Du Golfe du Mexique à l’Equateur : pétrole, dollars et protection de la planète

dimanche 4 juillet 2010.
 

Dans cette note il est question du sens de la responsabilité sociale. Je parle en premier du trou de BP dans le golfe du Mexique.

Ces gens sont capables d’aller creuser un trou à 1500 mètres sous la mer. Techniquement c’est fort. Ils en tirent des paquets de dollars sous forme de pétrole et les distribuent généreusement à d’autres gens, certes en nombre limité. Ceux là n’ont pas creusé le trou ni même eu l’idée de le faire en général et à cet endroit en particulier. Ils n’ont pas la moindre idée de qui le creuserait et pour quel salaire, ni dans quelles conditions serait réalisée l’exploitation du pétrole qui en sortirait. Ils se contentent de regarder un graphique qui établit des performances financières. Leur seul mérite est d’avoir été capables d’acheter des actions de cette société. C’est tout. Tous ces gens sont réputés par définition responsables et efficaces et même socialement performants. Arrive l’accident. Le trou se débouche. On découvre que rien n’est prévu dans ce cas. Il est juste prévu que ça ne se produise pas. Si ça se produit, on découvre alors que c’est plus difficile de boucher un trou d’où sort un liquide et du gaz sous pression que de le creuser. Donc pour ce qui est de reboucher ce fichu trou quand un accident intervient il n’y a plus personne. Les super intelligents qui creusent les trous ne savent pas les reboucher. Tout le monde est dans la mouise. Les uns affrontent la situation. Ils n’ont pas le choix. Les autres se sauvent et quittent la scène comme des lâches. Les premiers à se sauver sont les irresponsables qui possédaient des actions. Ils les revendent à belles pelletées en abandonnant tout le monde. Ceux là ne risquent rien. Sous la dénomination « marché » ou « main invisible » ils sont dispensés de toute considération d’ordre moral. Il n’est pas prévu qu’ils manifestent le moindre sens de leur responsabilité sociale, c’est-à-dire de leur responsabilité à l’égard des autres. Pire : leur irresponsabilité sociale sera considérée comme une pertinence de l’action du « marché » capable de « récompenser » ce qui marche et de « sanctionner » ce qui ne marche pas. Cette irresponsabilité sociale n’est jamais évoquée, jamais discutée. Tout le monde a été mis en cause dans les commentaires de presse et par les dirigeants de tous ordres. Jamais les actionnaires au nom desquels tout a été fait et qui pourtant sont les premiers à s’être défaussés. On n’y pense même pas à vrai dire. L’ordre social la justifie, et même l’encourage. Elle « va de soi ». C’est l’ordre établi. Son idéologie dominante le valide, c’est-à-dire masque son contenu réel. C’est dans ce contexte qu’une autre attitude se présente. Celle de l’Equateur. Une des républiques partie prenante de la révolution citoyenne qui a déferlé sur le sud des Amériques.

C’est une idée sans précédent. Jamais aucun gouvernement n’en a porté une qui soit comparable. L’Équateur propose de renoncer à l’exploitation des quelques 850 millions de barils de pétrole du Parc Yasuni. Cela représente une valeur de 5 à 6 milliards de dollars, soit 20% des réserves totales du pays. En contrepartie, le gouvernement de Raphael Correa demande à la communauté internationale une compensation. Il propose qu’elle ne représente que 50% de la manne financière que représenterait l’exploitation de ces réserves. L’idée est tellement nouvelle qu’il faut examiner chacun de ses aspects pour en comprendre la portée. Le projet Yasuni permettrait d’abord d’éviter l’émission d’environ 410 millions de tonnes de CO2. Il freine la déforestation, la pollution des sols et préserve les conditions de vie des habitants. Enfin il autorise la préservation d’une zone très riche en termes de biodiversité. Ceux qui trouve tout cela très hasardeux ou mal chiffré ou je ne sais quoi avec lequel les bons esprits refusent de sortir de leur routines intellectuelles peuvent toujours aller respirer l’air pur du golfe du Mexique !

L’Allemagne s’était engagée à financer ce projet à hauteur de 50 millions d’euros par an, sur une durée de 13 ans. Depuis, malgré le manque d’empressement des gouvernements européens, le fiasco de Copenhague et un peu de tangage sur le projet au sein du gouvernement Correa, ses émissaires ont retourné ciel et terre, et un appel a enfin vu le jour. Appel soutenu par le Parti de Gauche. La mobilisation citoyenne peut et doit prendre le relai pour faire pression sur nos gouvernements. Soutenir l’Équateur dans cette initiative d’intérêt général c’est commencer à dessiner un nouvel ordre écologique mondial et pour mieux dire tout simplement rendre concrète l’idée d’un tel ordre. Pour en savoir plus voici quelques liens. Le parc Yasuni dépend de vous. En français, donc plus maniable par le plus grand nombre de mes lecteurs Yasuni ITT una iniciativa para cambiar la historia. Et aussi un documentaire sur le projet : « une idée simple et révolutionnaire. "Une idée simple et révolutionnaire" de Laetitia Moreau. De la tribune de l’ONU, en passant par Quito, Berlin, Madrid, Bruxelles ou Copenhague, le film retrace la folle course des émissaires de Correa pour convaincre la planète, mais aussi leur propre gouvernement, que cette idée est viable.

