"Fin de concession" (film de Pierre Carles) sur les écrans : TF1 comme symbole de la puissance du fric

dimanche 31 octobre 2010.
 

"Fin de concession", le dernier film de Pierre Carles, relève du comique supérieur, avec des accumulations d’effets qui produisent des explosions de rire à la hauteur des meilleures pièces comiques, je pense à Beaumarchais. Ceux qui pointent le "narcissisme" du film parce que "Pierre Carles" apparaît à l’écran, lui et son obsession tenace, ne comprennent rien à rien et doivent s’abreuver de littérature à faire réchauffer les mauvaises soupes dans les chaumières.

C’est un film somme, où l’auteur reprend les mécaniques comiques de certains de ses précédents, en les poussant au maximum de leurs impossibilités avec un art de la mise en abyme qu’il n’avait pas atteint précédemment. Il ne peut désormais, pour de prochains films, que changer de registre.

On reprochera les longueurs : fadaises ! il faut du long pour cueillir le spectateur et le ravir lorsqu’il s’y attend le moins.

Le "narcissisme" que pointent les crocodiles du Web ? Qui ne voit que Pierre Carles a construit depuis "Pas vu pas pris" non seulement un attrape-puissants comme il est des attrape-souris, mais un "Personnage", et que celui que nous voyons à l’écran, doutant, mordant, se grimant, charmé, teigneux, que sais-je encore, ce n’est pas lui, mais ce personnage qui dit se nommer "Pierre Carles" ou "Pedros Carlos". Personnage fictif de toute façon, et qui piège ceux qu’ils rencontrent de sa pierre à fiction. Pauvre Villeneuve qui ne sait pas que la caméra tourne déjà ! quels grands professionnels que ces gogos ! De gros poissons qui découvriraient les mailles d’un filet en passant être dans un hamac !

"Fin de concession" n’est pas sans évoquer "Lost in la Mancha", et le héros impuissant de Pierre Carles, accompagné de ses accolytes brossés en personnages secondaires, puise abondamment à la source de Cervantès : "Pierre Carles" à cet accent "de la Mancha" même s’il lui manque Sancho Pança. Il mouline de même devant les grandes forteresses de la télévision et de la finance, touche du doigt la bouche carnassière des grands loups qui nous gouvernent, se laisse attendrir par les belles journalistes qui ne sont que des aubergistes, inventent des tours de passe-passe burlesques en mongolfière pour toucher le graal, repeint en or les chevaux à essence des courtisans bas sur pattes, se retrouve le bec dans l’eau, le nez dans la tarte framboise, se casse la gueule et remonte, les os brisés, emportés par des agents de basse sécurité et de basse police... Don Quichotte, et aussi, un peu, Woody Allen pour un aspect nouveau chez un personnage qui s’était allongé sur le divan il y a quelques temps : la fragilité devant les femmes, la maladresse charmeuse, le scenario ubuesque pour parvenir à...

"Fin de concession" est un ratage génial ! "Rater encore", écrit Beckett, "rater mieux". Pierre Carles a raté dans les grandes largeurs ! Il a raté grandiosement et tous ses personnages avec. TF1 n’est qu’un prétexte, Véolia ou Bernard Tapie aurait pu faire l’affaire. Mais TF1, c’est le sommet ! TF1 c’est le système de la droite avec toutes ses dents et ses grosses ficelles qui vous emballent le bon peuple dans son miroir déformant. Derrière l’écran, derrière les images, de l’argent coule à flot dont on nous cache la délicieuse musique que cela fait dans le gosier des actionnaires sur canapé. Ce que les personnages du film rêvent d’atteindre et de faire s’écrouler, est inatteignable : la puissance du fric dans toute sa force de bêtise qui s’impose à nos pauvres vies. Au mieux le film coupe ici ou là quelques vieilles branches de la vieille hydre qui digère tout (voir l’impertinence de Canal +...), quelques vieux fusibles où ne passe plus que peu de courant (Mougeotte, Cavada, Hervé Bourges...). Déjà les chevaliers aux dents longues, les jeunes lions comme Montebourg, regrettent et se prosternent en faisant semblant du contraire. Tout le système médiatique ne repose que sur de la croyance, et un rien peut l’abattre. David Pujadas agite la machine à regrets comme d’autres la machine à claques dans un mauvais film des années 80, pour nous arracher notre faculté de colère : "vous regrettez les violences ! ", "vous vous excusez des propos tenus sur TF1 !"

C’est le risque de toute oeuvre d’accepter de ne pas réussir, ou plutôt d’accepter de réussir là où on ne l’attend pas. Les personnages gauches et tenaces de Pierre Carles rendent involontairement hommage à la puissance dont ils frôlent les moustaches. Des plumes et du goudron ? C’est encore trop Lucky Luke, trop peu pour de grands nuisibles comme Pujadas ou Sarkozy, Ockrent ou Besson... La séquence où apparaît Jean-Luc Mélenchon surprend par sa longueur, sa place dans le récit, son articulation avec cette idée forte qui est à elle seule tout un programme : Qu’ils s’en aillent tous ! Pierre Carles s’engage en politique visiblement. Dire cette simple phrase "Qu’ils s’en aillent tous !", c’est déjà énorme si l’on juge à la pauvre tête du télé-économiste Marc Touati qui sent la lame glacée d’une guillotine en regardant des images. La force actuelle de Mélenchon, et le film lui rend hommage comme à Xavier Matthieu dans le champ de la lutte sociale, c’est d’énoncer clairement, fermement, avec intelligence et ténacité, ce que les oreilles des puissants de peuvent souffrir. Oui un autre monde est possible et nous pouvons nous saurions faire sans ceux qui se prennent pour les importants. Assez vu ceux qui insultent l’intelligence du haut de leurs escarpins à talonnettes ! Alors oui "FIN DE CONCESSION" : "QUE SE VAYAN TODOS" !!!

Raymond Macherel

Animateur de la Télé de Gauche

www.lateledegauche.fr


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