APRÈS LES ÉLECTIONS… Résolution adoptée par le Conseil National du Parti de Gauche réuni les 10 - 11 avril 2010

mardi 20 avril 2010.
 

Les urnes ont rendu leur verdict. Le deuxième tour à confirmé et parfois amplifié le premier. L’ampleur des manifestations du 23 mars (et l’état d’esprit des manifestants) montre l’encouragement que constitue la délégitimation électorale du pouvoir sarkozyste pour le mouvement social. Pour autant, il convient d’analyser de manière circonstanciée les résultats car s’y mêlent, au côté de potentialités pour notre combat, des éléments inquiétants et des contradictions réelles. En prendre toute la mesure doit nous permettre de fonder notre stratégie sur le réel en évitant, autant que faire se peut, tout abattement comme toute euphorie trompeuse.

Les résultats révèlent une profonde crise du sarkozysme, rejeté tout à la fois par l’ampleur de l’abstention, le niveau historiquement élevé du vote à gauche, le renouveau du Front National.

Mais c’est aussi un révélateur de la crise profonde qui ronge la société française, tout à la fois crise sociale, crise politique, crise du sens… Le personnel politique de droite en sort profondément ébranlé, doutant de la capacité de Sarkozy à faire gagner son camp. Les critiques visant directement le président se multiplient, les sondages désignent déjà de possibles leaders de remplacement. Le pouvoir voit son principal argument pour faire passer ses contre-réformes délégitimé (par mon élection j’ai reçu mandat du peuple français pour mener cette politique).

Chaque confrontation sociale rappellera cette illégitimité. Les éléments d’une crise politique, d’une crise de régime, peuvent se rassembler à la faveur de tel ou tel événement. Une explosion sociale peut survenir. Des révoltes aussi, avec les risques d’instrumentalisations et de provocations. Le pouvoir va tenter de contre-attaquer et risque d’accentuer sa dérive autoritaire. Et le FN en embuscade est une menace qu’il ne faut pas négliger. D’où la nécessaire responsabilité et même gravité avec laquelle nous devons aborder cette période. Beaucoup dépendra des initiatives politiques à gauche.

L’ABSTENTION

L’importance de l’abstention ne doit pas être sous-estimée. Au premier tour, elle passe de 37,7 % en 2004 à 53,6 % en 2010. Le précédent record de 1998 (41,9 %) est dépassé de 10 points. Au deuxième tour, l’abstention a baissé de près de 5 points s’établissant à 48,9 % (contre 34,4 % en 2004).

Se confirme ainsi — hormis l’élection présidentielle 16,03 % — la permanence d’une abstention qui tend à devenir structurelle depuis plusieurs années : 40 % aux législatives de 2007 et 37,8 % aux municipales 2008. Cette fois-ci, à l’abstention structurelle s’est ajoutée une abstention conjoncturelle nourrie par la démobilisation d’une fraction de l’électorat de Sarkozy déçue par sa politique (58 % des électeurs de Sarkozy au second tour de la présidentielle se sont abstenus contre 42 % de ceux de Ségolène Royal). La remobilisation partielle de son électorat au deuxième tour aura permis à la droite de sauver l’Alsace et d’améliorer son score dans quelques régions (Franche Comté, Centre, Bourgogne) mais pas de rattraper son retard. Pour l’avenir une question reste ouverte : l’abstention conjoncturelle qui a touché la droite sera-t-elle plus facile à combattre pour elle que l’abstention populaire pour la gauche ?

Cette abstention a une dimension sociale. Les zones populaires sont plus touchées. Les laissés-pour-compte sont nombreux à ne plus croire que la politique puisse quelque chose pour eux.

Au deuxième tour, cela se voit par les départements les plus touchés : Seine Saint Denis (59,7 %), Moselle (56,6%), Val d’Oise (55,5 %), Seine et Marne (55,3 %), Val de Marne (53,9%). C’est encore plus net au niveau local à Clichy sous Bois (68,6 %), à Stains (67,5 %), à Bobigny (66,2 %) en Seine St Denis ; aux Mureaux (66,6 %) dans les Yvelines ; à Sarcelles (66,6 %) dans le Val d’Oise ; à Roubaix (65,7 %) ; à Tourcoing (64,5 %) ; à Vaulx-en-Velin (66,6 %). Le profil des abstentionnistes l’atteste aussi (sondage TNS Sofres des 19 et 20 mars à propos du premier tour). Le pourcentage d’abstentionnistes est de 69 % chez les ouvriers, de 64 % chez les employés, alors qu’il est de 44 % chez les professions libérales et les cadres. 72 % des électeurs de18 à 34 ans se sont abstenus contre 38 % des plus de 65 ans. 58 % des femmes se sont abstenues contre 49 % des hommes.

L’abstention est aussi politique. Un système à l’américaine tend à s’instaurer où la seule élection qui mobilise c’est l’élection présidentielle. L’abstention révèle le gouffre qui se creuse entre la représentation politique et les préoccupations quotidiennes des citoyens. L’incapacité des gouvernements successifs à résoudre les problèmes récurrents depuis trois décennies (chômage, pauvreté, précarité, etc.) est la première cause de cette défiance profonde vis-à-vis du personnel politique. L’évolution institutionnelle (hyperprésidence aggravant la logique funeste de la Cinquième République, « bonne gouvernance » déconnectée de la souveraineté populaire, déni de démocratie type Traité de Lisbonne, volonté de bipolarisation de la vie politique etc) l’alimente fortement. La soumission des politiques nationales au carcan de traités européens qui échappent au débat démocratique contribue également à instaurer une forme de « démocratie limitée » dans laquelle les questions qui comptent ne sont plus du ressort des gouvernements soumis au vote populaire. Cette abstention a donc plusieurs significations. Elle peut exprimer une forme « d’insurrection » contre le système politique comme le montre également le niveau élevé des bulletins blancs et nuls (4,5% des votants). Elle révèle aussi une « déculturation » croissante d’une fraction de l’électorat par rapport à la politique (28 % ne s’intéressent pas à la politique selon CSA, 12% de nos concitoyens sont non-inscrits), une « crise du sens » (no future) pour de nombreux citoyens (doute profond sur la capacité de la politique à agir sur la situation), ce qui impacte directement la démocratie. La conjonction d’une abstention de masse et du renouveau du vote pour le Front National accroît le risque de voir se nouer crise politique traditionnelle et crise plus profonde de la démocratie elle-même.

