Terrible suicide chez Schindler (par Gérard Filoche)

mercredi 8 septembre 2010.
 

Le jeune salarié de 26 ans, Aurélien, qui s’est fait écraser le 18 juin dernier par l’ascenseur qu’il réparait pour le compte de Schindler – et dont nous parlions ici le 10 juillet dernier – entre dans nos mémoires au fur et à mesure que se déroule l’enquête sur « l’arbre des causes » de son accident. Sa compagne, que nous avons rencontré, nous a raconté combien il ressentait le stress dans son métier dangereux et la pression qui s’exerçait sur lui pour, qu’en permanence, il intervienne sur les 37 ascenseurs dont il était responsable. Il lui avait dit les risques et le système de contrôle des « feuilles de mesures » qui calculaient ses actions préventives et correctives de façon minutée. Ainsi est-il mort en heure supplémentaire, débutant une intervention un vendredi à 17 h sur un appareil qui n’était pas en panne et pour lequel il n’y avait pas urgence.

En plus d’un salarié compétent, Aurélien, était un musicien, guitariste, « une belle âme » plein de rêves et d’envies, de voyage et de vie, un « homme merveilleux » qui manque atrocement à sa compagne, Anne. Oui, les humains au travail ne sont pas des pions, des chiffres, des objectifs, des résultats financiers.

Comment ne pas y réfléchir avec ce qui vient d’arriver le 10 août à Albi, à nouveau chez Schindler où un collègue d’Aurélien, François, a mis fin à ses jours de façon atroce. François « était un très gentil garçon qui aimait la vie et qui était apprécié par ses collègues de travail. Il avait de multiples activités et était membre d’un club de cyclo-cross. C’était un excellent technicien sorti major de sa promotion à l’issue de son stage dans le centre de formation Schindler en 1991. Il aimait son travail et était très dévoué » écrit le syndicat CGT de l’entreprise. « Notre profession n’est pas facile et nous demande beaucoup d’attention. Nous n’avons pas le droit à l’erreur à cause de tous les dangers. On nous impose de plus en plus de résultats, notre hiérarchie nous met en permanence la pression et le stress est souvent là. Depuis quelque temps, les lettres recommandées pleuvent chez Schindler, suivies d’avertissements, de jours de mise à pied et de licenciements. C’est le règne de la terreur et le personnel est démoralisé et dégoûté d’être en permanence « recadré ». François, lui aussi, venait d’être sanctionné à deux reprises en l’espace de quelques mois, pour des motifs insignifiants à nos yeux. La dernière sanction datait du 13 juin dernier. Il ressentait une profonde injustice, il le vivait très mal car il avait peur d’être licencié. Tout cela a fini par le faire plonger dans la dépression. »

François a écrit une lettre, puis il s’est rendu dans un immeuble où il y avait un ascenseur Schindler dont il assurait la maintenance et ce qui lui permettait de détenir une clef d’accès. Il s’est étendu en fond de fosse sur les amortisseurs, et il a attendu que l’ascenseur l’écrase, ce qui s’est produit. A ses obsèques le vendredi 13 août dans le cimetière d’Arthès une jeune personne très proche de François a parfaitement résumé ce drame et a profondément touché toute l’assemblée : » Son dévouement total et une grande injustice à son égard l’ont mené à sa perte « . Mais deux accidents mortels et un suicide chaque jour au travail, dans notre pays, c’est insupportable.

Cet article a été écrit par Gérard Filoche, publié le 31 août 2010 à 5:59, classé sous Politique. Bookmarkez le permalien. Suivez les commentaires grâce au flux RSS de cet article. Déposez un commentaire ou un trackback : Adresse du trackback.


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