Le vote Front national redevient un vote d’adhésion

jeudi 8 avril 2010.
 

Le Front national dispose de réelles réserves de voix chez les abstentionnistes. C’est l’une des principales leçons à tirer du second tour des élections régionales du 21 mars.

Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département opinions de l’IFOP, s’est livré, en partenariat avec l’université de Rouen, à une analyse fine du vote frontiste par canton. Le résultat de leur étude est clair : "Dans 22 départements, sur la cinquantaine où il était présent pour des triangulaires, le FN est au-dessus de ses scores des régionales de 2004, qui étaient un très bon cru dans la foulée de l’élection présidentielle de 2002. Ce n’est pas rien", relève M. Fourquet. Ainsi en est-il dans le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme, l’Aude, la Lozère, le Gard, l’Hérault, les Pyrénées-Orientales, la Meurthe-et-Moselle, la Meuse, la Moselle, la Loire, la Savoie, le Rhône, la Drôme, l’Ardèche, la Marne, les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et le Var.

"La France où l’abstention a le plus reculé est la France de l’Est et du Sud, là où le vote FN s’est le mieux implanté", ajoute M. Fourquet. A une exception : l’Alsace, où le score du parti d’extrême droite est stable et où le regain électoral a bénéficié à l’UMP.

Tout se passe comme si certains électeurs frontistes, qui s’étaient abstenus au premier tour, avaient volé au "secours de la victoire" du FN. Les résultats du 14 mars ont agi comme un déclencheur dans cet électorat qui a eu le sentiment que le parti de Jean-Marie Le Pen redevenait "la force qui dérange le plus le système", explique M. Fouquet.

Ce retour du FN à un niveau élevé s’est opéré en deux étapes. Un premier tour qui l’a vu passer la barre des 10 % des voix dans douze régions métropolitaines, et un second tour, qui a amplifié le mouvement.

"Les cantons où Nicolas Sarkozy avait le plus siphonné le vote frontiste sont à la fois ceux où le FN gagne le plus de terrain et où l’abstention était la plus élevée au premier tour", précise M. Fourquet.

Généralement, dans les élections à deux tours, le FN voit ses scores se tasser au second, ce qui n’a pas été le cas cette fois-ci. "Cela montre que ce n’est pas qu’un coup de semonce", poursuit le directeur adjoint de l’IFOP.

Ce mouvement de vote a été renforcé, ici ou là, par l’apport au second tour des voix qui s’étaient portées sur des listes dissidentes d’extrême droite et qui ont fonctionné comme des "moteurs auxiliaires". Il en est ainsi notamment en Moselle avec la liste "Non aux minarets" ou dans le Vaucluse, fief de l’ex-FN, Jacques Bompard, qui se présentait sous l’étiquette de la Ligue du Sud.

Le Languedoc-Roussillon constitue un cas à part. Le vote FN y flambe au second tour sans apport de liste dissidente et sans poussée substantielle de participation. "Il y a eu sans doute un chassé-croisé. Des électeurs écologistes-PS-Front de gauche sont sortis du jeu ne souhaitant pas voter pour Georges Frêche au second tour. Et, dans le même temps, des électeurs FN sont revenus dans le jeu, précise M. Fourquet. De plus, une partie du vote FN capté par Frêche est revenue vers sa candidate, France Jamet."

Ce qui est à souligner, au vu des résultats, c’est que l’électorat FN se renforce entre les deux tours en dépit des déclarations sécuritaires faites, dans la même période, par le gouvernement. "Les recettes et stratégies de l’UMP pour endiguer la remontée du Front national ont été déployées. Leur effet a été une amplification de la dynamique. Il y a à nouveau un vote d’adhésion. C’est un vrai souci pour la droite", relève M. Fourquet.

"Avant, Sarkozy prenait tout le monde de vitesse, Jean-Marie Le Pen et sa fille, Marine, n’arrivaient pas à se faire entendre et étaient en réaction. Là, le FN s’invite aux premières loges et c’est le gouvernement qui est en réaction", analyse le politologue. Et de conclure : "Pour cet électorat, si le gouvernement agit sous la pression, cela montre que l’on a bien fait de voter pour Le Pen qui devient alors un vote utile."

Abel Mestre et Caroline Monnot


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