Les pions AED en grève ce mardi 19 janvier 2021 pour ne pas être sacrifiés

jeudi 21 janvier 2021.
 

6) Les assistants d’éducation ne veulent plus être des pions (Mediapart)

18 janvier 2021 Par Juliette Loiseau

Avec la crise sanitaire, leurs conditions de travail ne font qu’empirer. Tous payés au Smic, souvent à temps partiel, des « surveillants » dénoncent leur précarisation et appellent à une grève ce mardi.

« On court partout. » Avec le Covid-19, Sophie, assistante d’éducation (AED) dans un collège à Paris, a vu sa charge de travail considérablement augmenter. « On passe nos journées à faire respecter le protocole sanitaire, les masques, le gel, les distances, en essayant de ne pas lâcher nos missions pédagogiques. »

Dans les établissements, les assistants d’éducation assurent « la surveillance et l’encadrement des élèves pendant tout le temps scolaire », selon la circulaire de l’Éducation nationale. Ce sont celles et ceux que certains appellent encore les « surveillants » ou les « pions ». « Les missions sont floues, les établissements peuvent nous confier un peu n’importe quoi », estime Stephan, assistant d’éducation au lycée Victor-Hugo à Marseille.

Quand il a fallu mettre en place le protocole sanitaire pour rouvrir collèges et lycées, les assistants d’éducation « ont bouché les trous ». « Il y a davantage d’accueil au portail à faire pour leur mettre du gel hydroalcoolique, plus de services le midi, des récréations plus longues à surveiller pour que les élèves n’y soient pas en même temps, liste Léo, 28 ans, AED dans un collège d’Angers. Nous sommes tout le temps mobilisés, sans moyens supplémentaires. »

Le moment le plus « ubuesque » pour Sophie, militante à Sud Éducation, c’est la gestion de la cantine. Dans beaucoup d’établissements, le choix a été fait de ne pas mélanger les niveaux et donc de multiplier les services. « On doit surveiller que les 6e ne se mettent pas avec les 5e, assurer la désinfection entre chaque service, aérer, nettoyer les tables, récupérer les masques, avec zéro formation ou protection supplémentaire », précise l’assistante d’éducation.

La crise sanitaire a été le catalyseur de leur colère. Il y a eu, d’abord, une grève des AED à Marseille le 19 novembre, à l’appel du collectif 13 AED, dont fait partie Stephan ; puis une mobilisation nationale le 1er décembre, ralliant des collectifs départementaux. D’après les chiffres de ces derniers, 1 000 établissements auraient été concernés. Enfin, mardi 19 janvier, des AED doivent entamer une grève reconductible pour être reconnus et sortir de la précarité, prévoyant de rejoindre celle de l’Éducation nationale le 26 janvier.

Mais la précarisation du statut, le manque de moyens et de reconnaissance étaient installés bien avant le Covid-19. Les protocoles sanitaires ont simplement « exacerbé tout ce qui [leur] pesait, notamment le mépris de l’institution », confie Yann, 37 ans, AED dans un collège de l’Hérault depuis cinq ans. « Notre travail, ce n’est pas que [les missions de surveillance], dit-il. Personne n’a compris notre rôle dans l’accompagnement des élèves et de leur scolarité. » Il y a des tâches administratives, comme le suivi des absences ou la vérification des carnets, l’aide aux devoirs, mais aussi « un boulot d’assistante sociale », selon Léo.

Ce sont eux qui recueillent la parole des élèves, les conseillent et font remonter les problématiques à la vie scolaire. « On fait face aux inégalités scolaires et sociales des élèves, et on essaie de les aider, indique Anna, 25 ans, AED dans un lycée de Loire-Atlantique. Les situations familiales sont parfois très compliquées et encore plus explosives depuis le confinement. Les liens avec les élèves se sont beaucoup dégradés à cause de la charge de travail supplémentaire. On peut repartir chez nous avec un gros bagage émotionnel. »

« On est multi-tâches, insiste Sophie. On pallie le manque de personnel. Dans mon collège, il n’y pas d’infirmière scolaire à temps plein et c’est forcément quand elle est absente qu’il y a une crise. J’ai passé 25 minutes à serrer une élève dans mes bras la semaine dernière parce qu’elle faisait une crise de suffocation. » Dans d’autres établissements, les assistants d’éducation font le travail d’une conseillère principale d’éducation (CPE) non remplacée, ou bien celui d’une secrétaire dont le poste est vacant.

