Ministres UMP et sport business contre la lutte antidopage

vendredi 2 novembre 2012.
 

Des traces d’EPO sont relevées dans les échantillons d’urine de Lance Armstrong, lors de son premier Tour victorieux, en 1999. Jean-François Lamour (futur ministre UMP) est alors le patron du laboratoire de Chatenay Malabry, chargé de la lutte antidopage ; il refuse... On a même connu un ministre (Jean-François Lamour) qui nous a demandé de ne pas traiter l’affaire Landis (positif à la testostérone sur le Tour 2006) trois jours avant la séance où nous avons instruit son cas sur le plan disciplinaire.
- Petit dossier de 2010 sur notre site.

1) Dopage : touche pas à mon sport spectacle

Dans le petit monde du sport, les tricheurs viennent de perdre un ennemi redoutable. Pierre Bordry, 71 ans, a annoncé, vendredi 24 septembre, qu’il démissionnait de la présidence de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) sans attendre la fin de son mandat, en juillet 2011. Le 1er octobre, il devrait être remplacé par un autre conseiller d’Etat, Bruno Genevois. Celui qui considérait l’agence comme "le petit grain de sable dans les rouages bien huilés du sport spectacle" explique au Monde les raisons de son départ.

Existe-t-il aujourd’hui un risque d’affaiblissement de l’AFLD ?

Le risque est d’abord d’ordre budgétaire. Nous repartons sur les mêmes bases qu’en 2009, où le budget était préparé avec une ressource provenant d’une légère augmentation de la taxe Buffet (sur les droits de retransmission des événements sportifs). Le gouvernement, à la demande de la Ligue professionnelle de football, a retiré cette proposition qui comptait pour 4 millions d’euros, soit la moitié du budget de l’AFLD. On ne les a obtenus qu’en juillet !

Et cette année, le budget ne prévoit pas non plus de ressources pérennes pour l’agence alors qu’elle a besoin de moyens supplémentaires car les produits indétectables sont de plus en plus nombreux et que le dopage est beaucoup plus répandu qu’on le pense. Cette situation me fait croire qu’il n’y a pas une volonté politique de soutien de la lutte antidopage.

Au-delà des problèmes budgétaires, que reprochez-vous au gouvernement ?

Pour le Tour de France 2010, nous avions demandé à effectuer des contrôles supplémentaires. L’Union cycliste internationale a bien sûr refusé. Nous avons alors saisi l’AMA qui a rendu un arbitrage en notre faveur. Mais nous n’avons eu aucun soutien du ministère des sports.

On a même connu un ministre (Jean-François Lamour) qui nous a demandé de ne pas traiter l’affaire Landis (positif à la testostérone sur le Tour 2006) trois jours avant la séance où nous avons instruit son cas sur le plan disciplinaire. Dans un autre domaine, celui de la prévention, la loi sur l’audiovisuel public prévoit d’imposer des émissions sur ce sujet à la télévision publique. Or, personne n’a pris le décret d’application. C’est quand même étrange.

Pourquoi n’y a-t-il pas de vraie volonté de lutter contre le dopage ?

Un jour, on m’a expliqué qu’il ne fallait pas trop lutter contre le dopage sous peine de perdre l’organisation de compétitions internationales importantes ou de priver les sportifs français de victoires. Devant les enjeux économiques et financiers colossaux du sport business, le mouvement sportif et le pouvoir politique préféreraient peut-être avoir une agence forte mais qui fasse semblant.

Mais si, dans l’avenir, ils ne soutiennent pas davantage le travail d’agence indépendante comme l’AFLD, la lutte antidopage va basculer dans le domaine judiciaire et la lutte contre les trafics en deviendra l’unique fondement. Cette évolution risque d’être rude pour les sportifs.

Source : Le Monde du 28 septembre 2010

2) Le sport business étend sa toile

Dans un entretien au Monde, le président démissionnaire de l’Agence française de lutte contre le dopage détaille l’absence de volonté politique en la matière.

Quatre jours après sa démission (lire nos éditions du 24 et 27septembre) de la présidence de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), Pierre Bordry est revenu dans un entretien accordé au journal le Monde daté du 29 septembre sur les raisons de sa décision. Entre pressions et absence de volonté politique, il explique les difficultés auxquelles l’AFLD est confrontée.

Le détail des pressions

Pierre Bordry rappelle que l’affaiblissement de l’agence est budgétaire. « Cette situation me fait croire qu’il n’y a pas une volonté politique de soutien de la lutte antidopage. » Ensuite, celui qui a été président de l’AFLD depuis sa création, en 2005, détaille les pressions. « On a même connu un ministre (Jean-François Lamour – NDLR) qui nous a demandé de ne pas traiter l’affaire Landis (lire ci-dessous) trois jours avant la séance où nous avons instruit son cas sur le plan disciplinaire. » Ou encore  : « Dans le passé, on m’a dit aussi très clairement  : trouvez les dopés avant le Tour de France mais surtout pas pendant. » Des pressions qui vont au-delà du cyclisme. « Un jour, on m’a expliqué qu’il ne fallait pas trop lutter contre le dopage sous peine de perdre l’organisation de compétitions internationales importantes ou de priver les sportifs français de victoires. Devant les enjeux économiques et financiers colossaux du sport business, le mouvement sportif et le pouvoir politique préféreraient peut-être avoir une agence forte mais qui fasse semblant. »

Un des grands regrets de Pierre Bordry restera aussi « qu’on n’ait pas pu lever les doutes en 2005 » sur Lance Armstrong, quand le laboratoire de Châtenay-Malabry a retrouvé des traces d’EPO dans ses échantillons d’urine prélevés lors de son premier Tour victorieux, en 1999. « À l’époque, c’est le ministre des Sports (Jean-François Lamour – NDLR) qui était le patron du laboratoire et qui a refusé », souligne-t-il.

Des révélations qui ont fait réagir l’ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports, Marie-George Buffet. « Une nouvelle fois, je demande que le budget de l’État permette un financement stable et pérenne à la hauteur des besoins de l’AFLD. L’agence, créée pour garantir l’indépendance de la lutte contre le dopage de toutes les formes de pressions, qu’elles soient gouvernementales ou exercées par le sport business, doit voir son rôle garanti. »

« La lumière doit être faite »

Au sujet de la réaction ironique de Lance Armstrong sur son compte Twitter (« Au revoir, Pierre »), qui, selon les rumeurs, aurait demandé la tête du président de l’AFLD à Nicolas Sarkozy lors de son déjeuner à l’Élysée, le 15octobre 2009, Marie-George Buffet interpelle aussi le gouvernement. « Toute la lumière doit être faite sur le contexte de cette démission. […] L’éthique sportive appelle une condamnation nette de la scandaleuse réaction ironique de Lance Armstrong à cette démission. J’attends que cette condamnation s’exprime du côté du secrétariat d’État chargé des Sports. »

Nicolas Guillermin, L’Humanité du 30 septembre 2010

Lance Armstrong le système de dopage "le plus perfectionné de l’histoire du sport"


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