Grande Bretagne "Nous avons besoin depuis longtemps d’un parti à gauche du Labour" (Ken Loach)

mardi 18 mai 2010.
 

Le drame est que bien des vieux leaders de la gauche et de l’extrême gauche font partie du problème. Ils sont incapables de se débarrasser de leurs sectarismes. X refuse de travailler avec Y et Y refuse de travailler avec Z. Il est donc urgent de faire émerger une nouvelle génération de militants et de syndicalistes qui partiront, eux, de la nécessité de se fédérer pour servir les intérêts des ouvriers, qui ne sont pas les mêmes que ceux des patrons.

En 2006, Ken Loach a obtenu la palme d’or lors du 59e Festival de Cannes pour le Vent se lève. Il se situe très à gauche sur l’échiquier politique britannique. Il travaille en ce moment à Londres sur la postsynchronisation de son dernier film Route Irish, qui traite des suites de la guerre en Irak.

Quels sont les enjeux des législatives   ?

Ken Loach.

Ce qui est en jeu c’est une différence de degrés, pas une différence de fond. Les trois grands partis veulent faire payer la crise aux ouvriers et ils conduiront la société vers plus de chômage et de récession. Ils feront des économies sur le dos des services publics et des privatisations, ce qui entraînera encore de l’insécurité, des salaires réduits, une dégradation des conditions de travail. Tout cela est uniquement une question de degrés. Les conservateurs, s’ils sont au pouvoir, feront des économies encore plus sévères. Les travaillistes essayeront de les atténuer mais ils ont le même diagnostic du mal qui ronge le pays. Ce qui manque, c’est une volonté de contester le système pour le transformer.

Est-ce que vous diriez que le parti travailliste mériterait de perdre 
ces élections  ?

Ken Loach.

Ils nous ont entraînés dans une guerre illégale qui a provoqué la mort de centaines de milliers d’Irakiens et est responsable de toutes les catastrophes qui s’abattent sur leur pays. Les travaillistes au pouvoir ont suivi la politique thatchériste des privatisations et ils n’ont pas restitué les droits syndicaux. Ils ont gouverné pour les intérêts du grand capital. Aujourd’hui, l’alternative qui nous est présentée est pire encore. Nous avons besoin depuis longtemps d’un parti à gauche du Labour.

Cette gauche aurait-elle un avenir selon vous  ?

Ken Loach.

Le drame est que bien des vieux leaders de la gauche et de l’extrême gauche font partie du problème. Ils sont incapables de se débarrasser de leurs sectarismes. X refuse de travailler avec Y et Y refuse de travailler avec Z. Il est donc urgent de faire émerger une nouvelle génération de militants et de syndicalistes qui partiront, eux, de la nécessité de se fédérer pour servir les intérêts des ouvriers, qui ne sont pas les mêmes que ceux des patrons.

Et le rôle des Verts dans 
cette situation  ?

Ken Loach.

Je pense que les Verts se sont déplacés à gauche, 
ce qui est bien. Je suis heureux que Caroline Lucas décrive son parti comme une formation de « gauche plus » et j’espère qu’elle sera élue à Brighton. Je ne crois pourtant pas que les Verts représentent un substitut pour un parti socialiste. J’espère également que George Galloway et les autres candidats du parti Respect auront du succès. Galloway a été le seul député travailliste à quitter le parti pour protester contre la guerre en Irak.

Vos films traitent des questions sociales. Quelle est l’urgence 
de ce point de vue aujourd’hui  ?

Ken Loach.

Il y en a tant. Le logement, bien sûr. Et la santé. Par ailleurs la privatisation des services publics est un grand danger. Les grands groupes menacent tous les aspects de la vie. Et puis il y a la politique étrangère, le sujet est énorme, avec des guerres illégales, des occupations illégales, des guerres ingagnables.

Le gouvernement travailliste a reçu des louanges pour le soutien qu’il a accordé à l’industrie cinématographique en Grande-Bretagne. Partagez-vous cette appréciation  ?

Ken Loach.

Le problème majeur dans notre pays, et dans 
la plupart des autres pays, est 
le contrôle des cinémas. 
Le gouvernement a soutenu un peu la production de films, mais il n’a rien fait concernant leur distribution. Si une grande variété de films peut être distribuée on sera très contents. Mais partout la distribution est dominée par les grands conglomérats américains qui décident qui verra quoi. Ils croient au marché, et le marché se moque de ce que les gens puissent accéder à une grande diversité de films.

Entretien réalisé par Peter Avis


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