Voici le texte intégral de l’Appel en faveur de l’Initiative Yasuni-ITT en Équateur : « Laissons le pétrole sous terre dans le parc Yasuni ! » Je crois que c’est une première dans l’histoire des relations entre les nations. « Nous, citoyens, militants pour l’environnement, collectifs et organisations écologistes, associations, partis politiques et syndicats, dénonçons l’échec du Sommet de Copenhague et appelons le gouvernement français et l’Union européenne à soutenir l’initiative Yasuni-ITT en Equateur.

Le projet ITT (sigle venant du nom des trois forages d’exploration qui se trouvent dans la zone : Ishpingo-Tambococha-Tiputini), porté par des mouvements sociaux, est une des initiatives proposée par gouvernement équatorien afin de lutter contre le réchauffement climatique global. Il s’agit de ne pas exploiter quelque 850 millions de barils de pétrole situés dans le Parc Yasuní, une réserve naturelle qui contient une des plus importantes biodiversité dans le monde et qui est habitée par des communautés indigènes d’Amazonie, les Tagaeri, les Taromenane et les Oñamenane (des peuples indigènes qui vivent en isolement volontaire et qui font partie de la nationalité Waorani) .

L’Équateur possède une économie basée principalement sur la rente du pétrole qui représente 22,2% du PIB, 63,1% des exportations et 46,6% du Budget Général de l’État, pour l’année 2008. Les réserves de l’ITT représentent environ 20% des réserves totales connues dans le pays. C’est donc une manne financière dont un pays aussi pauvre que l’Equateur ne peut se passer. Pourtant, la proposition du gouvernement équatorien est de ne pas exploiter ces réserves d’énergie fossile, alors que l’exploitation de ce pétrole lourd, pourrait rapporter à l’État entre 5 et 6 milliards de dollars (avec un prix d’environ 70 dollars le baril).

En échange, l’Équateur, partant du principe onusien de responsabilité commune mais différenciée pour les problèmes environnementaux globaux, demande à la communauté internationale une contribution à hauteur de 50% de la manne financière dont il pourrait disposer s’il exploitait ce pétrole. En effet, éviter les émissions d’environ 410 millions de tonnes de CO2, favoriser la conservation de la biodiversité en Amazonie, éviter la déforestation, respecter les droits des peuples indigènes qui habitent cette terre, apportent des bénéfices à l’humanité dans son ensemble. C’est un pas vers la reconnaissance du climat comme bien public mondial et de la dette écologique des pays les plus pollueurs.

L’échec du Sommet mondial de Copenhague qui devait aboutir à un accord contraignant sur la réduction des gaz à effet de serre, afin de prolonger le Protocole de Kyoto pour la période après 2012, nous conduit à mettre nos gouvernements devant leurs responsabilités, notamment pour qu’ils s’engagent à appuyer des initiatives existantes. Le projet ITT représente en effet une amorce de transition écologique pour aller vers un modèle alternatif de développement non productiviste et respectueux de la « Madre Tierra », de la nature, pour l’Equateur et le reste du monde.

Il ne s’agit plus de faire des discours d’intention sur les impacts du réchauffement global et du changement climatique. Le monde a besoin d’actions concrètes et de la mise en place de véritables politiques publiques en matière d’écologie, appuyées sur les mouvements sociaux et les peuples concernés. Le projet ITT, menacé aujourd’hui par l’absence d’engagements qui conforte ceux qui s’y opposent, est une des premières initiatives qui va dans ce sens-là ; il représente un exemple pour que l’économie post-pétrolière et la justice climatique deviennent réalité.

Nous appelons le gouvernement français ainsi que l’Union européenne à suivre l’exemple de l’Allemagne (qui s’est engagée à financer ce projet à hauteur de 50 millions d’euros par an, pendant 13 ans) et à apporter leur contribution, financière afin que l’Initiative Yasuni-ITT puisse se réaliser. Nous appelons aussi le gouvernement équatorien à poursuivre son projet, en lien avec les mouvements sociaux qui le portent.

Enfin, l’échec des négociations de Copenhague a montré qu’il était plus que jamais nécessaire que l’ensemble des mouvements sociaux et les sociétés se réapproprient le débat. C’est pourquoi nous nous engageons à nous mobiliser collectivement pour soutenir l’initiative Yasuni-ITT et invitons les mouvements sociaux, les mouvements écologistes et plus globalement le mouvement altermondialiste à soutenir cet appel. »


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message