La morale de Christine Lagarde et la nôtre

samedi 10 juillet 2010.
 

On voit, en cette époque de crise ( et de grande chaleur), de plus en plus de membres de ce gouvernement « sécréter de la morale en quantité double, de même que les gens transpirent davantage quand ils ont peur », comme écrivait un de mes maîtres. Cet excès de zèle moralisateur de la part de certains ministres, vient sans doute de leur volonté de mettre une distance avec leurs collègues actuellement dans l’œil du cyclone médiatique.

Il en va ainsi de Mme Christine Lagarde, Ministre des Finances, qui, réagissant notamment au comportement de M. Christian Blanc et ses factures de 12 000 euros de cigares, déclarait le 20 juin dernier, lors de l’émission RTL / Le Figaro / LCI : « le gouvernement a une obligation d’exemplarité comme pour les joueurs de l’Equipe de France ». Elle ajoutait : « Il ne faut pas d’excès, (…) il faut de la mesure et de la discipline. La discipline doit être rappelé par le chef d’équipe. »

Alors, à la suite de mon billet précédent, j’interroge à nouveau : en ne venant jamais siéger dans le Conseil d’arrondissement du 12e, Mme Lagarde a-t-elle le sentiment de faire preuve d’exemplarité ? N’a-t-elle pas l’impression de commettre elle aussi un « excès » ? Car, il faut dire les choses clairement. Est-il correct de faire la morale à Christian Blanc pour la somme de 12 000 euros, quand soi-même, on perçoit depuis mai 2008, date de son élection comme Conseillère de Paris du 12e, un total d’au moins 80 600 euros, pour rien ou presque ?

Mais, sûre d’elle, persuadée d’être la « bonne élève » du gouvernement, pressentie comme une possible Premier Ministre, Mme Lagarde se pose comme un exemple, et fait la morale. J’ai aussi lu dans la presse qu’elle a rapidement dressé une certaine distance avec son collègue Eric Woerth, en déclarant : « On aurait tout intérêt à clarifier ce qui constitue un conflit d’intérêts ». Mouais, pas très solidaire la camarade Ministre, car l’incapacité manifeste à honorer un mandat que l’on a sollicité auprès des électeurs, n’est-elle pas également une sorte de « conflit d’intérêt » ? Ou du moins un conflit de tâches, puisqu’elle ne peut mener les deux de front ? C’est un fait, Mme Lagarde ne peut être Ministre et Conseillère de Paris du 12e. Qu’elle en tire les conséquences : qu’elle abandonne son mandat.

Il s’agit là d’une question de principe, ou l’on pourrait dire aussi de morale qui concerne l’action publique. Et l’on touche là, illustré par ce type de comportement, le cœur du problème de notre système économique : il est immoral. Oui, par exemple immoral qu’en France une dame comme Liliane Bettencourt possède une fortune personnelle de 18,3 milliards d’euros, même si c’est légal. Pourquoi ne pas le dire ? C’est là le pire des scandales, pire que les « arrangements » du trésorier/ministre de l’UMP, M. Woerth. Comment de telles inégalités entre les êtres humains sont elles possibles ? Et cela n’a rien d’exceptionnel. Dans son rapport 2010 sur la richesse mondiale, le Boston Consulting Group se félicitait que : « En 2009, le nombre de foyers millionnaires en dollars a augmenté d’environ 14 % et atteint 11,2 millions, quasiment autant qu’en 2007 ». Et en même temps, la pauvreté a encore progressé dans le monde, comme en France. C’est cela qui est immoral, tout comme refuser d’engager une réelle politique de répartition des richesses, en taxant de manière significative le capital.

C’est parce que Mme Lagarde a fait sa carrière d’avocate d’affaires au profit de ces « super riches », et qu’aujourd’hui elle mène toujours une politique économique à leurs services, qu’elle ne comprend pas pourquoi, il n’est pas « moral » de ne pratiquement jamais siéger, tout en percevant tout les mois son indemnité de Conseillère de Paris. D’ailleurs, au sujet de cette somme, elle ne reverse pas un centime à l’UMP locale, au grand dam de nombre de militants du cru, qui s’en indignent régulièrement auprès de moi. Pas très correcte avec le Parti qui l’a fait élire, non ? Enfin, j’ai constaté que si Mme Christine Lagarde n’est pas venue lundi 28 juin, au Conseil d’arrondissement du 12e, elle était bien pourtant à Paris et, quelques heures avant, elle organisait une opération de communication, en allant faire des soldes dans un grand magasin parisien. Est-ce bien raisonnable ? Il aurait sans doute été plus utile, pour l’intérêt général, qu’elle vienne siéger parmi nous quelques heures plus tard.

Voilà, lundi 5 et mardi 6 juillet, le dernier Conseil de Paris aura lieu à l’Hôtel de Ville avant l’été. Le premier jour, un débat sera organisé à propos du Budget supplémentaire. Je parie qu’exceptionnellement, comme elle le fait une fois par an lorsqu’on débat du Budget, Mme Christine Lagarde viendra, une heure ou deux à peine, pour lire un discours rédigé par ses conseillers qui prétendra « pourfendre » la politique budgétaire de la gauche parisienne et Bertrand Delanoé. Puis, elle disparaîtra. Absente dans le 12e depuis pratiquement deux ans et demi, présente une maigre poignée d’heures en Conseil de Paris, voilà comment Mme Lagarde « honore » son mandat et se veut « exemplaire ».

Ce gouvernement devrait se méfier sérieusement de la chaleur qui monte, monte, monte... Ce n’est pas seulement un thermomètre qui risque d’exploser.


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