Etre utiles à la gauche (par François Delapierre, délégué général de PRS)

mardi 21 novembre 2006.
 

Après la désignation incontestable de Ségolène Royal, c’est l’heure de tous les dangers pour la gauche. Dans le tumulte des interrogations qui nous submergent, une ambition guide PRS : être utiles à la gauche.

Nous voilà plongés dans un de ces moments où le flot des événements s’emballe, où le pouls de l’histoire s’accélère. Des évolutions souvent très anciennes, des tendances lourdes, qui devenaient presque invisibles à force de lenteur, éclatent soudainement. Le cours des choses ne s’écrit pas en un jour, mais il bifurque en un instant.

D’un côté, il n’y a rien de neuf. Il n’y a pas de mauvaise surprise dans l’addition qu’on nous présente. L’histoire ne triche pas. Mais elle n’oublie rien ! Lorsque nous écrirons la généalogie de la désignation de Ségolène Royal il faudra remonter loin : depuis le bouleversement du PS provoqué par la campagne d’adhésion Internet à 20€, en passant par le refus des socialistes du « non » de faire motion commune au Mans, jusqu’au 21 avril 2002, et même à la chute du Mur de Berlin.

D’un autre côté, tout est neuf. Une période politique se termine, une autre commence. Ce qui est passé est passé et a de ce fait changé radicalement de nature en faisant dorénavant partie de la réalité que nous affrontons. Le PS, la gauche, la politique française ne sont plus les mêmes depuis que les adhérents socialistes ont désigné Ségolène Royal par un score sans appel de 60% des voix, la plaçant en tête de leurs suffrages dans 102 fédérations sur 105 et lui accordant la majorité absolue dans 95 d’entre elles. Pas plus que le 21 avril, il ne s’agit d’un « accident électoral ». Bien sûr toute campagne interne a sa part accidentelle et chacun peut réécrire le film à loisirs. Mais le résultat en revanche est irréversible et crée un paysage nouveau.

Comme toujours ce sont les vainqueurs qui en parlent le mieux car ils n’ont pas à porter le poids du remords ou à affronter la douleur qu’il y a pour les perdants à regarder la défaite en face. François Hollande annonce une nouvelle campagne d’adhésion. Objectif 300 000 adhérents. Sans même compter les départs qui s’opèrent déjà, les promotions Royal I et Royal II composeraient alors les deux tiers du PS. D’ailleurs, ceux qui sont allés sur le site Internet du PS dans les jours suivant le vote n’ont trouvé, à côté de l’annonce des résultats, qu’une grande bannière « participer à la campagne de 2007 » qui renvoie directement au site Désirs d’Avenir.

Royal explique : « De toute façon, avec ce résultat, la réconciliation est faite. Il n’y pas besoin de négocier quoi que ce soit ». Les messages de Fabius et Strauss-Kahn attendent plusieurs jours sur son répondeur avant qu’elle ne trouve le temps d’y répondre. Ses lieutenants se chargent des sous-titres : « les dirigeants socialistes ne peuvent pas s’opposer à cette volonté militante » (Dray), « il ne faut pas que le sommet de l’appareil essaye de se sauver au détriment de l’attente des militants de base » et Royal « ne doit pas se laisser coloniser par tous les soupirants à des maroquins » (Savary).

A l’aune des résultats internes, leur démarche est logique. La dernière fois, avec 35% des voix, Emmanuelli avait tout juste eu le droit de garder le fauteuil de premier secrétaire au chaud pour Lionel Jospin en attendant que celui-ci se décide à l’occuper. Mais à l’aune de la gauche c’est une autre affaire. On ne la rassemblera pas à coups de sifflet ou en encourageant et moquant alternativement les ambitions gouvernementales. Ou alors autant dire que l’on fait deux campagnes en même temps : celle de Royal et celle de Besancenot. Et que l’on parie sur l’éclatement de la gauche en deux forces irréconciliables.

Un tel choix est lourd de dangers car la sensibilité que représente Ségolène Royal, même renforcée par les électeurs convaincus par l’argument du vote utile, n’est pas majoritaire dans le pays. Reste ensuite l’espoir que Bayrou fera le reste ? Non seulement ce choix n’a plus grand-chose à voir avec la gauche que nous voulons, mais il risque de faire perdre des voix à gauche sans gagner celles du « centre » dont l’histoire a montré qu’elles reviennent toujours à droite.

C’est pourquoi il faut souhaiter la réussite des collectifs unitaires de la gauche antilibérale. S’ils échouent à désigner un candidat commun, la gauche sera émiettée et déséquilibrée. Au final, c’est le scénario du 21 avril 2002 qui recommence. Or quand le désastre est consommé, il est trop tard pour recoller les morceaux.

C’est ce que Jean-Luc Mélenchon a dit aux 4000 personnes rassemblées à Montpellier à l’initiative du collectif unitaire départemental : ne creusez pas le fossé, ne faites rien qui interdise le rassemblement de la gauche sans exclusives pour battre la droite en 2007. Mais aussi : vous avez le devoir de réussir à vous mettre d’accord pour empêcher l’éclatement de la gauche des ruptures. Sinon ce sera la surenchère et la déroute.

C’est la ligne de l’union dans l’union que nous développons depuis plusieurs mois. C’est en disant cela que nous sommes utiles. Car pour la gauche, c’est la clef de la victoire.


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