Après le 7 septembre : grève générale ? rôle des partis politiques ? référendum ?

mercredi 22 septembre 2010.
 

Depuis deux jours la discussion dans les rangs porte sur la conduite de l’action syndicale. Les commentaires sur ce blog y font aussi une large part. Je n’ai pas l’intention de me prononcer sur la valeur des consignes syndicales. C’est un choix. La conduite de l’action syndicale se discute dans les syndicats avec les syndiqués. A cette position de principe, qui est celle adoptée par le Parti de Gauche dès sa fondation, j’ajoute une remarque plus personnelle. Je me désole de lire ces commentaires rageurs et parfois insultants contre les directions syndicales, les « bureaucrates », et ainsi de suite. Surtout assortis de gloses interminables sur le fait que seule telle ou telle forme d’action peut permettre de gagner et toutes les autres ne serviraient à rien. Rien de tel pour casser les reins à tout le monde ! Si l’on discrédite l’action du jour au nom de celle qui n’est pas convoquée pour demain, il est clair que c’est l’action du jour qui n’aura pas lieu. Alors comment répondre à cet échec par une proposition d’action plus difficile à réussir en général et en particulier après un échec ? Je le dis à propos du mot d’ordre de grève générale. Je n’exprime pas d’avis à son sujet. Mais je crois utile de rappeler qu’aucune grève générale reconductible dans l’histoire n’a jamais été décidée autrement qu’à partir du terrain. Le reste du temps, les syndicats qui engagent des bras de fer doivent continuellement évaluer le rapport de force. Ils partent de leur capacité à mobiliser le plus grand nombre de gens possible. S’ils lancent une consigne intenable par le grand nombre, ils ruinent leur cause. C’est surtout vrai dans une période comme celle que nous vivons où les taux de syndicalisation et d’affiliation politique sont très insuffisants et où il est illusoire d’attendre une discipline d’action du seul fait que le syndicat l’a appelé. Comment alors connaitre cet état réel des esprits ? Je n’ai pas le moyen de le savoir. Je pense que les directions syndicales doivent aussi avoir de l’hésitation de ce fait. Pour ma part donc je me contenterai de suivre les consignes des syndicats. A mesure qu’elles arrivent, nous les apprécions à partir de ce qu’est la position du Parti de Gauche. C’est l’objectif qui nous unit aux syndicats. Pour la forme de l’action chacun doit être à sa place pour faire au mieux son travail spécifique. Nous sommes pour le retrait du projet de réforme sur les retraites. Donc nous agissons en soutien des consignes unitaires des syndicats, dans la mesure de nos forces. Pour autant nous devons aussi avoir une réponse politique au moment présent. Nous avons un rôle spécifique et un champ d’action particulier. J’estime qu’il n’est pas tenu à gauche. Et cela n’aide pas au rapport de force.

Notre travail politique est de deux ordres. D’abord représenter le point de vue opposé à la réforme et lui donner de la voix politique. C’est ce que nous faisons tous dans les assemblées. J’estime que le travail fait par notre groupe à l’assemblée, avec Roland Muzeau à sa tête, est très bien mené. Au sénat nos amis tiendront bon aussi, le moment venu. Les députés PG sont très présents et ils forment avec les communistes des équipes soudées et efficaces. Mes lecteurs peuvent suivre les comptes rendus quotidiens que Martine Billard, porte parole du Parti de Gauche, fait de son travail de député sur le site du PG ou sur son blog. Marc Dolez aussi campe dans l’hémicycle et tient la tranchée. Je suis l’avancée du combat, comme je peux. Leurs sms, d’heure en heure, nous tiennent informés. Les dirigeants du PG suivent de cette façon ce qui se fait dans l’assemblée. J’avoue que je préfèrerais y être plutôt qu’à Strasbourg. Au plan technique, on ferait mieux de twiter. Mais on ne maitrise pas ça encore.

C’est de l’assemblée que nous avons appris ce qu’il en est réellement quand Woerth annonce devant les médias que le gouvernement a tenu compte des attentes des Français et qu’il a proposé des amendements en conséquence à son texte sur les retraites. Bidon ! Ainsi, le gouvernement veut faire croire qu’il tient davantage compte de la pénibilité. Il aurait abaissé le seuil d’incapacité de 20% à 10% pour pouvoir continuer de partir à la retraite à 60 ans. Mensonge ! L’amendement présenté hier devant la commission des Affaires sociales met en place deux dispositifs différents. D’un côté, les travailleurs avec un taux d’incapacité de 20 % pourront prendre leur retraite à 60 ans. Mais les salariés dont le taux est compris entre 10 et 20 % ne pourront pas bénéficier de cette mesure automatiquement. Ils pourront seulement se présenter devant une commission où ils devront prouver qu’ils ont été exposés de façon permanente et pour une durée encore inconnue à des facteurs de risque professionnels à définir. Qui peut croire que les employeurs vont fournir les preuves nécessaires aux salariés ?

