Déclaration finale du Sommet des Peuples « Enlazando Alternativas IV »

samedi 29 mai 2010.
 

Les réseaux, les plates-formes et les organisations d’Europe, d’Amérique latine et des caraïbes, réunis à Madrid du 14 au 18 mai, lors du Sommet des Peuples Enlazado Alternativas IV, revendiquons notre droit à proposer des alternatives au modèle néo-libéral et aux traités de libre-échange et croyons en notre capacité à construire un dialogue politique et social entre les peuples.

Nous sommes immergés dans une crise de civilisation qui affecte toute la planète mais ce sont les groupes sociaux les plus vulnérables et les peuples du Sud qui en supportent en ce moment la charge la plus lourde. Alors que des millions de travailleurs et de travailleuses ont perdu leur travail, s’engouffrant ainsi dans la pauvreté et la précarité, le système financier génère des bénéfices par milliards avec l’appui des États du Nord.

La crise économique mondiale est loin d’être résolue et les plans de sauvetage ont conduit à défendre les intérêts du grand capital, comme le démontrent les récentes mesures d’ajustement structurels exigées à la Grèce par l’Union Européenne(UE) et les annonces faites par l’Espagne et le Portugal. L’Histoire de l’Amérique Latine et des Caraïbes prouve l’impact dévastateur de ces politiques de réduction des dépenses publiques, de privatisations et de dérégulation économique.

Au moment où l’on célèbre le bicentenaire du début des luttes pour l’indépendance dans plusieurs pays d’Amérique Latine et des Caraibes, l’UE propose « une alliance » stratégique qui suppose un retour en arrière. La création d’une « Zone Euro-Latino-Américaine d’Association Global Inter-régional », s’appuie sur l’approbation d’une série d’accords de libre-échange pour protéger les intérêts des multinationales européennes en Amérique-Latine et amenuise les possibilités d’une intégration régional et bi-régional sur de nouvelles bases.

En Amérique-Latine et dans les Caraïbes, de nombreux gouvernements de la gauche progressiste, sensibles aux exigences des mouvements populaires, ont surgit. Ils cherchent des chemins alternatifs de développement plus adaptés à leurs réalités locales, et défendent leur souveraineté nationale. La droite mondiale, en même temps qu’elle tente de déprécier et de déstabiliser ces gouvernements, continue de prêcher pour des politiques de coupes néo-libéral vantées par des multinationales européennes ( plusieurs venant d’Espagne et pratiquant en Amérique Latine et dans les Caraibes), comptant sur le soutien de l’UE. Des stratégies telles que « L’Europe Globale : être compétitif dans le Monde » ou « Europe 2020 » vont continuer à générer des coûts sociaux élevés et à aggraver les inégalités entre États et à l’intérieur de chaque pays.

En Europe, avec le Traité de Lisbonne, un modèle d’intégration anti-démocratique et capitaliste s’est vue consolidé. La privatisation des services publiques conjuguée à l’affaiblissement des droits sociaux et ceux des travailleurs renforce « l’Europe Forteresse », d’aspect militaire, répressif et exclusif, au détriment d’une Europe sociale.

Devant ces réalités, l’organisation, la résistance, la dignité, la solidarité et la mobilisation sociale sont et seront des facteurs essentiels pour le soutien des réussites en Amérique Latine et dans les Caraïbes, pour empêcher un retour en arrière et gagner du terrain tant en Amérique-Latine et aux Caraïbes qu’en Europe. Notre stratégie de lutte et de résistance commune se fonde sur la solidarité entre nos peuples, pour la construction d’une société dans laquelle les droits du travail, les droits économiques, politiques, syndicaux, sociaux et environnementaux seraient la priorité et la raison d’être des politiques gouvernementales.

Dans ce sens :

1.Nous rejetons énergiquement les traités de libre échange, les accords d’Association (AdAs) et les Traités bi-latéraux d’Investissement (APPRIs)- qui ont fait l’objet de pactes entre quelques gouvernements Latino-Américains et Européens, négociés dans le dos et contre les intérêts de nos peuples. Nous rejetons tout particulièrement l’Accord d’Association UE Cariforum, la signature de traités avec la Colombie, le Pérou et l’Amérique centrale ainsi que la reprise des négociations avec le Mercosur.

2.Nous refusons que la coopération au développement fasse partie de ces accords au service des intérêts économiques privés. Nous voulons une coopération qui renforce la capacité des acteurs sociaux et des États pour concevoir et mettre en place des politiques visant à combattre l’injustice sociale.

3.Nous rejetons la mise en place de plans d’ajustement structurel et l’intervention du FMI dans les Pays d’Europe et d’Amérique Latine et des Caraïbes pour faire face à la crise économique. Nous revendiquons un moratoire immédiat sur le paiement de la dette publique et la réalisation d’auditoires pour l’annulation des dettes illégitimes.

4.Nous continuerons à chercher des solutions réelles à la crise environnementale et climatique, basées sur la justice climatique et sur la nécessité de changer le système, car il provoque la destruction de la planète. Afin de freiner le changement climatique, l’UE doit réduire de façon conséquente ses émissions de gaz à effet de serre sur le plan domestique. Nous réclamons aux gouvernements européens de payer les dettes écologiques qu’ils accumulent avec les peuples du Sud, y compris d’Amérique-Latine et des Caraïbes, pour le financement de la mitigation et la survivance au changement climatique. Face à l’échec du Sommet sur le Climat de Copenhague, nous nous sommes engagés à mettre en place des propositions lors de la « Conférence Mondiale des Peuples sur le Changement Climatique et les droits de la Terre-Mère », à Cochabamba en Avril 2010, par exemple : la création d’un tribunal de justice climatique.

