Mittal : au-delà de l’écœurement

mercredi 3 octobre 2012.
 

Reprenons les faits. Lakshmi Mittal décide voici un an de fermer la sidérurgie à chaud de Liège. Mittal, c’est un représentant de la seule espèce de requin qui ne soit pas menacée de disparition, celle des grands patrons. Mais voilà : pour fermer une usine, il y a des règles en Belgique. La procédure Renault s’enclenche et les discussions à ce propos suivent leur cours, dans la tradition bien ancrée chez nous du dialogue social, même dans les pires situations.

Un an après, nous voilà au bout du processus. Et Mittal annonce que, finalement, ce n’est pas 581 emplois qui seront perdus, mais 795. Cela fait donc un an qu’on ne discutait pas sur les vraies intentions de Mittal ? Qu’à cela ne tienne : il suffit que les syndicats acceptent les changements qui viennent d’être mis sur la table. Et qu’en un mois ensuite ils approuvent tout le reste (plan social, plan industriel). Et aussi, tant qu’on y est, qu’ils s’engagent à ce que leurs affiliés renoncent à tout recours individuel en justice. Et puis, tant qu’à faire, qu’ils acceptent tout de suite le démarrage du processus de fermeture des outils, avant même que les accords ne soient conclus.

Ah, ils ne sont pas contents ? Ah, ils ne sont pas d’accord ? Ah, ils veulent le respect de la loi, le respect des négociations, le respect des paroles données ? Puisque c’est comme ça, on va cesser d’approvisionner une autre ligne (qui n’a rien à voir), on va annuler les investissements promis (de toute façon, cela fait des années qu’on les promet ; ça suffit de promettre sans tenir, ne promettons plus rien)… ça leur apprendra.

Voilà donc comment raisonnent et se conduisent les requins de la finance et de l’industrie, et plus spécialement le requin Mittal. La richesse, la puissance, semblent dans son esprit lui donner le droit de faire tout, y compris ne pas respecter les règles, y compris et surtout mépriser les travailleurs et leurs représentants. Et donc, conduire une région, toute une région, au bord du gouffre, sans aucune vergogne.

Mittal, après tout, n’en est pas à son premier meurtre industriel. Quand fut faite l’annonce de la fermeture du chaud, en 2011, des travailleurs, des tracts de la FGTB Métal Liège-Luxembourg avaient parlé de « génocide social ». Certains observateurs avaient trouvé cela excessif : on voit aujourd’hui qu’il n’en est rien… Ces derniers épisodes me révoltent, évidemment, comme je ne doute pas qu’ils nous révoltent. Nos camarades liégeois doivent savoir que toute la MWB est avec eux, comme ils sont, eux, derrière tous les combats menés ailleurs en Wallonie.

Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas seulement la vie ou la mort d’une industrie, mais la vie ou la mort de toute une conception des relations sociales, basée sur le respect de tous. Et il faut bien le déplorer, Mittal n’est pas le seul de son genre. Dans un exemplaire du journal « Le Soir » de la semaine dernière (daté du 11 septembre), le directeur de la FEB, Pieter Timmermans, explique que les syndicats choisissent de plus en plus de « faire grève, puis discuter ». Il met aussi en cause certaines réactions de la base, comme les blocages de direction ou de lignes de production.

Timmermans parle, en l’occurrence, de « prise d’otages ». Or voilà que M. Mittal prend littéralement en otage des lignes et des travailleurs pour arracher aux représentants syndicaux des signatures sur des dossiers qui n’ont rien à voir. Dans un contexte qui était celui d’une négociation ouverte et loyale, même si elle était dure. Mais dans un climat social qui n’était pourtant pas celui de la grève tous azimuts. Si l’on considère que ce qui est en jeu, c’est la survie d’une industrie structurant l’économie de toute une région, les travailleurs d’ArcelorMittal ont mené un nombre exceptionnellement faible d’action. Non pas par passivité, mais tout simplement parce qu’ils avaient fait le choix de la responsabilité, et parce qu’ils avaient gardé l’espoir.

Cet espoir que Mittal, soutenu dans les faits par le patronat belge – ce que nous ne sommes pas près d’oublier dans les semaines qui viennent – est en train de tuer sans vergogne. Mittal nous écœure, comme nous écœure ce discours qui, surfant sur les difficultés d’une crise dans laquelle les travailleurs ne sont pour rien, cherche, partout où c’est possible, à raboter le droit suprême des travailleurs : vivre décemment de son labeur. Cela, Mittal, Timmermans et consorts s’en foutent. Qu’ils ne soient pas surpris de l’éclosion, après tant de printemps, d’automnes de colère.

par Nico Cué, secrétaire général des métallos MWB (FGTB)


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