« Les assistants d’éducation sont des rouages invisibles mais d’une importance capitale dans un établissement scolaire, illustre Pierre Priouret, professeur de mathématiques et secrétaire départemental du Snes-FSU à Toulouse. Ils sont un point d’entrée important pour comprendre les élèves. Ils connaissent l’état du climat scolaire. Ils aident à détecter et désamorcer les situations explosives. »

Or, pour assumer toutes ces responsabilités, les assistants d’éducation ont un statut très précaire. Depuis 2003, ils sont embauchés directement par les chefs d’établissement avec des contrats renouvelables tous les ans, dans la limite de six années. Le tout payé au Smic.

« Les établissements préfèrent souvent des temps partiels pour avoir plus de flexibilité dans leurs effectifs, indique Léo. Je suis à 70 % et j’ai demandé à passer à temps plein. Ça a été refusé et une étudiante a été embauchée à temps partiel à la place. » D’après le bilan social 2019-2020 de l’Éducation nationale, 54 % des assistants d’éducation sont ainsi en temps partiel imposé. « Avec 600 euros par mois à mi-temps, beaucoup de collègues sont obligés d’avoir un double emploi », atteste Stephan.

Les assistants d’éducation sont également les seuls à ne pas toucher la prime versée aux personnels travaillant dans des établissements du réseau d’éducation prioritaire. « Les premiers concernés par les difficultés sociales, ce sont les AED, insiste Sophie. C’est sur nous que retombent les violences sociales, et on ne touche pas cette prime. On parle quand même de 300 euros pour un temps plein. Cette prime représente un tiers de mon salaire, vous imaginez ? Pour les établissements, on n’est que des pions interchangeables, n’importe qui pourrait faire notre travail… Ils n’ont qu’à nous remplacer pour s’en rendre compte. »

Le couperet des six ans empêche également toute évolution. La non-titularisation est justifiée par le fait que ce statut « est réservé aux étudiants », explique Yann, « sauf que c’est faux : la création des assistants d’éducation a justement permis d’embaucher des personnes qui ne sont pas en études, comme moi ». Les postes sont d’ailleurs de moins en moins occupés par des étudiants, à peine 20 % d’après les sondages de plusieurs collectifs d’AED, avec une grosse disparité entre les établissements scolaires urbains, à proximité d’universités, et ceux de campagne. Reconversion professionnelle, emploi alimentaire… : les situations sont variées pour les non-étudiants.

« En juin, des collègues seront au chômage car ils auront fait leurs six années et ne pourront pas être renouvelés », alerte Yann. C’est le cas de Stephan à Marseille. « Ce n’est pas mon souhait de me retrouver au chômage. J’adore travailler en collège, j’y serais bien resté. Ce qu’on voudrait, c’est un vrai métier, celui d’éducateur de vie scolaire, et qu’il soit pérennisé. »

5) Les pions en lutte pour ne pas être sacrifiés par Macron

Video Le Media : https://www.lemediatv.fr/emissions/...

On les connait plus souvent sous le nom de surveillant, surveillante, pion ou pionne. Les assistants d’éducation, les AED, étaient en grève mardi 1er décembre.

Rassemblés devant le métro Solférino dans le 7ème arrondissement de Paris - à proximité du Ministère de l’Education Nationale - ils réclament de meilleures conditions de travail, un meilleur salaire, et une reconnaissance de leur statut. Ce statut créé depuis 2003 est jugé trop précaire.

