L’affaire Bettencourt Woerth tourne au scandale fiscal et politique

vendredi 25 juin 2010.
 

La milliardaire Liliane Bettencourt aurait disposé de comptes bancaires non déclarés en Suisse pour un montant de près de 80 millions d’euros, ainsi qu’une île aux Seychelles, selon des enregistrements clandestins de conversations.

Révélés par le site Médiapart, qui en a publié des extraits, ces enregistrements réalisés par un ex employé de la milliardaire, mettent en scène le gestionnaire de fortune de l’héritière L’Oréal, Patrick de Maistre. Lequel déclare : "Il faut qu’on arrange les choses avec vos comptes en Suisse. Il ne faut pas que l’on se fasse prendre avant Noël".

Un accord fiscal entre la France et la Suisse, qui devait initialement entrer en vigueur le 1er janvier 2010, aurait permis au fisc français de demander aux autorités helvétiques la levée du secret bancaire en cas de fraude présumée. Mais la ratification a pris du retard en raison d’un contentieux entre les deux pays sur une liste de contribuables français ayant des comptes cachés en Suisse, récupérée par la France.

Après avoir fait référence à cet accord fiscal, M. de Maistre assure à l’héritière de L’Oréal : "Je suis en train de m’en occuper et de mettre un compte à Singapour. Parce qu’à Singapour, ils ne peuvent rien demander".

Selon cette conversation enregistrée par le maître d’hôtel de Mme Bettencourt, ce compte bancaire en Suisse "est de 12 ou 13 millions". "Et vous en avez un autre, paraît-il, beaucoup plus important", ajoute M. de Maistre.

"Je suis allé voir ce compte à Vevey (canton de Vaud) où vous avez quand même 65 millions d’euros", annonce le gestionnaire à la milliardaire lors d’un rendez-vous trois semaines plus tard, le 19 novembre, toujours selon Médiapart.

"Il faut que l’on enlève ce compte de Suisse (…) Je suis en train d’organiser le fait de l’envoyer dans un autre pays, qui sera soit Hong Kong, Singapour ou en Uruguay (…) Comme ça, vous serez tranquille", explique Patrick de Maistre, selon cet extrait retranscrit par le site internet.

Interrogé par l’AFP au sujet de ces informations, le ministère du Budget n’a fait aucun commentaire.

Une plainte pour "atteinte à la vie privée", "vol" et "faux témoignages" a été déposée vendredi au parquet de Nanterre par Liliane Bettencourt.

une île des Seychelles

Liliane Bettencourt serait également la propriétaire d’une île des Seychelles, D’Arros, qu’elle n’aurait toutefois pas déclarée au fisc français. Le site internet du Conseil national du tourisme seychellois indique que D’Arros fait partie du groupe des Amirantes, située à 255 kilomètres au Sud-Ouest de la capitale, Mahé. Selon ce site officiel, l’îlot a été racheté par le prince iranien Shahram Pahlavi-nia en 1975, avant d’être cédé en 1998 "à un nouveau propriétaire privé", qui n’est pas nommé.

Le point de départ de l’affaire est le procès qui oppose Liliane Bettencourt à sa fille Françoise, qui estime que sa mère est sous influence et n’a plus toutes ses facultés. C’est dans ce contexte que les enregistrements lui ont été remis.

Woerth dément Le ministre du Travail, Eric Woerth, s’est défendu d’être intervenu pour la situation fiscale de Liliane Bettencourt ou d’avoir reçu de l’argent de la femme la plus riche de France.

Dans un communiqué, le ministre estime que ces allégations visent à porter atteinte à sa réputation, "au moment où, en tant que ministre du Travail", il présente la réforme des retraites, "ce qui ne me semble pas relever du hasard."

Le nom d’Eric Woerth apparaît à plusieurs reprises dans les enregistrements, au côté de celui de son épouse, Florence, qui travaillait alors pour Clymène, société chargée de gérer le patrimoine de l’actionnaire principale du géant des cosmétiques.

Les enregistrements remis à la police laissent présumer des interventions de l’entourage de Nicolas Sarkozy en faveur de Liliane Bettencourt dans le procès qui l’oppose à sa fille, ainsi que des dons financiers à plusieurs personnalités de la majorité, dont Eric Woerth et Valérie Pécresse.

Evoquant les propos selon lesquels il serait intervenu pour la situation fiscale de Liliane Bettencourt, le ministre assure : "Ce sont des allégations totalement dénuées de fondement. Elles sont d’autant plus ridicules que je rappelle qu’en tant que ministre du Budget j’ai mené une lutte acharnée contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux."

De même, Eric Woerth dément avoir imposé sa femme dans la société Clymène. "Jamais, en aucune façon, je ne suis intervenu pour que mon épouse obtienne ce poste. Florence Woerth est entrée chez Clymène par choix professionnel, grâce à sa formation et à son expérience", dit-il. Les enregistrements dévoilés par Mediapart laissent au contraire entendre une requête du ministre.

Enfin, le ministre assure que les allégations selon lesquelles sa femme ou lui aurait reçu de l’argent de Liliane Bettencourt sont "totalement dénuées de fondement".

Dans la matinée, sur RTL, Eric Woerth, qui est trésorier de l’UMP, avait cependant jugé "possible qu’il y ait eu des dons dans le cadre de la campagne" pour les élections régionales des 14 et 21 mars 2009".

"La loi le permet. Tout Français peut contribuer à la vie d’un parti politique", a-t-il dit. La ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, était la candidate de la majorité en Ile-de-France.

Dans l’un des enregistrements, Patrice de Maistre s’adresserait à Liliane Bettencourt en ces termes :

"Elle (Valérie Pécresse) va perdre, mais il faut que l’on montre votre soutien. Le deuxième, c’est le ministre du Budget (Eric Woerth à l’époque-NDLR). Il faut aussi l’aider. Et le troisième, c’est Nicolas Sarkozy", dit le gestionnaire.

La garde à vue de l’ancien employé de Liliane Bettencourt à l’origine d’enregistrements clandestins a été prolongée jeudi de 24 heures.

Cet homme a enregistré clandestinement pendant plusieurs mois en 2009 des conversations entre sa patronne et d’autres personnes, notamment son gestionnaire de fortune.

Une procédure a été ouverte par le parquet de Nanterre pour "atteinte à la vie privée", ce qui pourrait valoir des poursuites à cet homme.

Françoise Meyers-Bettencourt, fille de la milliardaire, a remis les enregistrements à la police. Elle cherche depuis deux ans à faire condamner pour "abus de faiblesse" un photographe, François-Marie Banier, à qui sa mère, âgée de 87 ans, a fait don de près d’un milliard d’euros.


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