Solidarité avec la grève des cheminots

jeudi 8 avril 2010.
 

1) Les cheminots veulent stopper la casse de la SNCF

2) Entretien avec Didier Le Reste, CGT

3) Appels à la grève : demandez le programme ! par SUD Rail

4) Appel pour une politique des transports de marchandises écologique et sociale (signé par le PG et autres forces syndicales, associatives et politiques)

1) Les cheminots veulent stopper la casse de la SNCF

Fret, concurrence, externalisation de l’informatique, emplois et salaires sont au cœur du mouvement de grève qui débute ce soir, à 20 heures. La CGT accuse la SNCF d’avoir fait sciemment échouer les négociations prévues dans les préavis.

La grève à la SNCF commence ce soir, à 20 heures. À l’heure où ces lignes étaient écrites, l’entreprise n’avait pas communiqué ses prévisions de trafic mais celui-ci s’annonce d’ores et déjà perturbé. SUD Rail a déposé un préavis reconductible pour l’ensemble des services. La CGT en a déposé sept. Trois sont reconductibles toutes les vingt-quatre heures. Ils concernent les agents de conduite, les contrôleurs et les agents du fret quel que soit leur métier. Les quatre autres sont de vingt-quatre heures et concernent les autres activités de l’entreprise publique.

Réduction des capacités de Fret

Les cheminots sont appelés à faire grève pour obtenir « un moratoire » sur la restructuration du fret. Rendu public le 29 janvier dernier par l’Humanité, ce plan table sur des pertes de trafic d’un volume de 616 000 wagons à l’horizon 2011, soit un tiers du total transporté en 2009 par Fret SNCF. 255 000 wagons seront purement et simplement abandonnés par la l’entreprise, qui a décidé de ne plus assumer le wagon isolé (trains comprenant des wagons affrétés par plusieurs expéditeurs pour plusieurs destinataires) mais aussi de renoncer à certains trains entiers (un seul expéditeur et seul destinataire pour l’ensemble du convoi) car jugés insuffisamment rentables en raison d’une faible fréquence de circulation. Ce plan prévoit aussi la réduction des capacités de Fret SNCF. Sur onze grands triages existants, seulement trois seraient maintenus, dont un seul en région parisienne. La CGT dénonce un projet contraire aux objectifs de report du transport de marchandises de la route vers le rail fixés par le Grenelle de l’environnement. En 2007, le président de la République fixait pour objectif d’augmenter de 25 %, d’ici à 2012, la part du ferroviaire dans le fret. Or avec ce plan, ce sont 500 000 camions supplémentaires qui seront jetés sur les routes de France. Ainsi, selon une étude interne baptisée Carbone 4, 300 000 tonnes supplémentaires de gaz à effet de serre équivalent CO2 seraient rejetées chaque année. La CGT accuse enfin la SNCF de transférer l’activité fret ferroviaire vers ses filiales privées de transport routier. Après avoir racheté Géodis, l’entreprise s’apprête en effet à acquérir les transports Giraud.

Agents de conduite et contrôleurs sont appelés à se mobiliser spécifiquement sur la réorganisation de leurs métiers qui visent à dédier ces personnels à l’exploitation d’une ligne en particulier. La direction prépare ainsi la mise en œuvre de la concurrence dans le transport de voyageurs. En cas de perte d’exploitation d’une ligne, elle souhaite pouvoir transférer à son concurrent l’ensemble des personnels roulants y étant attachés. Pour la CGT, ce projet est inacceptable car il préfigure « l’éclatement de l’entreprise publique ».

Avec cette grève, la CGT veut essayer également de contrer le projet d’externalisation de l’informatique de la SNCF. Le 11 janvier dernier, malgré l’opposition des élus salariés, le conseil d’administration a examiné et adopté la création d’une filiale commune avec le géant américain IBM. Billetterie, gestion des circulations et de leur sécurité, organisation du travail. La CGT dénonce « une perte de contrôle » de l’entreprise. En outre, elle craint que cette décision ne permette à la multinationale de l’informatique de faire « main basse » sur les données confidentielles des clients et le savoir-faire des équipes de la SNCF. Enfin, le syndicat estime que 2 100 emplois directs et 2 000 emplois indirects dans la sous-traitance sont menacés par « des délocalisations offshore (hors du territoire national – NDLR) ».