Employés en CDD pour un an, renouvelable six fois, ils réclament également la titularisation des AED, pour ceux qui souhaiteraient continuer sur cette voie. La crise du COVID-19 n’a évidemment rien arrangé à leurs conditions de travail. Travaillant dans des établissements exigus et au contact des élèves au moment où ces derniers ne portent pas leurs masques, les AED semblent particulièrement exposés au virus. Le Média TV s’est rendu sur place pour rencontrer ces assistants d’éducation et couvrir leur mouvement.

4) Grève : Les Assistants d’Education ont fermé les vies scolaires ce mardi 2 décembre 2020

https://rapportsdeforce.fr/classes-...

Pour la première fois depuis la création de ce statut qui a remplacé les emplois étudiants de « pions » en 2003, les assistants d’éducation ont été en grève le 1er décembre aux quatre coins du pays. Yann, assistant d’éducation dans un collège à Agde (Hérault) a répondu à nos questions sur les raisons de ce conflit inédit..

Peux-tu nous dire quelle a été la genèse de ce premier mouvement national des AED ?

La grève nationale de mardi est venue d’une grève qui a eu lieu dans l’académie de Marseille sur la question du statut des AED le 19 novembre. Ce sont eux qui ont lancé un appel aux autres académies. C’est parti dans tous les sens et des collectifs se sont rapidement montés un peu partout avec un consensus sur les revendications portées.

Ici, nous avons commencé à quelques-uns, puis avons contacté d’autres établissements. Nous nous sommes rejoints puis répartis les vies scolaires à contacter pour prendre la température et leur parler de la mobilisation. Cela s’est fait de façon très simple, très spontanée, chacun apportant sa patte, ce qui était très rafraîchissant. Il y a eu une très bonne réception dans les vies scolaires parce que le vécu est partagé. C’est la première fois que je vois un tel élan, où tu n’as pas vraiment besoin d’aller chercher les gens.

Quelles sont les raisons qui poussent les assistants d’éducation à se mettre en grève le 1er décembre ?

C’est maintenant la troisième génération d’AED, vu que ce sont des contrats qui sont limités à 6 ans. Il y a une accumulation de mécontentements, avec au centre la question de la précarité. Nous avons des contrats renouvelables chaque année. Tu as toujours peur que ton contrat ne soit pas renouvelé. De plus, il y a une multitude de temps partiels, des 50 % ou des 75 %. Et le travail d’AED, c’est plus de 40 heures semaines (35 heures annualisées – NDLR) pour un SMIC. Avec une absence de formations, de débouchés, et aucune qualification au terme des 6 années, alors que ces 40 heures par semaine ne laissent pas de temps pour faire autre chose.

En plus, les établissements et les rectorats tirent sur la corde. Dans la période actuelle, l’arrivée des protocoles sanitaires a fait l’effet d’une étincelle. La charge de travail des assistants d’éducation a été augmentée, parfois les pauses raccourcies. Ils ont fait peser une charge sur nos épaules qui était bien trop importante et inacceptable. Cela n’a fait que renforcer toute la colère et le mal-être qui existait déjà, au point que la situation devienne irrespirable pour beaucoup d’AED. Ils se sont saisis de cette date du 1er décembre pour se regrouper et montrer leur colère. C’est ce qui domine dans les vies scolaires. Mais très vite, les AED avec lesquels nous sommes en contact ont considéré que le cœur du problème était le statut.

Un statut qui nous donne le sentiment d’être parmi les personnels les plus méprisés et les moins considérés de l’Éducation nationale. Tout cela est remonté avec la mise en place des protocoles sanitaires. D’autant que celui-ci a réduit notre fonction à son aspect purement sécuritaire. Cela a été vécu comme quelque chose de dégradant par beaucoup d’AED.

Quelles sont vos revendications ?

Sans qu’elles soient à 100 % homogènes partout, le premier point est lié au statut. Nous portons une demande de titularisation. Certains la déclinent sous la forme d’un passage en CDI, nous, en réclamant une inscription dans un statut de la fonction publique. En tout cas, ce que veulent les AED c’est une pérennisation de leur statut. Il est aussi question de la fin de la limitation à 6 ans.

