On suit la consigne syndicale : on ne lâche rien

vendredi 22 octobre 2010.
 

Ce samedi on était nombreux. Encore. Et mardi on recommence. Il ne faut pas lâcher prise. Ca serait bien si on savait à quelle caisse commune envoyer des sous pour soutenir les petites payes amputées par la lutte. Je ne résume pas ma note parce que je me dis que vous allez la lire. Mais je signale que je parle de notre lutte et d’argent.

Sarkozy joue l’usure, la démoralisation, le pourrissement, l’exaspération. En fin de cortège de la manifestation, d’inquiétants groupes circulent tranquillement et organisent des saccages sans aucun rapport même lointains avec l’objet de la manifestation. Ca sent la provocation à plein nez. Auparavant pendant des heures, de nouveau, des centaines de milliers de gens ont pacifiquement défilé, avec cette étrange légèreté et même ces sortes de sourires joyeux que montrent nos cortèges depuis la dernière manifestation, alors même que les pertes de salaires s’accumulent. Cette fois ci tout le monde commentait les cortèges de jeunes, nombreux et enthousiasmant pour les générations suivantes car depuis le CPE c’est la première fois qu’on voit autant de jeunes dans la rue me semble-t-il. Le cortège de l’UNEF était brillant et c’est un signal très important comme celui que donne la force de celui des lycéens de l’UNL.

La manifestation n’était pas partie et déjà on apprenait que le ministère de l’intérieur annonçait une participation à la baisse. Cela fit rire dans nos rangs car maintenant plus rien d’officiel n’est cru parmi nous. Une fois de plus les militants du Parti de gauche tenaient leurs points fixes et c’était pour eux une magnifique occasion de rencontres et de petits débats improvisés comme seuls gens de gauche savent en avoir en toutes circonstances. Mais je vois bien que les traits se creusent et que les camarades fatiguent entre cavalcade familiale, travail et militantisme. Moi aussi c’est mon dixième jour, je crois bien, d’affilé sans pause. Après quatre heures à observer le défilé et toucher la main des camarades qui nous la tendent, nous sommes partis en cortège avec les communistes sous la bannière du Front de gauche. Notre slogan était : « tous ensemble, tous ensemble : Front de gauche » L’accueil a été aussi chaleureux que d’habitude.

Pour autant, l’ambiance est totalement irréelle, entre tensions, fatigues et sourires, et cette incroyable morgue d’un pouvoir qui veut mater un peuple. Le blocage est total. Je vois que Sarkozy pense tenir son épreuve de force avec le salariat de notre pays. Il se voit vraiment en Thatcher du 21 ème siècle. Il avait déjà ramené le scalp du « non » au référendum dans la cour des puissants en Europe pour signer dessus le traité de Lisbonne qui en est la copie conforme. Il se voit bien ramenant le peuple frondeur et rebelle que sont les français, enchainé à son char de victoire jusqu’à la commission de Bruxelles qui vient de recommander dans son « livre Vert » la retraite par capitalisation. A ce propos dans la manifestation à Paris circulait un message résumant un article paru sur le site Médiapart. Il concernait monsieur, frère du roi. Je pense que beaucoup de mes lecteurs en connaissent la teneur puisqu’il circule assez largement je crois. Je le reproduis à mon tour pour que nul n’en ignore.

Guillaume Sarkozy, futur bénéficiaire de la réforme des retraites ? Selon Médiapart, le frère du président vise le pactole du marché de la retraite complémentaire privée. Et prépare pour cela une alliance avec des acteurs semi-publics. Guillaume Sarkozy (AFP). Le site d’information Médiapart affirme jeudi 14 octobre que la réforme des retraites pourrait favoriser les intérêts du groupe Malakoff Médéric, dont le délégué général n’est autre que Guillaume Sarkozy, le frère du chef de l’Etat. Selon Médiapart, la réforme "va conduire à l’asphyxie financière des grands régimes par répartition" et sera donc "propice à l’éclosion de ces grands fonds de pension qui n’étaient pas encore parvenus à s’acclimater en France, à quelques rares exceptions près". Parmi les opérateurs privés d’ores et déjà sur les rangs, figure le groupe Malakoff Médéric. "Il ne s’agit pas que d’une coïncidence. Mais bien plutôt d’une stratégie concertée en famille", écrit Médiapart, "l’un assèche les régimes par répartition tandis que l’autre pose les fondements du système par capitalisation". Le site ajoute : "Guillaume Sarkozy a engagé son entreprise dans une politique visant à en faire un acteur majeur de la retraite complémentaire privée. Et il a trouvé des alliés autrement plus puissants que lui, en l’occurrence la Caisse des dépôts et consignations (CDC), le bras armé financier de l’Etat, et sa filiale la Caisse nationale de prévoyance (CNP). Ensemble, tous ces partenaires vont créer, le 1er janvier prochain, une société commune qui rêve de rafler une bonne part du marché qui se profile." "Cette société n’aurait jamais vu le jour sans l’appui de l’Elysée", écrit Médiapart. En effet, la Caisse des dépôts et consignations est une institution publique présidée par un parlementaire. Pour sa part, la Caisse nationale de prévoyance (CNP) est une filiale de la Caisse des dépôts et consignations, de la Banque postale et du groupe Caisses d’Epargne, lui-même présidé par François Pérol, ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée. En outre, la Caisse des dépôts gère le Fonds de réserve des retraites. "Pourquoi la CDC se lance-t-elle dans pareille aventure pour faire le jeu du système adverse, celui par capitalisation ?", demande Médiapart. "Et pourquoi, de surcroît, le faire avec une entreprise dont le patron est le frère du chef de l’Etat ?"