5.Nous soutenons toutes les luttes des mouvements paysans d’Amérique-latine, des Caraïbes et d’Europe pour la souveraineté alimentaire des Peuples, la réforme agraire, contre l’agriculture transgénique et pour défendre leurs territoires. L’agriculture paysanne, familiale et de petite taille fait vivre les peuples et refroidit la planète.

6.Nous poursuivrons la lutte pour la démocratie participative, directe et plurielle et nous nous opposerons à toute action pour l’entraver. Nous soutenons les luttes contre l’impunité et oeuvrons pour que justice soit rendue aux victimes des génocides. Nous rejetons la criminalisation de la protestation sociale.

7.Nous exigeons la rupture des relations diplomatiques et financières avec le gouvernement de Porfirio Lobo au Honduras, déjà rejeté par plusieurs gouvernements. Ledit gouvernement est né d’un coup d’Etat, élu dans des conditions anti-démocratiques et maintenu au prix de la répression des mouvements sociaux et de la violation des droits humains. Nous appuyons la lutte du Front de Résistance Populaire du Honduras et sa lutte pour une Assemblée constituante.

8.Nous refusons la militarisation et cette vision qui ignore la capacité du peuple Haïtien à définir son propre destin, sous-prétexte d’aide humanitaire. Nous exigeons le respect de la souveraineté du peuple Haïtien, l’annulation de la dette externe de ce pays et le paiement des réparations.

9.Nous exigeons de l’UE qu’elle retire sa « Position commune » contre Cuba.

10.Nous répudions les politiques appliquées par l’UE en matière d’immigration parce qu’elles menacent gravement la démocratie et la paix entre nos peuples en encourageant la xénophobie et le racisme. Nous soutenons et participons aux luttes des mouvements et des réseaux de migrants contre « l’ Europe forteresse », avec ses camps d’Internements pour Étrangers (CIE) et sa « Directive Retour » justement appelée « la directive de la honte ». Cette politique migratoire représente l’autre face de l’Europe du Capital.

11.Nous dénonçons la militarisation de nos continents et en particulier le caractère belliciste du gouvernement de Colombie. L’installation de 7 bases militaires des Etats-Unis dans ce pays représente une menace pour la paix et la stabilité dans la région. Nous renouvelons notre condamnation de la politique de l’UE en Afghanistan sous l’égide de l’OTAN et des millions dépensés pour soutenir une machinerie de guerre qui pourrait être employés pour des priorités sociales.

12.Nous soutenons la lutte du peuple grec pour la défense de ses droits, représentant les droits de tous les peuples européens.

13.Nous nous engageons à oeuvrer pour la consolidation d’un espace politique solidaire - auquel participerait une grande diversité de mouvements sociaux, économiques, sociaux et politiques- plaidant pour une intégration sociale, économique, générique, politique, environnemental et culturel, et qui soit une alternative à celle que propose l’UE et plusieurs gouvernements d’Amérique-latine et des Caraibes.

14.Nous nous engageons à renforcer nos luttes contre le pouvoir corporatiste et à ouvrir une nouvelle étape de travail au sein du Tribunal Permanent des Peuples Enlazado Alternativas IV, vers la constitution d’un instrument international inaliénable pour juger les crimes économiques. La session du Tribunal Permanent des Peuples (TPP), « L’Union Européenne et les Transnationales en Amérique Latine. Politiques, Instruments et Acteurs » y a contribué.

15.Nous soutenons et participons aux luttes que livrent les communautés afro-descendantes, les femmes, les jeunes et les exclus d’Amérique Latine et d’Europe qui, en ce moment-même, souffrent le plus des effets de la crise.

16.Nous faisons nôtres les luttes et les revendications des peuples originaires pour le « bien vivre », la création d’Etats plurinationaux, la reconnaissance et la défense des droits de la Terre-Mère, qui répondent au besoin de développer des modes de consommation et de production durables, responsables et justes.

17.Nous saluons les engagements pris par les gouvernements d’Amérique Latine et des Caraïbes pour rompre avec des siècles de dépendance économique, de pillage des ressources naturelles et de spoliation de territoires.

18.Nous appelons les peuples européens à se lever pour construire une autre Europe. Nous remercions les membres des collectifs de l’Etat espagnol pour leurs efforts et leur aide dans la réalisation de notre Sommet des Peuples Enlazado Alternativas IV et disons bienvenue aux camarades qui désormais, sont disposés à préparer le cinquième Sommet des Peuples Enlazado Alternativas prévu pour 2012.

Nous dédions ce Sommet des Peuples à la mémoire de l’activiste indigène Betty Cariño, qui fut assassinée à Oaxaca (México), le 27 avril dernier, pour son combat contre les transnationales minières. Nous rendons cet hommage pour tous les hommes et femmes assassinés pour leur lutte sociale et politique, ainsi qu’à toutes les victimes du modèle néo-libéral injuste et exclusif en Amérique-latine, dans les Caraïbes et en Europe.

Madrid, le 16 mai 2010

Sommet des Peuples "Enlazando Alternativas"

Traduit de l’espagnol par Guillaume Beaulande


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