Nous demandons aussi la prime REP pour tous nos collègues travaillant en éducation prioritaire, et qui en sont exclus. Également, un plan d’embauche massive dans les vies scolaires parce qu’à l’heure actuelle les collègues absents, malades, ne sont pas remplacés, alors que les équipes fonctionnent déjà à flux tendus depuis des années. Nous demandons aussi un allègement de la semaine de travail sans perte de salaire et sans la perte des vacances. Dans l’Hérault, nous demandons un 35 heures par semaine, mais à Paris ils réclament un passage aux 32 heures, comme au temps des surveillants d’externat avant 2003.

Il y a eu beaucoup de mobilisations dans l’éducation cette année. Avez-vous des liens, voire du soutien, avec les enseignants et les syndicats de l’Éducation nationale ?

Nous verrons après le 1er décembre sa portée, mais il y a déjà du soutien de la part de collègues titulaires enseignants et de quelques conseillés principal d’éducation (CPE). Du côté syndical, nous avons reçu beaucoup de soutien de Sud-éducation qui a respecté l’autonomie de notre mouvement, mais aussi de la CGT-EducAction qui était très active à Marseille, où la mobilisation a été initiée. Cela rassure les collègues AED qui sont très peu syndiqués.

3) M. Jean-Luc Mélenchon attire l’attention de M. le ministre de l’action et des comptes publics sur la situation particulièrement précaire des assistants d’éducation (AED)

Ces agents contractuels, recrutés en contrats à durée déterminée, renouvelable tous les ans pendant six ans maximum, connaissent des conditions de travail particulièrement difficiles malgré leur rôle essentiel dans la vie des établissements scolaires. Les assistants d’éducation assurent au quotidien des missions d’accompagnement, d’orientation, de surveillance et de suivi administratif des élèves. À tout moment, ils pallient le manque de personnel, assurent les permanences en cas d’absence de professeurs et assurent un lien indispensable avec les élèves.

Ces missions sont assurées dans des conditions de précarité particulièrement difficiles. Rémunérés au salaire minimum, les assistants d’éducation n’ont droit à aucune prime ni compensation d’heures. Ils ne peuvent prétendre à aucune formation ni validation des acquis de l’expérience en fin de contrat. De fait, leur poste ne bénéficie d’aucun cadre juridique et n’est pas reconnu comme un véritable métier. Ils se retrouvent au bout de six ans sans emploi ni formation. Au regard du rôle joué par les assistants d’éducation dans les établissements, il apparaît nécessaire que ceux-ci puissent bénéficier d’un poste stable. La loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 dite « loi Sauvadet » oblige le renouvellement en CDI au bout de six ans de CDD pour permettre une certaine stabilité aux contractuels de la fonction publique. Il est aberrant que l’État mette fin aux missions de ces agents à l’échéance des six ans et les renvoie à un avenir professionnel incertain.

Alors que les premiers contrats arrivent maintenant au bout des six ans et que des milliers d’assistants d’éducation vont se retrouver au chômage, il lui demande de mettre fin à la précarité comme seul cadre du poste d’assistant d’éducation. Il demande une revalorisation des salaires, en assurant sans délai la restructuration juridique de ce métier indispensable.

Source : https://melenchon.fr/2019/04/13/que...

2) Pourquoi on nous appelle les pions…

Le souhait de me familiariser avec l’enseignement m’a décidé, pour financer mes études de philosophie-lettres modernes, à travailler dans mon ancien collège de l’Essonne. J’ai pu voir l’envers du décor et obtenir la réponse à ma question de collégienne  : « Pourquoi sommes-nous si méprisés par les surveillants et le personnel administratif  ? »