Il en découle une tâche essentielle si nous voulons contribuer à conjurer ces périls : le Parti de Gauche, le Front de Gauche, la gauche d’alternative doivent d’urgence porter avec plus de cohérence et d’ambition un projet commun d’alternative sociale et écologique étroitement articulé avec une refondation ambitieuse de la démocratie et du projet républicain à tous les niveaux (de l’implication citoyenne aux institutions), pour remobiliser les couches populaires et franchir un cap dans la crédibilité du rassemblement qui porte de telles propositions et interventions.

LA DROITE LOURDEMENT DÉFAITE

En arrivant en tête avec 28 % aux européennes, la droite avait crié victoire. Avec un score inférieur à 30 % au premier tour et sans réserve de voix, il lui est plus difficile de masquer la réalité d’une défaite cinglante largement confirmée au deuxième tour. C’est tout à la fois sa politique de contre-réforme, sa stratégie de quasi parti unique, le pouvoir personnel du président, qui sont massivement rejetés. Les vieilles recettes de dernière heure faisant appel aux sentiments de peur n’ont pas fonctionné. Le rejet est profond. Il ouvre une période de crise politique en son sein et Sarkozy aura bien du mal à reprendre la main.

Le paysage s’est aussi clarifié avec l’effondrement du Modem conduisant à son élimination du deuxième tour (sauf en Aquitaine), vidant ainsi de leur objet les tentations d’alliances au centre. Le gros de son électorat s’est réparti entre les listes socialistes, écologistes et de droite.

LE FRONT NATIONAL EN EMBUSCADE

Même s’ils sont numériquement en recul par rapport à 2004, les résultats du Front National sont inquiétants. La tentative de siphonage de son électorat réussi par Sarkozy à la présidentielle à grands coups de démagogie n’aura pas survécu aux déceptions. Le nauséabond débat sur l’identité nationale et le retour du sécuritaire impulsés par la droite n’auront pas suffi. Au contraire sans doute, la validation de ses thèses par la droite elle-même n’a pu que lui donner du crédit. Au deuxième tour, là où le FN a réussi à se maintenir, il a continué à progresser en voix et en pourcentage réalisant des scores régionaux entre13 et près de 23 %. Sans doute des électeurs ont-ils ainsi voulu réagir à la surdité de la droite affichée au premier tour. Cela témoigne aussi du fait qu’une fraction de l’électorat ne se satisfait pas de l’offre politique bipartisane et cherche une autre voie.

Que cela emprunte celle du Front National doit nous alerter. D’autant que les thématiques du FN ont commencé à évoluer sous l’égide de Marine Le Pen : au côté du fonds de commerce traditionnel (immigration, insécurité), ce sont les terrains économiques et sociaux qu’il investit ; ce qui lui permet de gagner des suffrages populaires parmi les victimes des restructurations industrielles et de rajeunir ainsi son électorat.

S’y ajoute aussi un électorat de couche moyenne supérieure, déçu par Sarkozy. Le FN réalise une percée significative dans les beaux quartiers. Les conditions dans lesquelles se reconstitue cette audience risquent bien de ne pas rendre aisée sa régression car il s’agit très vraisemblablement d’un vote d’adhésion plus marqué que précédemment. Après la succession de Le Pen père, craignons sous l’égide de sa fille une entreprise de dédiabolisation comme celle conduite en Italie par Gianfranco Fini (du MSI à l’Alliance nationale … jusqu’au gouvernement Berlusconi).

L’AMPLEUR DU VOTE A GAUCHE

Le résultat de la gauche dans son ensemble est le plus élevé en pourcentage de l’histoire du scrutin régional : 53,6 % au premier tour, contre 45,3 % en 1986, 44,4 % en 1992, 44,1 % en 1998, 44,9 % en 2004. Au deuxième tour, la gauche obtient globalement 48,9 % mais plus de 53 % là où elle était seule face à la droite. C’est la première fois depuis 1981 que la gauche dépasse ou frise la majorité absolue dans un scrutin de portée nationale.

Le PS retrouve le niveau historique de 1986, il devance le quasi parti unique de la droite et, à la différence de 1992, il maintient un écart conséquent avec Europe Ecologie. L’implantation institutionnelle plus forte du PS, l’effet sortant qui pèse lourd dans ce type d’élections et le doute sur les capacités de gestion des écologistes ont certainement contribué à cet écart. La volonté de battre la droite a aussi fortement nourri le vote PS, toujours perçu comme le vote le mieux à même d’y parvenir.

Europe Ecologie n’a donc pas réussi à talonner/devancer le PS dans certaines régions comme ses dirigeants l’espéraient au vu des résultats des européennes. Ils sont en recul de 4 % sur les européennes, élection qui leur est traditionnellement la plus favorable. Ils sont aussi en dessous (mais qui s’en souvient) du résultat des listes Verts
- Génération Ecologie des régionales de 1992 (18,22 %). Pour autant, si le vote écologiste reste déséquilibré avec 5 régions au-dessus de la moyenne nationale (Rhône-Alpes, Ile de France, Alsace, Pays de Loire, Midi-Pyrénées), si l’écologie est avant tout urbaine, il n’en demeure pas moins qu’ils ont réussi l’extension de leur implantation à l’échelle nationale avec (sauf en Corse) aucun score inférieur à 8 %. Ce score, venant après celui des européennes, et réduisant à la portion congrue les autres listes écologiques, inscrit dans la durée EE comme l’expression d’un désir d’écologie de plus en plus présent dans la société. EE apparaît ainsi comme une force attractive dans de nombreux réseaux. Reste que la tension entre Verts et non-Verts, la grande diversité des positions politiques en leur sein, ainsi que le caractère composite de leur électorat principalement issu des couches moyennes supérieures ne les met pas à l’abri des turbulences.

