La souffrance au travail n’est pas l’apanage des adultes. Les élèves aussi souffrent à l’école. Et plus quand ils sont de milieux défavorisés que lorsqu’ils sont de familles offrant toutes les garanties de succès scolaire. Réalisé depuis trois ans par l’Association de la fondation des étudiants pour la ville (AFEV), le Baromètre annuel du rapport à l’école des enfants de quartiers populaires met l’accent cette année sur "les souffrances à l’école" des élèves de milieux défavorisés
Ce baromètre est le fruit d’une enquête effectuée d’avril à juin 2010 par Trajectoires-Reflex, qui a interrogé 760 enfants (192 primaires et 568 collégiens) en difficulté scolaire et soutenus par l’un des 7 000 étudiants bénévoles de l’AFEV. Sa publication est l’un des points forts de la troisième édition de la Journée du refus de l’échec scolaire, organisée mercredi 22 septembre par l’association dans une trentaine de villes de France.
Selon l’enquête, 73,3 % des enfants interrogés "aiment peu, voire pas du tout aller à l’école ou au collège". Ils ne sont d’ailleurs que 9,6 % à aimer être à l’école, contre 60 % qui préfèrent être à la maison. Pourquoi ? Parce que près d’un quart (23,7 %) s’ennuie "souvent, voire tout le temps" à l’école. Mais aussi parce qu’un peu plus de la moitié (52,8 %) reconnaissent avoir été victimes de violences entre élèves dans l’enceinte de leur établissement.
Par ailleurs, le sentiment d’échec scolaire et le manque de confiance de soi sont partagés par plus de la moitié des élèves qui disent penser ne pas pouvoir répondre aux attentes de l’école. L’ensemble, bien sûr, n’est pas sans effets sur la santé et l’état général de ces enfants… et se répercute à son tour sur leurs résultats scolaires. Les élèves interrogés sont 39 % à se plaindre de troubles du sommeil et 35,9 % de maux de ventre qu’ils attribuent pour un tiers au stress lié à leur scolarité.
MANQUE D’EMPATHIE
Déjà épinglé en avril par un rapport du député UMP Jacques Grosperrin, comme une "lieu de souffrance", le collège français est souvent décrit comme le maillon faible de son système scolaire. D’ailleurs, les résultats de la France aux tests Pisa – qui comparent les résultats scolaires des élèves de 15 ans dans les 31 pays de l’OCDE – la classent en 22e position, alors que le budget de l’éducation nationale est le premier du pays.
Dans un livre récent, On achève bien les écoliers (Grasset, 2010, 170 pages, 9 euros), l’auteur Peter Gumbel, journaliste britannique devenu professeur à l’école de journalisme de Sciences Po Paris, vilipende le système scolaire français. Père de jeunes filles scolarisées en France, il n’a de cesse de critiquer une école qui humilie et casse ses élèves avec des remarques et des notes blessantes, manque totalement d’empathie pour les écoliers et ne sait pas mettre l’accent sur leurs progrès.
Pourtant, montre l’enquête réalisée pour l’AFEV, malgré l’ennui, la violence entre élèves et la peur des mauvaises notes, ces élèves en grande difficulté des quartiers populaires sont 57,2 % à percevoir leurs enseignants de manière positive et estiment qu’ils s’intéressent à eux.
Une nouvelle qui leur mettra du baume au cœur, trois jours après l’annonce de la diminution – en Seine-Saint-Denis – d’un quart de l’accompagnement éducatif qui permet, principalement aux enfants des zones d’éducation prioritaires (ZEP), d’être aidés dans leurs devoirs après l’école. Une politique de soutien pourtant voulue par Nicolas Sarkozy en direction des "orphelins de 16 heures".
Ce coup de rabot au soutien scolaire par l’école elle-même devrait alourdir le soutien effectué par l’AFEV hors de l’école. On peut en effet s’attendre à ce que le ministère de l’éducation, qui lui adresse des élèves repérés pour leurs difficultés, ait encore plus recours à ses services.
de Marc Dupuis
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