Dans une journée type, il nous est demandé à toutes les heures de surveiller les élèves, mais aussi de les accompagner dans leurs difficultés de vie scolaire, de prendre contact avec leurs parents, et ce, tout en assurant nos fonctions sur chaque poste au sein de l’établissement  : l’ouverture et la fermeture du portail, l’accueil des élèves en vie scolaire, celui des parents, la surveillance dans la cour, les couloirs, les coins, les toilettes, etc. Le descriptif de notre fonction, rédigé et donné par les conseillères principales d’éducation (CPE), explique que « politesse et courtoisie sont des pré-requis essentiels  : on s’arme de son plus beau sourire et on se regonfle de patience ». Indispensable en effet, lorsque, dans une journée de dix heures, nous étions seulement quatre surveillants pour côtoyer sept cents élèves, avec en tête ces exigences, précisées dans le même formulaire officiel  : « Le collège est notre territoire, pas celui des élèves. Et c’est par notre présence en tous lieux et inopinée que nous le marquons. » Cette brochure de formation, qui surnomme aussi les élèves « les monstres », montre à quel point le terme d’« éducation » est ambigu. En effet, à quoi devons-nous éduquer les enfants, sinon à subir le mépris des adultes, qui sont contraints d’agir la plupart du temps dans l’urgence et par réflexe  ? La duplicité de la hiérarchie qui exigeait des pions d’être efficaces dans la discipline mais qui ne les contrôlait ni ne les accompagnait humainement transforme l’idée vertueuse que l’on se fait de notre travail d’« assistant d’éducation »  : il devient celui du chien de garde. Comment l’éducation nationale conçoit-elle l’« éducation » lorsque dans les faits, elle contraint chacun à désapprendre le respect de l’autre  ? Les enjeux éducatifs n’étaient finalement que de « surveiller et punir » les élèves. Notre corps devient le « panoptique » du système carcéral que Michel Foucault décrit dans Naissance de la prison.

Si je parle au passé, c’est que cette aventure auprès des adolescents a pris fin quelques mois plus tard. À l’occasion de mon changement d’emploi du temps, en milieu d’année, la principale est même allée jusqu’à me suggérer de sécher certains cours à l’université pour travailler au collège. C’était ça ou je n’avais qu’à démissionner. Voilà comment l’emploi de surveillant se passe d’« éducation ».

Dans un système perverti par le manque de moyens, où les mots ont perdu une bonne partie de leur signification, mon ambition de travailler comme professeur plus tard se trouve aujourd’hui remise en question. À moins d’un changement profond de politique éducative.

Hélène Allain, 21 ans.

1) Le malaise des pions

Manque d’effectifs et de temps pour étudier, incertitude de l’avenir… En bute à un statut chahuté, les assistants d’éducation redoutent la précarisation d’une profession qui n’en a jamais été une.

« Le problème, ce n’est pas les élèves. C’est qu’il y a de moins en moins d’adultes pour les encadrer ». Christelle, assistante d’éducation au collège de Saint-Denis-lès-Bourg, résume les inquiétudes d’une profession qui n’en a jamais été une. Il serait plus juste de parler d’un statut chahuté. Les maîtres d’internat et surveillants d’externats (MI-SE) des collèges et lycées - les « pions », quoi - avaient été créés en 1937.

La loi Ferry d’avril 2003 les a remplacés au fur et à mesure des renouvellements par des assistants d’éducation (A.E.D). Les tâches restent à peu près les mêmes, mais le statut s’avère radicalement différent. Alors qu’un MI-SE à temps plein devait 28 heures à l’Éducation nationale, un A.E.D en effectue entre 35 et 40. Les établissements ont gagné de la surveillance. Les surveillants n’ont rien gagné du tout à travailler plus pour un salaire au ras du bitume. Et ils ont perdu le temps qui leur permettait d’étudier. C’est leur première récrimination. Nicolas Jambon, secrétaire départemental du Snes, note « un changement de nature des candidats, surtout dans les zones rurales où l’on voit arriver de plus en plus de jeunes qui ont arrêté leurs études, de mères de familles, de jeunes retraités… et de moins en moins d’étudiants. La plupart du temps, les MI-SE se destinaient à l’enseignement. La surveillance leur fournissait l’occasion d’un premier contact avec les élèves, un outil de promotion sociale. Ils mouillaient la chemise. Ce n’est plus forcément le cas pour des A.E.D payés au lance-pierres ». Pire. Les syndicats redoutent une précarisation de la fonction avec le recours aux contrats aide emploi (C.A.E), devenus contrats uniques d’insertion (C.U.I) au 1er janvier. Le dispositif permet à un chef d’établissement de demander des surveillants complémentaires issus du Pôle-Emploi. Des personnes « éloignées de l’emploi » qui trouvent ici un moyen d’insertion. De là à penser qu’elles pourraient pallier les carences en A.E.D, il n’y a pas loin.

