La réforme des retraites arrive à l’Assemblée dans les pires conditions

vendredi 23 juillet 2010.
 

Des Français en vacances, un ministre inaudible, des débats à huis clos… Tout est réuni pour que le travail en commission passe inaperçu.

La réforme des retraites entre cette semaine dans une nouvelle phase. Après la concertation avec les syndicats, puis la présentation du projet en Conseil des ministres, c’est au tour des députés de donner leur avis. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale se penchera sur la réforme du mardi 20 au jeudi 22 juillet.

Mais le débat parlementaire s’ouvre dans les pires conditions. Nous sommes en plein cœur de l’été et les Français ont la tête aux vacances. L’opposition voit d’ailleurs dans ce calendrier une habileté du gouvernement. Selon Marisol Touraine (PS), l’exécutif "a peur d’un débat contradictoire" et "veut tout faire pour limiter l’écho des débats publics pendant que les Français sont à la plage".

Eric Woerth dans la tempête

En outre, ce qui est présenté comme LA grande réforme du quinquennat de Nicolas Sarkozy est porté par un ministre, Eric Woerth, qui doit passer l’essentiel de son temps à se défendre d’accusations de conflit d’intérêt, de financement politique occulte et de favoritisme. François Fillon a beau répéter, comme il l’a fait ce lundi à Nouméa : "il y a deux accusations, les deux ont été levées", les faits sont têtus. Eric Woerth a été mis une nouvelle fois en difficulté, ce week-end. Le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, a confirmé les soupçons quant aux conditions d’embauche de son épouse, Florence Woerth. Le ministre lui a "demandé de recevoir sa femme et ce pour essayer de la conseiller sur sa carrière", a reconnu Patrice de Maistre lors de sa garde à vue, selon un extrait de PV d’audition publié par Le Monde (> les révélations jour par jour). L’affaiblissement du ministre -il a été hué par le public lors de son déplacement sur le Tour de France- ne favorisera pas la sérénité des débats.

Des amendements sur la pénibilité

Pour ne rien arranger, les débats à l’Assemblée auront lieu à huis clos, sur décision du président de la commission des Affaires sociales, Pierre Méhaignerie (UMP). Et pourtant, c’est bien le projet amendé en commission qui arrivera dans l’hémicycle en septembre, et non plus le texte initial du gouvernement - une conséquence de la réforme institutionnelle de 2008.

Le projet de loi acte la fin de la retraite à 60 ans, relevée à 62 ans à l’horizon 2018, ainsi que le passage de 65 à 67 ans pour une pension sans décote. Le texte pourrait ne pas trop bouger sur le fond. "Le débat en commission ne va pas engendrer des tonnes d’amendements de la majorité. Il faut laisser du temps au gouvernement", affirme le rapporteur du texte, Denis Jacquat (UMP). Ce qui amène Jean-Luc Préel (Nouveau centre) à s’interroger : "Je ne comprends pas très bien pourquoi on se réunit dès juillet en commission si on nous dit que les avancées auront lieu en septembre..."

De nombreux amendements devraient porter sur la pénibilité. "On peut sans doute, aller plus loin" que le texte du gouvernement (retraite maintenue à 60 ans pour les salariés avec une incapacité physique d’au moins 20%), a reconnu Eric Woerth. Pierre Méhaignerie suggère ainsi la création d’un "fonds d’incitation qui permettrait le financement partiel" des départs anticipés pour les salariés exerçant des "métiers pénibles". Côté socialiste, Marisol Touraine propose "une majoration d’annuités" pour toute période de travail pénible (de nuit, à la chaîne, charges lourdes, bâtiment...).

L’UMP va aussi présenter des amendements sur la retraite par capitalisation pour "favoriser l’accès à l’épargne retraite individuelle et assouplir l’épargne collective".

L’heure de vérité en septembre

Mais le gouvernement souhaite attendre la rentrée afin d’apprécier la mobilisation syndicale dans la rue, avant d’acter d’éventuelles concessions. C’est pourquoi le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, estime que "les carottes ne sont pas cuites" : "Ce sont les députés qui font la loi, elle peut encore changer et on va faire pression sur les députés pour qu’ils changent cette loi", a-t-il déclaré sur RFI, le 12 juillet. Les syndicats donnent donc rendez-vous pour la prochaine journée de manifestations, le 7 septembre. "Nous n’avons pas d’alternative au rapport de forces", estime le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. Il évoque, dans France Soir du 16 juillet, "un divorce total" entre le gouvernement et les syndicats. "Il n’y a plus de discussions sur le fond et nous le déplorons".

Du côté de Force ouvrière, les militants devraient distribuer cet été sur des lieux de vacances "des dizaines de milliers de cartes postales", ainsi libellées : "les vacances c’est super, la retraite à 60 ans aussi ! A très bientôt..."


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