Le pôle PS-EE occupe une place largement dominante à gauche ; ce qui a fait dire à certains dirigeants du PS que l’on était passé d’une alliance PS-PC ouverte aux Verts, à une alliance PS-EE ouverte au Front de Gauche. Cette configuration particulière constitue évidemment un nouveau défi pour faire émerger au sein de la gauche la dynamique de rupture et d’alternative que nous portons.

Pour autant, cette situation d’aujourd’hui peut être déstabilisée demain si reprend au sein du PS la concurrence des présidentiables et si Europe Ecologie se divise sur sa stratégie à venir.

Enfin, il faut noter le résultat des listes EE en Bretagne et FdG en Limousin au deuxième tour.

Elles témoignent, chacune à leur manière, dès lors que la droite ne pouvait être menaçante, de l’attente de la part d’une fraction significative de l’électorat de gauche d’une autre proposition politique que celle incarnée par le PS.

LE FRONT DE GAUCHE CONFORTÉ

Dans ce contexte, où le PS incarnait pour beaucoup le « vote utile » pour battre la droite, où Europe Ecologie se targuait d’incarner le renouvellement de la politique, on pouvait craindre un mauvais résultat pour le Front de Gauche, construction récente et encore fragile. Ce n’est pas le cas. Pour l’essentiel, le Front de Gauche conforte sa place dans le paysage politique. Les listes qu’il incarnait (PG-PCF-GU) ou avec d’autres partenaires (Alternatifs, FASE, NPA, SR…) progressent dans 10 régions sur 17 par rapport aux européennes de 2009 (6,95 % et + 0,48 %). Dans les 7 régions où le PCF présentait des listes indépendantes en 2004, il y a progression dans 4 régions (Auvergne, Corse, Aquitaine, Nord-Pas-de-Calais soit 7,33 % et + 0,22% -) et baisse dans 3 autres (Picardie -5,5 % et Ile de France
- 0,7%, où les dissidences communistes ont pesé, Franche Comté -0,1 %).

Dans 4 régions (Auvergne, Limousin, Nord Pas de Calais, Corse) il dépasse les 10 % et dans 3 autres régions (Languedoc Roussillon, Haute Normandie, Centre) les 7%. En Pays de Loire, malgré le résultat décevant (4,99%), la volonté et la pratique unitaire des différentes organisations confirment la pertinence de la stratégie d’union du Front de Gauche élargi et du NPA. En Bretagne et Lorraine, alors que les fédérations du PC avaient choisi de partir avec le PS, des sections communistes ont fait le choix de listes autonomes avec le PG, les Alternatifs, la FASE, la GU, Rouge et Vert 35 et la Gauche Alternative 54.

Il est à regretter que le NPA ait refusé l’unité dans ces deux régions. Mais les scores obtenus (3,5% en Bretagne avec une liste conduite par un communiste et 3% en Lorraine avec une liste conduite par GA54, devant le NPA dans les deux cas) dessinent un socle électoral minimum pour des listes de transformation sociale et écologique refusant la soumission au PS comme l’isolement sectaire. La décision prise par le PG de s’investir dans ces listes avec le risque assumé en toute connaissance de cause de ne pas passer les 5% préserve l’avenir pour ce qui est du regroupement des forces non sectaires de l’autre gauche. Le Front de Gauche progresse encore très fortement au deuxième tour en Limousin en alliance avec le NPA.

Cette bonne tenue n’a pas empêché une baisse du poids relatif du Front de Gauche par rapport au PS et à Europe Ecologie ce qui se traduit par une perte sèche du nombre des élus et un rapport de force limité dans les assemblées régionales.

L’électorat du Front de Gauche apparaît solide et tous les sondages d’avant élections attestaient de la très grand stabilité des intentions de vote en sa faveur. C’est un électorat fortement politisé, solidement ancré à gauche et unitaire. L’attachement à un projet y est fort. S’est donc installé un socle électoral stabilisé et une construction identifiée dans le champ politique mais il n’y a pas encore eu, sauf exception, une dynamique électorale populaire large. Le Front de Gauche n’est pas apparu suffisamment crédible pour attirer à lui un électorat au-delà de ce socle fortement politisé. D’ailleurs, les meilleurs résultats du Front de Gauche sont toujours étroitement corrélés avec la présence de personnalités connues et perçues comme pouvant diriger les régions (Chassaigne en Auvergne, Bocquet en Nord-Pas-de-Calais…), à l’exception notable de Rhône-Alpes qui enregistre également une belle progression.

Pour autant, la division de l’autre gauche a néanmoins pesé. Les stratégies d’alliance différentes selon les régions ont contribué à obscurcir et affaiblir nationalement notre proposition politique. Avec 9,5 % l’autre gauche fait mieux qu’en 2004 (7,5 %) mais à l’époque le PCF était allié au PS dans 15 régions sur 22 ! Si l’on compare les scores des listes à la gauche du PS avec les élections antérieures depuis le milieu des années 80, on voit apparaître une tendance au rétrécissement électoral de l’autre gauche au sein de l’ensemble de la gauche, rétrécissement nourri bien sûr par le déclin historique du PCF et plus récemment par les difficultés de l’extrême gauche. Cette évolution n’est pas irréversible. Mais elle indique le chemin à parcourir pour retrouver ce courant critique nourri d’espérance sociale et de traditions révolutionnaires auxquels les sondages promettait 15 % avant les régionales … s’il était uni !