Voir le cas de Saint-Denis-lès-Bourg. « À la rentrée, l’inspection d’académie nous a annoncé qu’elle ne transformerait pas la surveillante en assistant(e) », explique la C.P.E Stéphanie Wafflart. « À la place, elle nous a proposé deux contrats d’aide à l’emploi. Nous sommes actuellement en cours de recrutement. En attendant, nous avons perdu 28 heures de surveillance ». Nicolas Jambon, lui, invoque le risque que ferait courir aux élèves une main-d’œuvre précaire, aussi éloignée de l’encadrement que l’emploi. Ce qui fait bondir l’inspecteur d’académie Philippe Sauret. « Ces personnes sont dûment sélectionnées et je peux vous affirmer qu’elles ont la tête sur les épaules. Même si elles ne destinent pas toutes à enseigner, elles sont motivées par leurs tâches. Elles bénéficient d’un environnement favorable, d’un tremplin pour l’emploi. C’est d’ailleurs dans ces contrats que l’on trouve les assistants de vie scolaire en charge d’un élève handicapé. Jamais il ne me revient une différence qualitative avec les A.E.D. ». « D’accord pour l’accompagnement à l’emploi et l’insertion, à condition que la base d’encadrement soit suffisante. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui » répond Stéphanie Wafflart. À côté d’elle, Sébastien, 31 ans, assistant d’éducation en fin de droit, est désabusé. « Je prépare un Capes de physique chimie. Si je le rate, je me retrouve au Pôle-Emploi, la plus grande entreprise de France ».

« J’aime mon travail, je vais le quitter »

(Christelle Larderier, 32 ans, assistante d’éducation au collège de Saint-Denis- lès-Bourg)

"Je suis assistante d’éducation à mi-temps, par choix, pour continuer mes études. J’en assume les conséquences financières et alimentaires. Je vois les journées de mes collègues à temps plein… On a la responsabilité d’adolescents, on est toujours sollicités pour plein de choses. Quand on a fini la journée, on ne va pas s’y remettre. Comment préparer un concours dans ces conditions ? J’ai aussi un mi-temps de médiatrice, et je présente un mémoire de médiation familiale. J’en suis à ma quatrième année d’A.E.D, la dernière j’espère. J’aime mon travail. Si tout se passe bien, je vais le quitter bientôt. Il est supposé être un tremplin vers l’emploi, non ?"

« Cette activité me laisse peu de temps à côté »

(Cyril Marguin, 22 ans, assistant d’éducation au collège de Bagé-la-Ville)

"Je passe actuellement des concours pour rentrer dans une école d’assistance sociale. Après mon bac STT, je ne savais pas trop quoi faire. J’ai pu avoir un poste d’assistant d’éducation à Bagé où j’étais élève. Je surveille les études, les récréations, entre midi et deux… Je fais un peu de soutien et d’accompagnement éducatif. 1 607 heures à l’année, environ 40 heures par semaine pour un peu plus de 1 100 euros net. Ce métier m’a beaucoup aidé à trouver ma voie. Mais il laisse peu de temps à côté pour préparer les concours. J’essaie de prendre une heure de temps en temps… J’en suis à ma quatrième année de surveillance. Il me reste deux rentrées, sachant que nous sommes limités à six ans. Si je réussis les concours, ça va. Sinon, je ne sais pas."

(Source : Ain en lutte, M. Dazy, Le Progrès, 25 janvier 2010)


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