Et Larry Summers lui-même est devenu conseiller économique en chef du président Obama. William Dudley enfin, vingt et un ans chez Goldman, est aujourd’hui à la tête de la FED de New York.

Clotilde Mathieu


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