L’emploi est une revendication transverse à l’ensemble des préavis. La CGT, qui accuse la direction de vouloir supprimer 7 657 emplois d’ici à 2012, espère que cette grève permettra d’infléchir cette politique. Elle revendique ainsi l’embauche au statut de 2 000 cheminots en 2010

Création d’un véritable 13e mois

Côté salaire, le torchon brûle également avec la direction. Celle-ci a concédé une hausse de 0, 9 % en 2010 alors que l’inflation, selon l’Insee, devrait atteindre 1, 3 % pour le seul premier semestre. La CGT revendique une hausse de 6 % « pour rattraper les pertes de pouvoir d’achat enregistrées ces dernières années ». Elle exige aussi la transformation de la prime de fin d’année en véritable 13e mois et une revalorisation du salaire d’embauche pour le porter à 1 600 euros brut par mois. Pour les retraités, elle réclame également un retour à l’indexation des pensions sur les salaires des actifs.

Pierre-Heri Lab

Source : http://www.humanite.fr/2010-04-06_P...

2) Entretien avec Didier Le Reste, CGT

Pourquoi les négociations dans le cadre des préavis de grève ont-elles échoué ?

Didier Le Reste. Il n’y a pas eu de véritables négociations. Ce sont au mieux des bavardages, au pire de petits arrangements entre amis. Aucune des revendications formulées dans chacun des préavis n’a fait l’objet de réponses sérieuses et adaptées. La plupart des annonces de la direction présentées comme des acquis de la discussion sont en fait des mesures qui ont déjà été actées en 2009. Rien sur le fret. Rien sur les salaires alors que l’augmentation de 0,9 % chichement concédée est en dessous de l’inflation prévisible. Rien sur les réorganisations. Rien non plus sur les revendications propres à chaque métier. Au lieu de vraiment négocier, la direction a mis à profit le préavis pour s’employer à diviser les syndicats.

Pour expliquer le retrait de son préavis, la CFDT dit qu’il est nécessaire d’économiser ses forces pour les retraites…

Didier Le Reste. Le retrait de la Fgaac-CFDT du conflit était cousu de fil blanc. Ce syndicat a fait valider son préavis par la direction de manière à ce que celle-ci puisse y apporter des réponses. La direction a même communiqué en interne la levée du préavis de la Fgaac-CFDT avant celle-ci. L’histoire se répète. La direction cherche à fragiliser l’unité syndicale et sans doute à préparer les élections professionnelles de 2011. Quand à l’argument selon lequel il faut en garder « sous la pédale pour les retraites », les cheminots ne sont pas dupes et savent à quoi sans tenir. Par le passé, en 1995, en 2003 et 2007, ils ont pu apprécier « la combativité » de la CFDT sur ce dossier.

Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de pénaliser les usagers au nom de la concurrence avec SUD rail ?

Didier Le Reste. Toujours cette vieille rengaine de la concurrence entre syndicats. Encore une fois, il s’agit d’un rideau de fumée pour ne pas parler des vrais problèmes et des véritables responsabilités dans la dégradation du service public. La CGT ne se détermine pas par rapport aux autres organisations mais en fonction des revendications des cheminots. Rappelons que le 23 mars dernier, lors de la mobilisation sur les retraites, SUD rail appelait à une grève reconductible et pas la CGT. Quant aux usagers, nous entendons leurs mécontentements et nous le comprenons. Annulations de trains, retards, pannes, leur quotidien est devenu de plus en plus difficile. Si nous laissons la direction mener à bien ses restructurations et singulièrement les 8 000 suppressions d’emplois qu’elle projette de réaliser d’ici à 2012, alors le service public sera encore plus dégradé. Se rendre à son travail ou sur son lieu d’étude deviendra un parcours du combattant. Il y a convergence d’intérêt entre cheminots et usagers. Améliorer les conditions de travail des uns, c’est améliorer les conditions de transport des autres.

