La violence organisée des travailleurs répond à la violence du système, de ses agressions sociales, de ses violences légales

dimanche 22 mars 2015.
 

Les casseurs, l’UMP et le système capitaliste

Tout autre est la question de "la violence ouvrière". La violence organisée des travailleurs répond à la violence du système, de ses agressions sociales, de ses violences légales. Cette violence-là est légitime. Elle est explicable, raisonnée. Par exemple, ce sont les Molex qui avaient raison de séquestrer les cadres de l’entreprise, car la justice a depuis condamné ces cadres pour les agissements que leur avaient reprochés les ouvriers de Molex. Mais personne ne voulait écouter les ouvriers. Personne ne tenait compte de leurs mises en garde. Aucune autorité n’a réprimé le comportement illégal du propriétaire nord-américain de l’entreprise pourtant condamné par la justice française. Et maintenant le même propriétaire foule aux pieds les pauvres engagements pris a l’époque et se moque du gouvernement français. Trop tard pour réagir, il n’y a plus personne pour combattre. Dans ce cas, et combien d’autres similaires, il n’est d’ailleurs pas exact de parler de violence ouvrière. Il s’agit de légitime défense. Bien plus, ces actions incarnent l’intérêt général bafoué par un intérêt particulier.

A présent ce sont les ouvriers de la raffinerie de Grandpuits qui ont raison et non le ministre qui les fait expulser par la force et en envoie trois à l’hôpital sous les coups. C’est ce que dit la justice quand elle donne raison à la thèse ouvrière selon laquelle la réquisition est une atteinte au droit de grève. La réquisition peut porter sur des cas d’application particulier comme les véhicules prioritaires. Mais pas comme moyen de limiter la grève elle-même. Au cas particulier, les grévistes de Grandpuits sont en droit de dire que c’est le gouvernement qui était dans l’illégalité et ses violences sont dès lors des délits. Non seulement parce que les dispositions d’expulsions sont prises au nom de fumeux impératifs de défense. Mais aussi parce que le droit international prévoit et condamne le recours à la force dans de telles situations. J’ai reçu une précieuse démonstration juridique dont la portée va au-delà du seul cas de la raffinerie de Grandpuits.

A Grandpuits, le gouvernement viole ses obligations internationales. La convention numéro 87 de l’organisation internationale du travail (OIT), adoptée en 1948 empêche la police de briser une grève par la force. Cette Convention fait partie des « normes fondamentales du travail », c’est-à-dire qu’elle doit être mise en œuvre par les Etats membres de l’OIT même s’ils ne l’ont pas ratifiée. La question particulièrement aigüe et spécifique des piquets de grève a été discutée au sein du comité de la liberté syndicale de l’OIT. Cet organe est chargé de faire respecter la liberté syndicale. Elle l’a été aussi par le comité des experts sur l’application des conventions et recommandations de l’OIT. L’OIT a donc pris la peine de codifier les décisions de ses organes « juridictionnels ». Voici des extraits de ses décisions. Ils forment le cadre juridique international qui s’impose à la France. Selon le comité de la liberté syndicale, les piquets de grève, s’ils sont organisés dans le respect de la loi, « ne doivent pas voir leur action entravée par les autorités publiques ». Leur interdiction « ne se justifierait que si la grève perdait son caractère pacifique ». Le seul fait de participer à un piquet de grève et d’inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va [...] autrement lorsque le piquet de grève s’accompagne de violences ou d’entraves à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes.

Or y a-t-il eu un quelconque acte de violence de la part des grévistes des raffineries ? Clairement non. Poursuivons la lecture des décisions :relevant que « les piquets de grève visent à assurer le succès de l’action en persuadant le plus grand nombre possible de gens de ne pas se présenter au travail », la commission d’experts constate ce qui suit : « les tribunaux ordinaires ou spécialisés sont généralement chargés de régler les problèmes qui peuvent se poser en la matière. Peut-être plus que pour tout autre sujet, la pratique nationale est importante à cet égard. Simple moyen d’information dans certains pays excluant toute possibilité d’empêcher l’entrée au travail des non-grévistes, le piquet de grève peut être considéré ailleurs comme une modalité du droit de grève et l’occupation des lieux de travail comme son prolongement naturel, [actions] rarement remis[es] en cause dans la pratique, sauf cas extrêmes de violence sur la personne ou de dommages aux biens. [...] les [restrictions] aux piquets de grève et à l’occupation des locaux devraient être limitées aux cas où les actions perdent leur caractère pacifique ». Conclusion : non seulement c’est à un tribunal indépendant de décider de toute restriction au piquet de grève, mais encore cette restriction doit elle être justifiée au par la perte du caractère pacifique dudit piquet. En délogeant les grévistes pacifiques de leurs piquets de grève devant les raffineries, la France viole ouvertement ses obligations internationales. Le raisonnement vaut pour tous les cas similaires. Faites le savoir.

Donc tous les arrêtés de réquisitions des raffineries sont illégaux. Je suis certain que les sarkozystes vont répliquer. Mais ils viennent de subir un rude très rude revers. Ce n’est pas le dernier selon moi. Le nombre de gens dans les grands appareils régaliens qui refusent de se faire utiliser pour servir la politique d’affrontement voulu par le pouvoir va aller croissant. J’ai connaissance d’un nombre remarquable de cas où des policiers font valoir leur droit de retrait compte tenu de leur état de fatigue et de la faible motivation à aller au contact. Je sais que dans plus d’un cas ça traine sévèrement la patte pour y aller. Les exceptions de violents qui ne se contrôlent pas ne doivent pas faire perdre de vue que les policiers ne sont pas une armée d’occupation et ne doivent pas être regardés ni traités comme tels. Nombre d’entre eux sont d’ardents républicains. Leur obéissance devrait bien sûr connaitre une limite si des ordres contraires aux droits de l’homme leur étaient donnés. Mais pourtant, ne perdons pas de vue que personne ne demande que la police apprécie librement l’opportunité des ordres qui lui sont donnés ! Ce serait un comble ! Car sinon nous ne serions plus en démocratie bien longtemps. Son devoir est de servir et d’obéir. Et nous sommes tout autant dans notre devoir lorsque nous nous opposons au gouvernement par les moyens que nous utilisons comme la grève et la manifestation qui sont des droits constitutionnels.


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