Derrière Kerviel, c’est un système qu’il faut condamner

mardi 29 juin 2010.
 

Le procès de Jérôme Kerviel, trader à la SG, a un mérite. Il remet sur le devant de la scène des questions autour des opérations qui se sont développées depuis 30 ans dans la sphère financière.

Bien entendu, aucune des postures en présence dans ce procès ne permet d’éclairer utilement les questions posées par le développement du trading et de la financiarisation. Ni la thèse de Kerviel, ni celle de la Société Générale.

La première des questions relève des politiques de contrôle. Toutes les activités des banques font l’objet de contrôles. Mais ceux-ci ont des limites, celles des coûts.

Ce qu’a mis en évidence l’affaire Kerviel c’est que les contrôles des opérations réelles ou fictives passées, leur montant, leur objet étaient totalement insuffisants. Pour une raison simple, c’est que le contrôle d’opérations complexes suppose des salariés formés, ayant une qualification semblable à celle des traders, des effectifs suffisants et une mise en commun des informations des différents contrôleurs.

A la SG, comme ailleurs (car d’autres banques ont essuyées des pertes sur des activités de leurs salles de marché), les contrôles sont insuffisants faute des moyens humains nécessaires, de niveau de qualification … Cela relève d’un arbitrage des banques. Mettre les moyens de contrôle c’est faire baisser la rentabilité des opérations financières. Et quand on souhaite une rentabilité de 20 ou 30 %, on comprend mieux que les coûts soient comprimés au profit de l’espoir d’un comportement vertueux des salariés des salles de marché

La seconde question, c’est celle des niveaux et des modes de rémunérations des salariés concernés. Ceux du back-office en charge des contrôles sont nettement plus bas que ceux des salles de marchés. Ces derniers bénéficient de bonus qui dépendent largement des profits qu’ils font réaliser à la banque. C’est un pousse au crime. Plus les profits sont élevés, plus les bonus le sont. Leur report, leur versement en actions ne changent peu de choses. Sans remise à plat de ces modes de rémunérations en France comme au niveau international

La troisième question est celle de la réglementation des activités concernées. Au passage, cela ne concerne pas que le secteur bancaire car telle ou telle entreprise industrielle peut spéculer sur l’euro par rapport au dollar pour en tirer un gain …

Taxer les opérations financières est évidemment le minimum, éradiquer véritablement les paradis fiscaux aussi, mais il faut aller au-delà et exiger une réglementation là où les spéculateurs, les banques, les libéraux … poussent à la seule auto régulation …

Ce ne sont pas les traders, ni leur niveau de rémunération qui sont en cause en premier lieu, c’est un système où faute de profits suffisants sur l’activité économique réelle, l’argent est devenu une marchandise.

Les multinationales, les banques, les États … ont leurs salles de marchés et spéculent pour gérer leur trésorerie. C’est un monde qui marche sur la tête qu’il nous faut remettre à l’endroit.

Imposer de nouvelles réglementations sur les marchés, des contrôles rigoureux, recentrer les banques sur le financement de l’économie réelle suppose une volonté politique. Pourtant, en dépit de quelques discours, à l’échelle française, européenne et internationale cette volonté est loin de s’affirmer et le lobby des financiers continue à faire la loi. C’est bien de cela qu’il faut débattre !

Opposer la socialisation des moyens et la démocratie, à la main invisible des marchés et à l’opacité bancaire, tels peuvent être les principes sur lesquels développer une alternative à la situation actuelle.

par Jean-Claude Branchereau


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