Gabriel Péri. La culture et l’intelligence au peloton d’exécution

mardi 24 août 2010.
 

Député communiste d’Argenteuil 
et Bezons sous 
le Front populaire, 
le chef de la rubrique internationale 
de l’Humanité 
sera emprisonné 
à la Santé avant d’être fusillé par les nazis,
le 15 décembre 1941.

Né le 9 février 1902 à Toulon, Gabriel Péri grandit à Marseille où son père travaille comme comptable à la chambre de commerce. Élève brillant, il côtoie au lycée de nombreux enfants de la grande bourgeoisie (et quelques enfants de la petite bourgeoisie comme lui).

C’est au cours de la Première Guerre mondiale qu’il s’engage pour la première fois. En juillet 1915, il propose de faire paraître un journal polycopié pour collecter de l’argent au profit des soldats. En mars 1917, la révolution éclate en Russie  ; le régime tsariste est balayé. D’après le témoignage d’un ancien camarade de classe, la Russie devient alors le pôle d’attraction de Gabriel Péri et de ses amis. On s’intéresse aux événements qui s’y déroulent avec beaucoup d’attention. Quand les partisans de Lénine s’emparent du pouvoir en novembre 1917, Gabriel Péri s’est engagé depuis peu au sein du mouvement socialiste. Rapidement, il défend les thèses de l’aile gauche du parti.

Au lendemain du Congrès de Tours, Gabriel Péri devient secrétaire du groupe des Jeunesses communistes de Marseille  ; pour la première fois de sa vie, il est poursuivi et condamné par la justice pour avoir distribué des tracts antimilitaristes à proximité d’une caserne. Un an plus tard, il est élu à la direction nationale des Jeunesses communistes. À compter de ce jour du mois de mai 1922, Gabriel Péri sera rétribué pour son action militante.

Emprisonné à la suite de son action contre l’occupation du bassin houiller allemand de la Ruhr par les armées belges et françaises, il quitte les Jeunesses communistes et intègre l’appareil du Parti communiste, au printemps 1923.

En octobre 1924, il se voit confier la responsabilité de la rubrique internationale de l’Humanité, charge qu’il assumera sans interruption, indépendamment des fluctuations de la ligne politique de l’Internationale communiste, jusqu’à l’interdiction du quotidien communiste à la suite de la signature du pacte germano-soviétique, en août 1939.

Par ailleurs, le chef du service de politique étrangère du quotidien communiste se voit également confier d’autres tâches, en particulier dans sa région d’origine où il est régulièrement candidat jusqu’à son élection, comme député en mai 1932 dans la première circonscription de Versailles, qui regroupe essentiellement les électeurs des communes d’Argenteuil et de Bezons.

Brillamment réélu député en mai 1936, Gabriel Péri profite pleinement de la nouvelle orientation politique en faveur du Front populaire. Il se voit confirmer son rôle de porte-parole en matière de politique étrangère, allant jusqu’à définir la ligne politique du Parti communiste, et même l’incarner au moment de la discussion parlementaire autour de la signature des accords de Munich, en octobre 1938.

Tout au long de cette année 1938, Gabriel Péri s’inquiète du « destin de la paix », comme en témoigne par exemple un article pour la revue du Comité mondial contre la guerre et le fascisme. D’après lui, il convient avant tout de tirer le plus vite possible les conclusions de la politique de non-intervention en Espagne, « l’une des plus lourdes erreurs diplomatiques » par laquelle le gouvernement de Front populaire présidé par Léon Blum « s’est signalé au monde ». Selon Gabriel Péri, « le sort de la paix dépend de la vigueur avec laquelle la démocratie française, sûre de sa mission, saura mobiliser autour d’elle les forces populaires et démocratiques qui sont l’Europe de demain ». Par avance, Gabriel Péri prend définitivement position dans tous les autres débats de politique extérieure à venir, répétant son refus de céder à la volonté hégémonique de l’Allemagne nazie.

Son impitoyable réquisitoire contre la politique étrangère du gouvernement présidé par Édouard Daladier révèle tout à la fois sa culture, son intelligence et sa perspicacité. Chef de file des antimunichois, sa renommée est considérable. Mais il se trouve également en porte-à-faux avec l’immense majorité de la société française largement munichoise.

Au lendemain du pacte germano-soviétique, Gabriel Péri se montre particulièrement discret, évitant de légitimer sans pour autant la condamner publiquement la volte-face diplomatique du gouvernement soviétique. En revanche, il continue de défendre un point de vue conforme à la ligne antifasciste du Parti communiste français, y compris après l’invasion de la Pologne par l’Armée rouge, le 17 septembre 1939. C’est ainsi qu’il demande à rejoindre l’armée, bien qu’il ait été exempté de faire son service militaire pour raison de santé. Déclaré apte, il est obligé de se cacher pour échapper à un mandat d’arrêt lancé entre-temps contre tous les députés communistes signataires de la lettre à Édouard Herriot demandant que soient engagées des négociations de paix avec l’Allemagne.

Obligé de se cacher, Gabriel Péri concourt à l’édition clandestine de l’Humanité dès son lancement, en octobre 1939. Quelques-uns de ses articles – trop longs – sont ronéotés pour être diffusés auprès des cadres de l’organisation communiste. Tout au long de cette période, il contribue à sa façon à infléchir la ligne du Parti communiste, qui prend, dès l’automne 1940, des accents anti-allemands, à l’opposé de la politique anticapitaliste, pacifiste et légaliste de l’été 1940.

Le 18 mai 1941, Gabriel Péri est arrêté à la suite d’un vaste coup de filet qui commence le 14 mai 1941. Plusieurs dizaines de militants communistes sont interpellés, dont un responsable de la commission des cadres à l’origine de la chute de l’ancien responsable de la rubrique internationale de l’Humanité.

Emprisonné à la Santé, Gabriel Péri partage sa cellule avec l’ex-député d’Amiens Jean Catelas, guillotiné le 24 septembre 1941.

Conformément à une décision prise par les autorités allemandes en représailles à une attaque subie, Gabriel Péri est fusillé comme otage le 15 décembre 1941, à l’image de quatre-vingt-quatorze personnes, toutes arrêtées pour activité communiste clandestine, comme l’ancien secrétaire général du quotidien l’Humanité Lucien Sampaix, fusillé à Caen.

Par Alexandre Courban, Historien, président 
de Mémoires d’Humanité.


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