Le résultat en Limousin confirme l’existence d’un tel potentiel et la construction politique qui permet sa pleine expression. Sur une terre historiquement de gauche depuis très longtemps, alors que le risque de victoire de la droite était nul au deuxième tour même avec une triangulaire, la poussée en voix et en pourcentage du vote Front de Gauche élargi montre que dans ces conditions l’attente d’une autre voie existe bel et bien dès lors que celle-ci a l’audace d’assumer jusqu’au bout son unité et son autonomie. A noter également que — hormis la Corse — le Limousin a connu la plus faible abstention régionale (46,20 %).

Le vote pour le Front de Gauche, et a contrario l’échec du NPA, valident notre stratégie :

- être clair sur la volonté de battre la droite et donc sur la nécessité du rassemblement au deuxième tour pour ce faire ;

- faire des propositions radicales et crédibles dans le contexte donné et construire le rapport de force à gauche nécessaire à leur possible mise en oeuvre en rassemblant la gauche de transformation ;

- marquer la disponibilité à prendre des responsabilités pour les mettre en oeuvre si certaines conditions sont remplies.

LA STRATEGIE NPA SANCTIONNÉE

La stratégie du NPA tournait le dos à ces exigences. En multipliant les conditions pour un accord, la direction du NPA a rendu l’unité impossible. Leurs tergiversations sur le deuxième tour sont apparues comme une hésitation à tout faire pour battre la droite. Leur programme essentiellement national paraissait à côté des attentes concrètes. Leur isolement ne leur donnait pas la crédibilité pour espérer faire avancer leurs propositions. Leur refus principiel de toutes prises de responsabilité heurtait l’exigence élémentaire de changement concret auxquels aspirent les citoyens. Leur orientation est apparue comme une impasse et a été sanctionnée dans les urnes. Cet échec électoral est aussi politique par rapport à son projet fondateur et nourrit une crise interne. Les bons résultats des listes NPA – Front de Gauche, comme en Limousin ou Languedoc-Roussillon, ne peuvent que renforcer en son sein les débats et interrogations sur la stratégie suivie.

Dans le contexte de crise actuelle, les citoyens à la recherche d’une alternative à gauche se tournent vers les unitaires et se détournent des solitaires. Leur problème n’est pas de témoigner mais de bouleverser le rapport de forces pour changer vraiment les choses.

LE CONTEXTE ET NOS TÂCHES POLITIQUES

Dans une situation de crise rampante pouvant connaître des tensions et aggravations, le dénouement dépend avant tout des propositions et initiatives alternatives et de l’ambition de les mettre en oeuvre. Le Parti de Gauche et le Front de Gauche ont une responsabilité particulière pour un dénouement progressiste que l’on ne peut attendre du PS et d’EE vu leur orientation. Un nouveau souffle est donc nécessaire. Le PG, parti creuset, est le levier essentiel de cette dynamique et doit se renforcer pour plus d’efficacité. Les tâches à remplir pour y parvenir à ce nouvel élan concernent à la fois le Parti de Gauche et le Front de Gauche. De même ces tâches sont étroitement liées et forment un ensemble indissociable, nécessaire à un saut qualitatif. L’ordre de présentation n’indique donc en rien une hiérarchie d’importance.

Le contexte :

A - La crise capitaliste va s’approfondir

Passée la dépression financière et les discours sur la « moralisation « du capitalisme, les affaires reprennent … comme si de rien n’était … l’aggravation du chômage et de la misère en plus. Banquiers, spéculateurs et grands patrons s’en donnent à nouveau coeur joie et s’en (re)mettent plein les poches. De plus en plus, apparaissent les stratégies libérales de sortie de crise dont la Grèce constitue le premier laboratoire : faire payer les citoyens par le biais de vastes plans d’austérité en préparation afin de préserver les fauteurs de crise et protéger les intérêts financiers.

Le contraste avec un chômage aggravé et une austérité renforcée pour le plus grand nombre ne peut que nourrir de profonds ressentiments. Les résultats électoraux (abstention + vote FN) ne sont qu’un avant-goût de leur expression si aucun autre débouché politique, ambitieux et crédible, n’est proposée.

B - La droite délégitimée veut poursuivre ses contre-réformes

Sarkozy et Fillon n’en ont pas fait mystère, poussant la provocation jusqu’à réaffirmer le maintien du bouclier fiscal pour les riches en même temps que de nouvelles régressions sociales.

C’est la poursuite d’une conception perverse qui réduit la démocratie à l’élection présidentielle considérée comme ayant donné tout pouvoir à un homme pendant cinq ans pour appliquer sa politique sans aucune prise en compte des élections intermédiaires ni des mouvements de protestation.

Dans le même temps, la droite se replie sur ses terrains de prédilection : sécurité (y compris en ressortant le risque de terrorisme après les attentats du métro de Moscou) et immigration (nouvelle loi prévue contre les sans papiers, loi Burqa). Elle abandonne toute velléité environnementale : déclaration de Sarkozy au salon de l’agriculture "l’environnement cela commence à bien faire", attaque frontale contre l’éolien, abandon de la taxe carbone (à partir du moment où il fallait la faire porter sur les industries) qui avait pourtant été portée au pinacle de la lutte écologique par Sarkozy.

La logique d’affrontement permanent de Sarkozy ne connaît pas d’espaces de compromis, elle ne peut se dénouer que par la défaite de l’un ou l’autre protagoniste. C’est sans doute l’espoir de la bourgeoisie et de la droite : infliger des défaites sur le terrain social pour démobiliser/décourager encore un peu plus les classes populaires et remobiliser sa propre base électorale dans cette confrontation pour l’emporter à nouveau en 2012, quitte à changer de champion pour porter leurs intérêts. Mais ça peut aussi leur exploser à la figure !

