Le chanteur sort La vie est une truite arc-en-ciel qui nage dans mon cœur, album où il fait part de ses joies et de ses révoltes.
« Tous les jours, je suis en rage, en colère »
Votre album est plus rock que vos précédentes productions. Pourquoi ce choix ?
Cali. C’est tout ce que j’aime en musique. Ma discothèque, c’est 80 % de groupes anglo-saxons très rock, punk. J’essaie à mon âge de me refaire une nouvelle jeunesse ! J’ai demandé à Geoffrey Burton, guitariste d’Arno, Higelin, Bashung, Iggy Pop… qui a un son majestueux, très rock, de réaliser le disque. Il a trouvé un son et voulu enregistrer live. On a rajouté un petit écho à ma voix, qui ajoute au côté rock. Du coup, je deviens un anglais qui chante en français !
Le côté amour et rage, c’est vous dans la vie ?
Cali. C’est une synthèse de moi, de mes proches, d’une journée de ma vie, peut-être. La personne avec qui je vis depuis dix ans, on se déchire tous les matins et tous les soirs on se retrouve pour la vie à nouveau. C’est usant, mais c’est ma vie. Mon moteur, c’est la passion et cette idée de l’amour fou, inconditionnel. Il faut que ces moments soient forts ou sinon, on triche avec la vie.
Vous avez toujours été rugby. Et là, vous chantez Cantona…
Cali. Dans cette chanson, le sport est secondaire. Cantona, j’avais son poster dans ma chambre avec le numéro 7, maillot rouge, col relevé. Je suivais ses exploits en Angleterre et sur tous les stades. C’est cela un héros. Le monde est à ses pieds quand il marque un but incroyable et le jour d’après, il est un paria parce qu’il insulte l’entraîneur de l’équipe de France… Ce côté obscur et lumineux, c’est ce qui fait un homme. On en a marre des gens lisses. Cantona, il était à fond. Il est allé très loin dans le foot et il ira très loin dans le cinéma. Il est un message d’espoir pour les générations qui s’identifient à sa façon de vivre et de s’exprimer. Nous sommes proches. Chaque fois que nous avons une discussion, cela m’aide beaucoup.
Parlez-nous de Nous serons tous les deux, où vous évoquez les sans-abri, les sans-papiers…
Cali. En la chantant, je pense beaucoup à Bruno, mon meilleur ami et manager. Depuis toujours, on a les mêmes révoltes. Quand je parle des sans-papiers et des sans-abri, c’est une cassure au milieu de la chanson. Il faut parler de cette honte pour notre pays. Après, comme si je me réveillais de ce cri-là, je me tourne vers les jeunes et je leur dis : « C’est à vous maintenant d’aller sur les barricades et de gueuler. » C’est bien de descendre dans la rue pour dire cela, pour dire que les retraites, ça vous regarde et que ceux qui disent le contraire, ce n’est pas possible.
Il y a aussi Lettre au ministre du saccage des familles et des jeunes existences dévastées…
Cali. C’est une histoire vraie. Au cours d’une soirée un peu arrosée, un policier qui était parmi nous, soudain, m’a pleuré dans les bras : « Je ne veux plus aller rafler à 6 heures du matin des familles ; je ne veux plus mettre dans les centres de rétention des innocents ; je ne veux plus les envoyer dans des charters. » Il était à bout : « J’ai fait ce métier pour d’autres raisons. » Aujourd’hui, nous avons le président le plus impopulaire de la Ve République. On voit que l’opinion est quasiment unanime. Plus personne n’est d’accord avec cette politique d’immigration. Plutôt que de l’attaquer frontalement, j’ai choisi cet angle pour ma chanson.
Ne craignez-vous pas que l’on vous reproche de trop parler de politique…
Cali. Moi, je le prends à l’inverse. Ce n’est pas parce que je suis chanteur que je n’ai pas le droit de dire les choses. Quand j’entends des chanteurs dire : « je n’ai pas d’opinion, je n’en parle pas, ce n’est pas mon rôle », je trouve ça triste, décevant. Pour le coup, ce sont des truites mortes. Je ne peux pas croire que l’on n’ait pas de point de vue. Tous les jours, je suis en rage, en colère.
Un sentiment qui risque de s’amplifier à l’approche de 2012…
Cali. Ce sera peut-être différent. Il y a eu l’album l’Espoir après la période électorale où je m’étais engagé pour Ségolène. Aujourd’hui, je le ferais différemment. Ce combat interne des chefs me gêne de plus en plus. On est à dix-huit mois de l’échéance et on a déjà des combats d’ego. Ce que l’on a envie d’entendre ce sont de vraies idées, des programmes qui peuvent nous faire espérer. Aujourd’hui, on n’a jamais eu autant de monde dans les rues. Cela me rend fou de voir que la gauche est si fébrile, qu’elle ne propose pas des choses qui pourraient tout faire basculer. Je ne me réjouis pas de l’anti-sarkozysme. Je n’ai pas envie que le prochain vote soit juste « contre » quelqu’un. Il faut que ce soit « pour » une politique.
Album La vie est une truite arc-en-ciel qui nage dans mon cœur, EMI.
Entretien réalisé par Victor Hache
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