Qu’attendez-vous de la direction ?

Didier Le reste. Les déclarations préalables de participation à la grève faites par les cheminots nous indiquent que la mobilisation devrait être nettement supérieure aux dernières mobilisations du 3 février et du 23 mars derniers. La direction serait bien inspirée de passer du bavardage à de véritables négociations. Concrètement, la direction doit accepter une révision à la hausse du budget 2010 en matière d’emplois. Nous revendiquons le recrutement de 2 000 agents et la résorption de l’emploi précaire. En matière de salaires, il faut les revaloriser et travailler par exemple à la création d’un véritable 13e mois. Sur les restructurations, au-delà des retours d’expériences qui vont durer plusieurs mois, des carences sont identifiées. La SNCF doit accepter de s’asseoir autour de la table de négociation pour les résorber. En ce qui concerne le fret, nous exigeons un moratoire sur la stratégie mortifère mise en œuvre actuellement. Non seulement la direction transfert des trafics vers la route mais, en fermant des triages, elle est en train de casser l’outil interdisant à l’avenir toute reconquête. Le gouvernement doit aussi prendre ses responsabilités. Il ne peut pas se désintéresser d’une crise sociale à la SNCF ni d’une gestion de l’entreprise qui tourne le dos aux mesures du Grenelle de l’environnement, qui plus est en pleine semaine durable.

Entretien réalisé par Pierre-Henri Lab

3) Appels à la grève : demandez le programme ! par SUD Rail

Depuis des mois, SUD-Rail propose aux autres fédérations d’organiser une grève reconductible « tous services » ; les autres fédérations nous répondent systématiquement « cela ne se décrète pas ». Nous en sommes convaincu-e-s, c’est pour cela que nous avons toujours proposé de se donner quelques semaines pour construire un mouvement fort et unitaire.

Mardi soir, par la télévision et la radio, les cheminot-e-s ont appris qu’il y aurait une grève illimitée après ce week-end. Pour en arriver là, pourquoi avoir exclu SUD-Rail des réunions fédérales ?

Pourquoi tant de préavis différents quand il s’agit de se battre ensemble ?

Pour les roulants, ce sont des préavis – différents – CGT et CFDT. Pour les sédentaires, il y a 6 préavis différents de la CGT, et aussi un préavis CFDT pour les seuls agents du Fret.

 Les roulants : grève pour une durée illimitée, à compter de mardi 6 au soir.

 Les agents du Matériel : grève sans possibilité de reconduction, jeudi 8.

 Les agents Transport du Fret : grève pour une durée illimitée, à compter de mardi 6 au soir.

 Les agents Transport des EIC ou autre établissement : grève pour une durée illimitée à compter de mercredi 7 au soir.

 Les agents de l’Equipement : grève sans possibilité de reconduction, jeudi 8.

 Les agents commerciaux : grève pour une durée illimitée, à compter de jeudi 8.

 Les agents de la SUGE et administratifs : grève sans possibilité de reconduction, jeudi 8.

Pourquoi grève une seule journée pour certains, illimitée pour d’autres ?

Les revendications portées devant la direction sont différentes selon les métiers, et aussi selon qu’il s’agit de préavis CGT ou CFDT. Les moyens donnés aux cheminot-e-s pour se battre sont différents selon les métiers : préavis reconductible pour certain-e-s, préavis illimité pour d’autres.

Ce n’est pas aux cheminot-e-s de subir les conséquences du sectarisme et de la bureaucratie syndicale.

SUD-Rail pourrait adopter l’attitude que les autres fédérations ont eue le 23 mars … mais les cheminot-e-s n’ont rien à gagner à la guéguerre syndicale.