L’enjeu n’est pas mince. Le marché pourrait représenter "40 à 100 milliards d’euros" : en fonction de l’aspect final de la réforme, les Français connaîtront une baisse plus ou moins considérable du taux de remplacement, c’est-à-dire du montant de la pension rapporté au salaire, et donc se précipiteront sur les systèmes de retraite complémentaire. Médiapart publie notamment un "business plan" confidentiel, qui fixe pour objectif une part de marche de "17%" d’ici dix ans.

De cette information je tire deux conclusions. La première est que je vais m’abonner à Médiapart car je constate que ce média fait un boulot d’investigation et de veille qui manquait dans nos outils. La seconde est que cette affaire vaut mieux que mille discours pour démontrer ce que nous répétons et argumentons depuis bientôt six mois à savoir que la réforme n’a pas de raison d’être s’il s’agit vraiment de raisons comptables ou démographiques. Ce n’est qu’un épisode de la lutte pour la répartition de la richesse dans laquelle l’oligarchie qui tient les rênes de notre pays veut capter une nouvelle part. Placer les gens dans l’obligation de se payer une retraite par capitalisation représente une ponction considérable sur les ressources des ménages. Une ponction couteuse sur la paye parce que le prélèvement mensuel pour un régime de capitalisation est une dépense bien supérieure à une cotisation sociale ! Et cela pour toucher, le moment venu, une pension à la fois inférieure et incertaine. Une dépense sans utilité sociale puisqu’elle remplace un bien déjà existant pour un cout supérieur et une efficacité moindre. Une dépense dangereuse car elle va accroitre la financiarisation de l’économie. En effet cet argent placé en capitalisation ne peut qu’être argent spéculatif, placement provisoire, exigence de profits toujours plus rapides et importants au prix d’une précarisation accrue du salariat.

Les naïfs seraient ceux qui continueraient après cela de se torturer la langue à proférer des sottises du type « on doit travailler plus longtemps parce qu’on vit plus longtemps » et les autres blabla de l’argumentaire pour nigauds que débitent les moulins à paroles de la pensée jadis unique. Sur tous les fronts l’oligarchie avance ses pattes cupides. On voit par exemple la droite reprendre à son compte l’idée perverse avancée depuis plusieurs mois par ces fourbes de centristes du Sénat et leur chef de file Jean Arthuis. Il s’agit d’un côté de donner l’impression d’entendre le peuple en supprimant l’injuste bouclier fiscal. Et dans le même mouvement, il s’agit d’un autre côté de continuer à diminuer l’imposition des très riches, en supprimant l’Impôt sur la Fortune. Ils espèrent que le bruit du nouveau flot d’argent tombant dans les caisses des riches sera couvert par celui des clameurs qui accompagneront la suppression bouclier fiscal.

Car ce serait bien une énorme entourloupe. Elle se solderait par un gros bénéfice pour les très riches et une nouvelle lourde perte de recettes pour l’Etat dont on pourra ensuite dénoncer encore davantage les déficits. Voyons les sommes en jeu. L’Impôt de solidarité sur la Fortune (ISF), créé en 1981, rapporte en effet 3,4 milliards d’euros par an. Il est prélevé sur les 2 % des foyers fiscaux qui possèdent plus de 790 000 euros de patrimoine net. Avec l’impôt sur le revenu, c’est un des rares impôts progressifs en France. C’est à dire que son taux augmente avec la richesse. De son côté le bouclier fiscal coûte 680 millions d’euros par an à l’Etat, qui sont remboursés à 16 000 contribuables. Mais sur ces 16 000, un millier de très riches accaparent 75 % des reversements et touchent un chèque moyen de 370 000 euros par an de l’Etat ! Et 99 % des sommes du bouclier fiscal sont offertes à des personnes assez nanties pour payer l’ISF et qui ont d’ailleurs plus de 1,2 millions d’euros de patrimoine. Bilan final de cette affaire de double suppression ? 2 % des contribuables gagneront 2,7 milliards d’euros !


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