Les cinq ans du pontificat de Benoît XVI : cinq ans de polémiques et de maladresses (article du Monde)

mercredi 21 avril 2010.
 

De crise en crise. Tel semble aller le pontificat de Benoît XVI, élu pape le 19 avril 2005. Au bout de cinq ans, celui que l’on présentait comme un pape de transition semble s’installer dans un pontificat chahuté. Plusieurs de ses décisions et de ses déclarations ont connu un retentissement que la personnalité réservée, voire effacée, de ce « vieux » pape au charisme incertain - il a fêté ses 83 ans vendredi 16 avril - ne laissait pas présager.

L’an dernier déjà, l’anniversaire de son élection avait été obscurci par une avalanche de polémiques. Levée de l’excommunication d’évêques intégristes, propos controversés sur le sida, silence après l’excommunication de médecins qui avaient procédé à l’avortement sur une fillette brésilienne violée : en quelques semaines, ces affaires avaient fragilisé l’Eglise, troublé les croyants et souligné la difficulté du Vatican à prendre en compte les réalités politiques et humaines.

Cette année encore, la période est marquée par la confusion dans laquelle se trouve l’Eglise après la révélation en cascade de scandales de pédophilie et du fait de sa communication défaillante autour de ces affaires. « C’est un pontificat tragique », juge l’historien Philippe Levillain.

Les crises qui s’enchaînent sont de plusieurs ordres. Certaines sont révélatrices d’un repli de l’Eglise, déconnectée du monde : ainsi la main tendue aux évêques intégristes, pourfendeurs de l’Eglise « moderne » issue du concile Vatican II, est demeurée incomprise au sein même d’une partie du monde catholique européen. Soucieux de résorber le dernier schisme dans l’histoire du catholicisme et de mettre tout en œuvre pour restaurer « l’unité de l’Eglise », le pape n’a pas mesuré le rejet de cette décision.

Les propos négationnistes d’un des évêques concernés, Mgr Williamson, condamné, vendredi 16 avril, à 10 000 euros d’amende par un tribunal allemand, ont fini de saper la légitimité d’une telle initiative. De même, l’insistance de Benoît XVI à promouvoir la béatification du pape Pie XII, controversé pour son attitude durant la Shoah, a trouvé peu de défenseurs.

D’autres controverses relèvent de ce que ses partisans appellent « l’exigence » intellectuelle de Benoît XVI. Son discours de Ratisbonne, en septembre 2006, semblant établir un lien intrinsèque entre islam et violence, fait partie de ces crises provoquées par le pape lui-même. Un pape théologien, professoral, un pape de l’écrit, mal adapté aux modes de communication actuels. Plus à l’aise dans la longueur et la complexité que dans la geste médiatique, Benoît XVI a publié trois encycliques, dont la dernière, sur la doctrine sociale n’a sans doute pas eu l’écho escompté.

D’autres crises (sida, pédophilie) ont montré la propension de l’institution à crier au « complot » ou à « l’antichristianisme » lorsque le message de l’Eglise ne passe pas. Or le discours insistant de l’institution sur la morale sexuelle est devenu, au fil des générations, de moins en moins audible ; et les affaires de pédophilie vont affaiblir sa crédibilité sur ces questions.

Ces épisodes mettent aussi en cause un système de gouvernement hypercentralisé, inadapté à un monde globalisé et réactif, dont les dysfonctionnements sont symbolisés par les problèmes récurrents de communication.

Pas plus que ses prédécesseurs, Benoît XVI ne s’est attaqué à la réforme de la curie, dont les principaux responsables sont des hommes de plus de 75 ans. Ils ne voient le pape qu’à intervalles irréguliers et fonctionnent de manière cloisonnée, sans partager toujours les mêmes vues sur les dossiers. Ce mode de gouvernement donne parfois lieu à des déclarations contradictoires, obligeant à des excuses ou à des désaveux. La main tendue aux intégristes et la gestion des affaires de pédophilie sont deux exemples des tiraillements au sommet de la hiérarchie catholique.

L’absence de mixité sociale, générationnelle ou sexuelle parmi les responsables d’une Eglise composée d’un milliard de personnes accentue le fossé qui semble se creuser entre l’Eglise incarnée par Benoît XVI et les sociétés sécularisées. D’autant que les polémiques à répétition ont occulté des voyages politiques plutôt réussis en Afrique et en Terre sainte, de même que le discours, toujours bien perçu, de l’Eglise sur la paix et le soutien aux plus pauvres et aux immigrés.

« Sa volonté de revenir à un pontificat plus modeste, axé sur les fondamentaux de l’enseignement de l’Eglise achoppe sur ces affaires successives », constate l’historien Jean-Dominique Durand. « En essayant de poser les bases d’une Eglise plus saine, il soulève davantage de problèmes qu’il n’en résout », regrette aussi M. Levillain.

La tourmente pédophile laissera des traces difficiles à évaluer. Il reviendra au successeur de Benoît XVI de tirer les conséquences de ce traumatisme et d’ouvrir la réflexion sur des sujets (fin du célibat imposé aux prêtres, redéfinition de la place des laïcs et des femmes dans l’Eglise, collégialité et transparence, nouveau concile...) que le pape n’a sans doute ni l’envie ni le temps d’aborder.

Stéphanie Le Bars

TOURNANT DANS LA GESTION DES ABUS PAR L’EGLISE DE FRANCE

Après la publication, sur le site catholique français golias.fr, d’une lettre de 2001 adressée par le cardinal Castrillon Hoyos - alors préfet de la Congrégation pour le clergé - à Mgr Pierre Pican, évêque de Bayeux, le félicitant de ne pas avoir dénoncé un prêtre pédophile, le porte-parole du Vatican a déclaré, jeudi 15 avril, que « cette lettre ne représente pas la ligne du Saint-Siège ». « Ce document est la preuve de l’opportunité de placer sous la compétence de la Congrégation pour la doctrine de la foi les cas d’abus sexuels » afin de « garantir une conduite rigoureuse et cohérente au sein de l’Eglise », a-t-il précisé.

L’affaire impliquant Mgr Pierre Pican, condamné à trois mois de prison avec sursis pour n’avoir pas dénoncé l’abbé Bissey, condamné à dix-huit ans de réclusion pour viol sur mineur, a constitué un tournant dans la gestion par l’Eglise de France des cas d’abus sexuels commis par des religieux.

Le diocèse de Rotterdam signale un cas d’abus sexuel à la police

Le diocèse de Rotterdam a signalé à la police, vendredi 16 avril, le cas d’un prêtre catholique néerlandais soupçonné d’abus sexuels, qui a été suspendu de ses fonctions.

Cette initiative rare fait suite à la publication, quatre jours plus tôt, de la marche à suivre en pareil cas sur le site Internet du Vatican. Le Saint-Siège y recommande clairement aux évêques d’alerter les forces de l’ordre.

Le prêtre soupçonné, dont l’identité n’a pas été communiquée, est le quatrième à être suspendu depuis que l’Eglise néerlandaise a réclamé en mars une enquête indépendante après la multiplication des cas.

LE BARS Stéphanie


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message