C - Les affrontements sociaux à venir revêtent dès lors une importance particulière

La réussite de la journée du 23 mars, malgré une préparation occultée par la campagne électorale, est un bon signe de la disponibilité à l’action. La question des retraites va être décisive. Il faut tout faire pour créer les conditions de la mobilisation la plus massive car, au-delà des résultats revendicatifs immédiats, beaucoup de l’avenir va se jouer dans l’issue cette bataille. On est lucidement obligé de voir les difficultés : des divergences syndicales réelles sur la nature de la réforme derrière une unité de façade pour refuser le symbolique inacceptable (60 ans), une fraction politique de la gauche encline à l’accompagnement du côté du PS (déclaration de Aubry, puis de Hollande et Valls…) et aussi d’Europe Ecologie. Raison de plus pour créer, articulé à la mobilisation syndicale, un mouvement citoyen qui bouscule les hésitants. C’est tout l’enjeu de l’appel unitaire à l’initiative d’Attac/Copernic rendu public le 7 avril.

Notre démarche :

A - Les tâches du PG, du FdG, de la gauche de transformation en découlent

D’abord être au coeur des luttes et des résistances, c’est à dire co-constructeurs de ces luttes et résistances au sein des collectifs unitaires ad-hoc et pas seulement en soutien. La priorité des priorités c’est l’investissement des militants dans la bataille des retraites bien avant la projection vers de nouvelles échéances électorales. Ensuite, être force de propositions alternatives, démontant les mensonges des libéraux et donnant voir d’autres orientations politiques possibles. La crédibilité de la gauche de transformation repose sur sa capacité à porter — en commun et pas seulement en parallèle — des réponses politiques à la hauteur des défis posés. Enfin répondre à la question du pouvoir appelé à se substituer à la droite et porteur d’un réel projet transformateur, en bousculant les rapports de forces issus des régionales qui peuvent faire craindre des constructions reproduisant les limites de la gauche plurielle.

B - Le Front de Gauche doit trouver un nouveau souffle

Le Front de Gauche ne peut rester une construction polarisée autour des échéances électorales. Cette construction doit devenir plus stable et plus permanente, ouverte au mouvement social.

C’est ainsi que les tensions récurrentes entre tous les partenaires du Front pourront être dépassées. La campagne des régionales fut parfois moins chaleureuse que celle des européennes, les enjeux « matériels » n’étant pas les mêmes.

Pour autant, le Front de Gauche est non seulement installé dans le paysage politique avec un certain niveau de crédibilité, mais il est aussi profondément ancré chez nos partenaires PCF et GU. N’oublions pas le vote majoritaire des fédérations du PCF, la conversion de certains « identitaires » par rapport à leur point de vue lors des européennes, l’attachement de nombreux militants communistes à cette démarche.

C’est de cet état de fait qu’il faut (re)partir pour construire plus solidement.

Notre priorité doit être de faire des propositions pour avancer qui soient susceptibles d’entraîner la grande masse des militants engagés dans le Front de Gauche et à même d’écarter les risques de fractures.

Notre tâche essentielle est donc la relance du Front de Gauche sur des bases nouvelles (pas seulement électorales) : activités militantes, approfondissement programmatique, élargissement organisationnel, enracinement populaire et ouverture au mouvement social, dépassement politique.

Cela passe par une approche qui ne peut plus être seulement nationale (et déclinée à l’identique localement) mais bien adaptée aux différentes configurations unitaires qui se présentent du fait de l’hétérogénéité des partenaires et donc des potentialités différentes d’avancées selon les départements.

Il faut rappeler notre ambition : changer la donne à gauche, y faire triompher les ambitions d’alternatives sur celles d’accompagnement. Nous visons donc à nous situer au coeur de la gauche et non à ses marges, à nous adresser au peuple et à la gauche tout entière, ce qui exclut toute posture incantatoire. Il reste du chemin à parcourir pour y parvenir, mais nous ne devons pas dévier du cap fixé. Il y faudra du temps. En dehors d’une explosion sociale qui viendrait accélérer le cours de l’Histoire (que nous n’avons pas le pouvoir de déclencher et dont l’issue ne serait pas assurée) il n’y a pas de raccourci, ou alors ils risquent de se révéler être des impasses. Le chemin sera nécessairement long, de nouvelles expériences de masse seront nécessaires pour une recomposition progressiste du champ politique à gauche. Il faut donc s’inscrire dans la durée, tout en étant à même de réagir aux accélérations. Il faut une vision stratégique pour que les initiatives tactiques restent en cohérence.

Nos tâches :

A - Tout d’abord, poursuivre partout où c’est possible, l’union des forces qui se sont rassemblées dans les listes aux élections régionales et développer des initiatives communes

Nous devons nationalement et localement poursuivre le travail engagé avec les différentes forces dans les listes régionales communes tout en leur proposant de rejoindre le Front de Gauche pour une plus grande efficacité (sans que l’adhésion au Front de Gauche soit posée comme un préalable à la poursuite du travail commun). Cette union se joue aussi dans les régions et les départements. C’est ce qui est en cours dans la forme la plus large en Languedoc Roussillon et en Limousin. Là où ce n’est pas possible régionalement, il faut le faire dans les départements. Cela peut permettre de concrétiser un « front de gauche élargi » qui prendra peut-être plus de temps au niveau national. Cela veut dire maintien d’une coordination régionale ou départementale, participation commune aux luttes et expressions publiques communes, initiatives communes autour de thématiques de notre campagne électorale, travail commun dans les assemblées… etc.