La partie proprement politique de la lutte contre la réforme consiste pour nous, gens de gauche, à faire la démonstration qu’on peut faire autrement, sans diminuer les acquis sociaux. A mesure que cette idée fait son chemin, l’étau se desserre car les gens comprennent que la réforme Sarkozy n’est pas légitime. « Pourquoi nous faire ça si on peut s’en passer », se disent-ils. C’est pourquoi est si calamiteux le point de vue du PS. Son acceptation de l’allongement des durées de cotisations donne raison à l’idée de base de l’argumentaire de la droite. Ce ralliement à l’allongement de durée de cotisation est sans ambigüité, inscrit en toute lettre dans les tracts distribués dans la manifestation du 7 septembre. C’est la contribution de ce Parti à la campagne d’après laquelle la réforme est « indispensable » et passe par le fait de travailler plus longtemps. La réponse de Fillon au président du groupe socialiste à l’assemblée, l’inamovible Jean Marc Ayrault a donc été particulièrement dévastatrice. « Puisque vous ne revenez jamais sur nos réformes quand vous êtes au pouvoir, c’est que pour vous la bonne réforme c’était la précédente et il en ira de même cette fois-ci ». Touché ! Que faire alors ?

Faire semblant ! C’est notre seule issue. Faire semblant de croire que nous sommes tous d’accord et serrer les dents dans l’action. Si la vérité vraie c’est que le PS nous tire dans le dos, il ne faut engager avec lui aucune polémique. Que nous rapporterait-elle ? Juste un coup de main à Sarkozy qui serait le seul bénéficiaire de la division. Avantage : aucun. Mettre la pagaille dans notre camp serait au seul bénéfice de ceux qui ont besoin de cela pour céder plus vite. Il suffisait d’entendre ce matin l’impétueux François Hollande pour comprendre la musique qu’aimeraient entendre les sociaux capitulants de son style. Mais il faut proposer aussi une issue dans notre champ d’action, celui de la politique et de la démocratie représentative sans se cacher confortablement derrière le mouvement social.

C’est le sens de notre proposition de référendum sur le sujet. J’ai pu entendre Ségolène Royal en dire autant et cela me réjouit. Je pars d’un constat à faire partager qui alimente la mobilisation : le président n’est pas légitime pour faire cette réforme. Il y a une décision du peuple souverain à propos de la retraite à soixante ans. Les Français ont voté sur le sujet. La retraite à 60 ans était une mesure du Programme commun portée pendant toutes les années 1970, puis au coeur du programme du candidat Mitterrand en 1981. A l’inverse, la fin de la retraite à 60 ans n’était pas dans le programme de Sarkozy. Au contraire, et je peux le dire comme ça. Car Nicolas Sarkozy s’était engagé en 2007 et en 2008 à ne pas toucher à l’âge légal de la retraite. Il faut le répéter autant qu’on peut. « Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer. » avait-il dit dans une interview au Monde le 27 janvier 2007. Il avait réitéré son engagement sur RTL le 27 mai 2008 : à propos du relèvement de l’âge légal : « j’ai dit que je ne le ferai pas. Je n’en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français. Je n’ai donc pas de mandat pour cela ». On ne peut mieux dire. Les Français n’ont donc jamais voté pour la retraite à 62 ans. Puisqu’il n’y a pas de mandat pour une réforme d’une telle ampleur, il faut voter. Le vote ou la pagaille et le bras de fer ? En démocratie, le vote devrait être la règle, pas l’exception mendiée. D’ailleurs je le répète, si la dernière modification de la Constitution était passée en loi organique, nous pourrions proposer une pétition pour un référendum d’initiative populaire. Ce droit est prévu à l’article 11 de la Constitution modifié par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il ouvre cette possibilité de soumettre un projet de loi à référendum si 1/5 des parlementaires soutenus par 1/10 des électeurs inscrits le demandent. Si donc on ne vote pas, c’est parce que nous sommes bien dans le régime du coup de force permanent qui prévaut depuis la forfaiture initiale de l’escamotage du non au référendum de 2005.


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