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Le vent sauvage de Novembre (poème d’Emile Verhaeren)
Les Soleils de Novembre
Auguste Lacaussade
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Un beau ciel de novembre aux clartés automnales Baignait de ses tiédeurs les vallons vaporeux ; Les feux du jour buvaient les gouttes matinales Qui scintillaient dans l’herbe au bord des champs pierreux. |
Les coteaux de Lormont, où s’effeuillaient les vignes,
Étageaient leurs versants jaunis sous le ciel clair ;
Vers l’orient fuyaient et se perdaient leurs lignes
En des lointains profonds et bleus comme la mer.
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Lente et faible, la brise avait des plaintes douces En passant sous les bois à demi dépouillés ; L’une après l’une au vent tombaient les feuilles rousses, Elles tombaient sans bruit sur les gazons mouillés. |
Hélas ! plus d’hirondelles au toit brun des chaumières,
Plus de vol printanier égayant l’horizon ;
Dans l’air pâle, émanant ses tranquilles lumières,
Rayonnait l’astre d’or de l’arrière-saison.
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La terre pacifique, aux rêveuses mollesses, Après l’âpre labeur des étés florissants, Semblait goûter, pareille aux sereines vieillesses, Les tièdes voluptés des soleils finissants. |
Avant les froids prochains, antique Nourricière,
Repose-toi, souris à tes champs moissonnés !
Heureux qui, l’âme en paix au bout de sa carrière,
Peut comme toi sourire à ses jours terminés !
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Mais nous, rimeurs chétifs, aux pauvretés superbes, De nos vertes saisons, hélas ! qu’avons-nous fait ? Qui peut dire entre nous, pesant ses lourdes gerbes : « Mourons ! mon œuvre est mûre et mon cœur satisfait ! » |
Jouets du rythme, esprits sans boussole et sans force,
Dans ses néants la forme égara nos ferveurs ;
Du vrai, du grand, du beau nous n’aimions que l’écorce ;
Nous avons tout du fruit, tout, hormis les saveurs !
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En nombres d’or rimant l’amour et ses délires, Nous n’avons rien senti, nous avons tout chanté. Vides sont les accords qu’ont exhalé nos lyres ! Vide est le fruit d’orgueil que notre arbre a porté ! |
Tombez, tombez, tombez, feuilles silencieuses,
Fleurs séniles, rameaux aux espoirs avortés !
Fermez-vous sans écho, lèvres mélodieuses !
Endormons-nous muets dans nos stérilités !
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Plus de retours amers ! trêve aux jactantes vaines !… Oui, la Muse eût voulu des astres plus cléments ! Un sang pauvre et le doute, hélas ! glaçaient nos veines : Nous sommes de moitié dans nos avortements. |
Il faisait froid au ciel quand nous vînmes au monde,
La sève était tarie où puisaient les aïeux.
Résignons-nous, enfants d’une époque inféconde :
Nous mourons tout entiers, nous qui vivons sans dieux !
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O dureté des temps ! ô têtes condamnées ! Fiers espoirs d’où la nuit et l’oubli seuls naîtront ! Eh bien, soit ! — Acceptons, amis, nos destinées : Sans haine effaçons-nous devant ceux qui viendront ! |
Succédez-nous, croissez, races neuves et fortes !
Mais nous, dont vous vivrez, nous voulons vous bénir.
Plongez vos pieds d’airain dans nos racines mortes !
D’un feuillage splendide ombragez l’avenir !
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Et vous, ferments sacrés des époques prospères, Foi, liberté, soleil, trésors inépuisés, Donnez à nos vainqueurs, oublieux de leurs pères, Tous les biens qu’aux vaincus la vie a refusés ! Les Automnales (1876) Novembre François Coppée |
Captif de l’hiver dans ma chambre
Et las de tant d’espoirs menteurs,
Je vois dans un ciel de novembre,
Partir les derniers migrateurs.
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Ils souffrent bien sous cette pluie ; Mais, au pays ensoleillé, Je songe qu’un rayon essuie Et réchauffe l’oiseau mouillé. |
Mon âme est comme une fauvette
Triste sous un ciel pluvieux ;
Le soleil dont sa joie est faite
Est le regard de deux beaux yeux ;
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Mais loin d’eux elle est exilée ; Et, plus que ces oiseaux, martyr, Je ne puis prendre ma volée Et n’ai pas le droit de partir. |
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