B - Elargir le Front de Gauche à d’autres organisations

Au premier chef, il faut inviter les parties prenantes de la campagne des régionales à y entrer. C’est un premier pas nécessaire, mais il n’est ni facile, ni assuré. Au niveau national, pour d’autres organisations et courants, notamment pour les partenaires des listes « Ensemble » (Alternatifs, FASE, MPEP, R&S, PCOF, Alternative citoyenne, groupes locaux… sans parler du NPA), le Front de Gauche tel qu’il est aujourd’hui et tel qu’il fonctionne est certes le seul cadre d’union à gauche mais il est insuffisamment attractif. Il ne sera pas évident de convaincre certaines organisations et courants de se rallier à une construction déjà existante, toutefois il serait hasardeux de « changer de nom » au risque de perdre de la lisibilité : les régionales l’ont montré très concrètement.

C - Articuler le Front de Gauche au mouvement social

Pour cela, nous devons d’abord renforcer la visibilité du Front de Gauche comme répondant politique des luttes. Cela veut dire s’exprimer en tant que Front en direction des travailleurs en lutte : campagne en défense de la retraite à 60 ans, implication dans la défense des services publics en lien avec les Etats généraux. Mais cela concerne tout autant les luttes locales, dans les entreprises, les quartiers, sur le cadre de vie, l’environnement, etc.

Nous devons ensuite nouer un rapport de coopération fructueuse avec les organisations (syndicats, associations) et collectifs qui le structurent — dans le respect de leur indépendance et des missions respectives de chacun — particulièrement dans l’élaboration de propositions de politiques alternatives. Il faut combler le fossé entre mouvement social et partis politiques de gauche (voir 4° partie de Lignes d’Horizon). Après une longue période de coupure consécutive aux déceptions du tournant de 1983, un rapprochement et des coopérations s’étaient noués dans la campagne référendaire contre le TCE et dans les débats programmatiques préparatoires à une candidature commune à la présidentielle. Son échec fin 2006 a de nouveau séparé les trajectoires. La brutalité de la politique de Sarkozy et la difficulté de s’y opposer par les seules luttes sociales redonnent l’opportunité d’un dialogue et de coopérations dans l’indépendance. On a vu des concrétisations de ce renouveau mêlant politique et social avec le collectif et le référendum sur la Poste, les collectifs de défense des hôpitaux, les Etats Généraux à venir des services publics, la solidarité autour des luttes du secteur privé, etc. Au Front de Gauche (élargi) de se donner les moyens de ce dialogue (luttes communes, échange sur les réponses programmatiques, invitations à des forums thématiques, etc), condition nécessaire d’une dynamique populaire.

D – Aller à la reconquête des abstentionnistes et des non-inscrits

Plus complexe sera la remobilisation des abstentionnistes et des non-inscrits « structurels », découragés et désabusés. La propagande politique dans leur direction ne sera d’aucun secours en dehors d’une perspective politique crédible que nous portons et de dynamiques sociales de grande ampleur qui viendraient les interpeller. En dehors de cette configuration, c’est un travail patient, au plus près de leurs préoccupations, en s’impliquant dans leurs luttes concrètes et associations de proximité, que l’on peut espérer (re)faire surgir de leurs résistances une conscience des enjeux politiques et des voies de leur solution. Cela passe par une autre conception de l’intervention politique et une transformation des pratiques d’intervention. Ainsi que par des mots d’ordre et propositions concrètes accessibles et attractifs pour le plus grand nombre et susceptibles de mobiliser les déçus de la politique.

E – Proposer un autre fonctionnement pour le Front de Gauche

Nous devons proposer et nous donner les moyens d’un fonctionnement permanent du Front de Gauche (élargi). Aujourd’hui, le Front de Gauche fonctionne sur le principe de réunions unitaires, qui plus est sur les questions électorales. Il n’y a pas de structuration permanente entre les réunions unitaires. Cela accrédite une fragilité et une incertitude du lendemain évidemment préjudiciable à sa consolidation. Il faut donc proposer des instances et des activités communes durables.

Nous pourrions par exemple proposer à nos partenaires partout où c’est possible :

• une campagne commune en défense des retraites tout de suite et la préparation d’une autre à la rentrée en lien avec les Etats Généraux des services publics

• des comités de liaison départementaux permanents entre les organisations avec prise d’initiatives communes.

• des assemblées de base ouvertes et régulières permettant d’associer au débat les militants qui ne sont pas membres des partis et de proposer des mécanismes d’adhésion permettant aux citoyens (voire à des groupes locaux) de s’impliquer dans le Front de Gauche (élargi)

• un comité de liaison national permanent pouvant réagir à l’actualité importante par des communiqués communs

• des groupes de travail autour des urgences sociales, écologiques, démocratiques, européennes vers une plateforme partagée (voir ci-après)

• un conseil national permanent du Front de Gauche (élargi) ouverte aux personnalités diverses, favorisant une lisibilité décartellisée...

• un moyen d’expression rendant compte des initiatives communes… etc.

Il va de soi que ces propositions doivent être faîtes en même temps au niveau national et au niveau local. Là où il y a accord local, il faut mettre en oeuvre sans attendre qu’il y ait un accord national et même en l’absence d’accord national. Il ne faut pas craindre (au contraire) une construction du Front de Gauche (élargi) par en bas pour avancer plus loin là où c’est possible.

F – Faire du Front de Gauche un recours face à la crise

Cela passe par des propositions politiques portées par des candidatures communes aux prochaines élections : c’est notre proposition de « paquet » cantonales, présidentielle, législatives.

Cette alliance durable s’appuiera sur la constitution de plateformes partagées à chaque élection, et au-delà cela poussera le Front de Gauche à se doter d’un «  projet de société » alternatif au modèle libéral permettant d’éclairer l’avenir. Son élaboration est nécessairement oeuvre de longue haleine. Le document « Lignes d’Horizon » en contient des prémisses. La poursuite du travail au sein du PG, la confrontation avec d’autres (partis, syndicats, associations, intellectuels…) et les expériences des luttes peuvent permettre enrichissement et diffusion des réflexions.