Volontairement ou pas, ce mouvement de grève n’est vraiment pas lancé dans les meilleures conditions, mais la fédération SUD-Rail soutient celles et ceux qui luttent !

La solution pour nous unifier, c’est d’organiser des Assemblées Générales partout et d’utiliser le préavis reconductible déposé par SUD-Rail, qui est commun à tous les cheminot-e-s et débute mardi 6 avril à 20 heures ! Assemblées Générales dans tous les établissements et sites ferroviaires dès mercredi 7 avril !

Les cheminot-e-s imposeront l’unité syndicale dans l’action

4) Appel pour une politique des transports de marchandises écologique et sociale

Depuis plusieurs semaines, nous assistons à une véritable frénésie de communication de la part du gouvernement et de la direction de la SNCF...pour tenter de faire croire à la population qu’une nouvelle politique des transports va, enfin, être mise en œuvre et que, conformément aux urgences écologiques de l’heure, les modes de transport les moins agressifs pour l’environnement, dont le rail, vont être développés pour réduire le transport routier

La réalité est malheureusement bien différente. L’analyse des annonces du gouvernement et de la direction SNCF fait apparaître que, pour l’essentiel, la politique ne changera pas. Il s’agit toujours d’offrir aux intérêts privés des transports de marchandises pas chers, car financés avant tout par la collectivité qui, de fait, prend déjà totalement en charge les coûts sociaux et environnementaux considérables du mode de transport dominant, en même temps le plus nuisant, à savoir le transport routier...

Ce projet néfaste se traduirait par :

* l’abandon de la plus grande partie du trafic de wagons isolés (ou « lotissement ») encore existant, qui sera basculé sur route – et le fait que certains poids lourds appartiendront à des filiales de droit privé de la SNCF n’arrangera rien ;

* la suppression de plus de 5000 emplois de cheminots (estimation par les organisations syndicalesde la SNCF) sur les 13500 qui travaillent dans le secteur « fret ferroviaire » ;

* la détérioration des conditions de travail des cheminots restants, avec des risques évidents pourla sécurité ;

* le transfert dans des filiales de droit privé de la quasi totalité des activités restantes de transports de marchandises par chemin de fer de l’établissement public.

...

A la casse sociale s’ajouterait un impact très négatif sur l’environnement local et global (effet de serre) et sur la sécurité, du fait du transfert sur la route de millions de camions supplémentaires, dont une part significative transportant des marchandises dangereuses. Par ailleurs, les suppressions d’emplois et les fermetures de gares de triages, de lignes ferroviaires et de points de dessertes fret (17% d’entre eux ont déjà été fermés depuis 2003), découlant de l’abandon du wagon isolé, entraîneraient une perte des compétences et une destruction irréversible de l’outil public ferroviaire...

Nos organisations syndicales, associatives, politiques appellent à la constitution et à l’inscription dans la durée d’un vaste mouvement inséparablement social et écologique pour exiger l’abandon des projets du gouvernement et de la direction de la SNCF, ainsi que la création d’un grand service public de transport ferroviaire et routier de marchandises. En effet, lui seul permettra d’organiser démocratiquement une politique vraiment efficace de préservation de l’environnement et de lutte contre le changement climatique, tout en tenant compte des conditions sociales des salariés du transport...

Premières organisations signataires

Organisations politiques : Alternative Libertaire, Les Alternatifs, Les Verts, Nouveau Parti Anticapitaliste, Parti de Gauche.

Syndicats : Fédération SUD-Rail, Union syndicale Solidaires.

Associations : AITEC-IPAM (Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs, réseau Initiatives Pour un Autre Monde), Amis de la Terre – France, AdOC (Association d’Objecteurs de Croissance), ATTAC – France (Association pour une Taxation des Transactions financières pour l’Aide aux Citoyens), FUTSP (Fédération des Usagers des Transports et des Services Publics), Stop Précarité, Action Consommation, CADTM-France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde).


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