En attendant l’urgence est dans la formulation de réponses à la crise sociale, écologique et démocratique. Ce serait la première de nos « plateformes partagées », maintes fois évoquées, mais qui n’ont eu de traduction pour l’instant qu’au niveau régional en lien avec les élections. Il semble bien d’ailleurs que nos propositions régionales ont contribué à la crédibilité du Front. Il faut maintenant entreprendre ce travail dans sa dimension plus globale mais en évitant le « fourre tout » pour plutôt se concentrer autour de : « X propositions fortes pour changer vraiment ».

Ce socle commun doit permettre d’aborder les échéances à venir avec une solidité politique plus grande et diminuer le risque de voir le PS chercher à diviser les différents partenaires du Front de Gauche (élargi) quand il fera ses propositions de recherche d’accords programmatiques communs à toute la gauche. Si des groupes se mettent au travail tout de suite autour de quatre chantiers par exemple (questions sociales, écologiques, démocratiques, européennes) leur présentation et débat pourrait se faire à l’occasion d’une réunion nationale large du Front de Gauche (élargi), fin 2010 ou début 2011, associant les partis du Front et divers invités (organisations sociales, personnalités…).

H - Quelle majorité à gauche ?

On ne peut pas laisser cet aspect sans réponse devant l’attente populaire à chasser Sarkozy et ouvrir une autre voie. C’est une question de crédibilité de notre démarche sauf à se cantonner comme le NPA à des réponses renvoyant la solution à (très) long terme. Pour autant il n’est pas simple, vu les rapports de force à gauche sortis des urnes, de ne pas donner à penser que le rassemblement de la gauche signifierait une nouvelle mouture de la gauche plurielle dominée par les sociaux et écolo libéraux. Il ne faut pas contourner cette difficulté. La stratégie du Front de Gauche essaie justement d’y répondre.

Celle-ci mobilise plusieurs leviers. Le premier est l’élaboration des plateformes partagées du Front de Gauche (élargi) permettant d’aborder plus collectivement le débat au sein de toute la gauche. Le second est de définir comment aborder, le débat programmatique en lien avec les organisations syndicales et associatives pour favoriser une dynamique populaire en évitant le repoussoir de l’instrumentalisation partidaire. Le troisième est de poser la question des confrontations avec toute la gauche. Faut-il refuser par principe au motif (réel) que ce sont des sociaux ou écolo libéraux qui n’ont pas changés et dont on ne peut attendre grand chose au risque de décourager par avance les espoirs de changement et de paraître sectaire (NPA) ; ou bien les accepter pour faire apparaître qu’il y a bien deux voies à gauche, en matérialiser les points saillants et créer les conditions de leur dénouement par le suffrage universel le moment venu ?

La question des candidatures communes au Front de Gauche (élargi) dans les échéances électorales à venir doit être posée dans le même mouvement où l’on fait apparaître les « 2 voies à gauche » et venir en articulation avec le répondant aux luttes et la plateforme partagée ; et non de manière séparée. En faisant apparaître avec force l’incohérence qu’il y aurait à avoir une ambition/construction politique commune … sans candidats communs ! La dynamique créée doit conforter les candidatures communes et vice-versa.

Quelle « formule de gouvernement » pourrait constituer une réponse, évitant une nouvelle mouture de la gauche plurielle déjà rebaptisée « solidaire » à l’occasion des régionales ?

Il doit être un gouvernement d’unité populaire, porteur d’un programme d’urgences sociales, écologiques et démocratiques, appuyé sur le mouvement social, conjuguant la nécessité de l’unité pour battre la droite, la base programmatique radicale et crédible pour changer vraiment, la mobilisation citoyenne qui doit l’accompagner pour aller de l’avant.

I -Transformer le Parti de Gauche

Cette question appelle, en tant que telle, un texte spécifique en lien avec notre congrès. Disons-le tout net sans saut qualitatif le PG aura bien du mal à répondre à tous les défis. Et cela concerne les différentes dimensions de son action, de ses conceptions programmatiques et organisationnelles.

Notre prochain congrès aura, de ce point de vue, plusieurs défis à relever.

Il adoptera, à l’issue d’un débat interne de plusieurs mois et de forums ouvert aux forces intéressées par notre démarche, un texte de référence ambitieux — « Lignes d’Horizon » — qui tracera le cadre de pensée et d’action du PG. Les questions de conception du parti, de pratiques militantes, de fonctionnement démocratique (dont la désignation des candidats) seront débattues et traitées notamment dans le cadre de la réforme générale des statuts. La dimension internationale de notre démarche, consubstantielle de notre identité, sera également un point important de notre résolution d’orientation politique.

Ces débats, comme notre parti, nous sommes prêts à les partager avec d’autres. Nous nous adressons en particulier à tous les courants et militant(e)s de la gauche antilibérale en recherche d’un cadre d’action (communistes unitaires et courant unitaire du NPA, écologistes de gauche, et autres) afin d’étudier ensemble les moyens de coorganiser nos prochaines initiatives, y compris notre congrès. La jonction avec les camarades de la Gauche écologiste réunis autour de Martine Billard est un bon exemple d’une coopération réussie.

CONCLUSION

La sévère défaite électorale de la droite délégitime le pouvoir et sa prétention à poursuivre sa politique.

L’affaiblissement de Nicolas Sarkozy qui en résulte ouvre un nouveau cycle politique. La question d’une alternative programmatique au libéral-conservatisme se pose avec une acuité accrue.

Cela nous oblige plus que jamais à répondre à la construction d’une nouvelle majorité capable de porter le programme de rupture qui comprend les attentes populaires.

Même face à un Président discrédité, la gauche ne peut s’en remettre à un simple mécanisme d’alternance pour arriver au pouvoir. Non seulement il ne permet pas de battre la droite sur la durée - ce qui suppose de la contester à partir d’un véritable projet alternatif – mais il ne constitue aucunement l’assurance d’une victoire en 2012 comme l’a démontrée la séquence ouverte par la victoire de la gauche aux Régionales de 2004 et close par sa défaite en 2007.

La crise politique qui s’ajoute aujourd’hui à la crise sociale peut en effet fort bien déboucher sur d’autres scénarios : recours venant de droite, montée et dédiabolisation du Front national ouvrant une restructuration des alliances à droite sur le modèle italien, troisième homme… Pour battre la droite, la gauche doit impérativement remobiliser les classes populaires. Elle n’y parviendra qu’avec des propositions politiques permettant de changer profondément la société et les conditions de vie de nos concitoyens, à commencer par les plus défavorisés. Le Parti Socialiste et Europe Ecologie ne portent pas cette orientation.

Parce que lui seul pose clairement la question de la rupture avec l’organisation du système capitaliste, le Front de Gauche a donc un rôle primordial dans la période à venir. Il faut à la fois répondre à l’aspiration à l’unité de la gauche pour battre la droite, tout en travaillant à changer la donne à gauche pour y supplanter le social-libéralisme et l’écolibéralisme aujourd’hui dominants. Cela doit combiner l’unité la plus large pour combattre les projets de la droite et la confrontation politique à gauche sur les questions programmatiques. Par son enracinement dans les luttes, le Front de Gauche doit créer les conditions de rassemblement de toutes les énergies autour d’un programme transformateur appuyé sur le mouvement social et les nouvelles formes de militantisme.

Du poids que le Front de Gauche parviendra à prendre à gauche, dépendra l’évolution de celle-ci voire même ses chances de victoires. La question n’est donc pas aujourd’hui de prendre une (petite) place au sein de la nouvelle alliance de la « gauche solidaire » en faisant abstraction du clivage maintenu à gauche entre les lignes d’accompagnement et de transformation. Cela aurait pour effet immédiat de subordonner la seconde à la première. Il est, au contraire et toujours, de contester l’hégémonie du social-libéralisme en son sein en lui opposant une alternative de rupture.

Le Front de Gauche doit pour cela continuer à reposer sur ses trois piliers :

- autonomie vis-à-vis du PS et d’Europe Ecologie par la présentation de candidatures indépendantes au premier tour des élections à venir permettant aux citoyens de choisir entre les deux voies présentes à gauche : transformation ou accompagnement

- rupture avec les politiques libérale et social-libérale et donc avec les logiques capitaliste et productiviste, par la défense d’un programme de mesures d’urgences en rupture avec le système et par la mise en perspective d’un nouveau projet d’émancipation et de progrès humain

- unité de la gauche au second tour pour battre la droite

Le Front de Gauche doit gagner en crédibilité et donc dépasser le statut de simple cartel électoral pour s’exprimer et s’affirmer comme force politique répondant en commun aux défis sociaux, environnementaux et démocratiques. Il pourra alors rassembler une partie des classes populaires qui ont aujourd’hui recours à l’abstention et même de constituer le seul antidote efficace à la remontée du Front National. Pour nous, dans la crise qui déferle, le Front de Gauche doit constituer un recours pour le pays et ce dès les prochains rendez-vous qui décideront de son avenir. C’est le sens de notre proposition de « paquet » : engagement à présenter des candidatures communes aux élections cantonales, présidentielles, législatives sur la base d’un programme commun (plateformes partagées) et d’une stratégie commune. Cette proposition politique devrait être une évidence pour toutes les composantes du Front de Gauche. Quel sens aurait notre rassemblement s’il ne s’inscrivait pas dans la durée et s’il renonçait à affronter ensemble les combats à venir ?

C’est sur ces bases que le Front de Gauche doit s’affirmer son ambition à gouverner le pays. L’enjeu des années à venir, état d’urgence politique, c’est une majorité pour un gouvernement de Front de Gauche. Que disons-nous ainsi ? D’abord que nous voulons marier la leçon des gouvernements de gauche précédents et des causes de leur divorce avec les milieux populaires. Ensuite que nous voulons-nous préparer à gouverner avec un haut niveau d’implication populaire dans les taches de la révolution citoyenne qu’il faut conduire en France. De cette façon, tout en confirmant notre engagement pour la solidarité de toute la gauche au second tour, nous militons pour être en tête de la gauche et en capacité d’appliquer notre programme de rupture.

Ces propositions mises en débat publiquement, il reste évidemment nécessaire de faire vivre et élargir le Front de Gauche sans tarder. Cela passe par son engagement, en tant que tel, auprès des mobilisations sociales à commencer par les retraites. C’est au coeur des luttes sociales et des résistances que doit s’organiser immédiatement l’élargissement du Front de Gauche au plan local comme national avec tous les partis et les forces qui ont fait campagne dans les listes de l’Autre gauche et plus largement avec tous les acteurs des mouvements sociaux et des luttes écologiques. C’est pourquoi, à l’issue de ce CN, nous lançons à la fois une adresse à toutes les organisations de l’autre Gauche pour que nous construisions ensemble le Front de Gauche (élargi). Nous proposons également de susciter en son sein des fronts thématiques (de type « Front de Gauche des économistes » initié au moment des Européennes) et des comités de base se mettent en place, y compris avec, là où c’est possible, des mécanismes d’adhésions directes à commencer par les régions où l’unité de l’Autre gauche a été la plus forte.

Nous sommes entrés dans un nouveau cycle politique profondément instable. Les scénarios du pire côtoient les plus grandes opportunités. Nous pouvons jouer un rôle essentiel dans le dénouement de cette crise si nous savons forger un instrument politique cohérent, ouvert, capable de se hisser au niveau du moment historique en échappant aux calculs partisans. C’est ce à quoi les militants du Parti de Gauche vont consacrer leur énergie. Plus que jamais le parti de Gauche, parti creuset, est le levier essentiel de cette ambition politique et doit donc se renforcer dans le même temps pour plus d’efficacité.

Bagnolet, 10 - 11 avril 2010


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