Souad Massi : « Il n’y a pas besoin de porter un drapeau pour dire je suis contre »

dimanche 30 janvier 2011.
 

La chanteuse revient avec 
"Ô Houria".
 Un album 
aux ambiances folk-rock réalisé avec la complicité 
de Francis Cabrel. Rencontre avant sa Cigale,
le 21 janvier.

ÔHouria privilégie les tonalités folk-rock alors que jusqu’ici vous étiez plutôt world. Doit-on y voir une manière de vous ouvrir 
à d’autres univers  ?

Souad Massi. Je ne sais pas ce que cela veut dire être « world ». Est-ce parce que l’on chante dans une langue étrangère que l’on est considéré comme faisant partie des « musiques du monde »  ? C’est vrai que cet album est plus folk-rock. Je viens de là. Quand j’étais plus jeune, j’écoutais Kenny Rogers mais aussi Neil Young, Bob Dylan, Leonard Cohen, Elvis Presley. J’ai commencé avec la country, le folk, le rock. Après, je suis venue en France et il y avait tellement d’ouvertures, j’avais envie de m’aventurer, d’apprendre, d’essayer des choses.

Vous avez tenu à confier la réalisation de votre album au guitariste Michel Françoise et à Francis Cabrel. Comment vous êtes-vous rencontrés  ?

Souad Massi. Je connaissais Michel avant. Il m’a dit  : « Pourquoi tu ne viendrais pas à Astaffort en studio, j’ai fait écouter à Francis tes maquettes qu’il a beaucoup aimées et on pourrait les réaliser ensemble… » Avec Francis Cabrel, nous avons les mêmes influences. Il adore Leonard Cohen comme moi. J’étais heureuse que l’on soit sur la même longueur d’onde. On se comprenait. Il a joué beaucoup de guitare, d’ailleurs on reconnaît souvent son phrasé, surtout dans le blues.

Vous avez avec lui un très beau duo, Tout reste à faire…

Souad Massi. Une chanson qui, hélas, ne passe pas à la radio et on se demande d’ailleurs pour quelle raison. Cela nous a tous étonnés. Parmi les explications que l’on nous donne, on dit qu’elle est très rock. Il ne faut pas qu’ils écoutent Bruce Springsteen alors  ! Est-ce dû au fait que Francis Cabrel chante en arabe  ? Pourtant, c’est une chanson de paix, qui dit  : « Nous ne sommes pas si différents, allons dans le même sens, construisons ensemble. » C’est le message de cette chanson qui malheureusement n’est pas diffusée. Comme quoi, tout reste à faire (rires)  ! Cela ne nous empêche pas de prendre du plaisir à la jouer sur scène. Que ce soit Francis ou moi, on la défend tant qu’on peut.

Vous chantez en arabe, 
en français ou en anglais. Quelle définition donneriez-vous de votre style  ?

Souad Massi. J’ai cette double culture. J’ai grandi à Alger. J’adore le folk, le rock, la pop et en même temps, j’aime les musiques africaines, les musiques traditionnelles. Tout cela fait partie de moi. Je ne veux pas faire un choix entre toutes ces cultures. Je pense qu’il faut prendre des risques dans la vie et ne pas avoir de regrets. Dans le domaine artistique, ce qui est merveilleux, c’est de tenter des choses nouvelles parce que sinon, on fait tout le temps la même chose et c’est ennuyeux. Regardez, le dernier album de Robert Plant, il y a des sonorités un peu orientales. C’est magnifique. Il faut oser dans l’art, la poésie, la sculpture, la peinture. Sinon, il n’y a pas de création contemporaine. Ce n’est pas grave si on se trompe.

Quelle lecture faites-vous 
de la chanson Une lettre
 à Si H’med  ?

Souad Massi. C’est un ancien maire qui a volé plein d’argent et qui est en prison en ce moment. De ce fait, il y a de nombreux chantiers qui sont arrêtés par manque de budget, des tas de routes ne sont jamais finies. J’en avais marre de cette situation. Cette une chanson politique. Ce n’est pas de la provocation de ma part. Je voulais aider une association de mon quartier qui allait voir la mairie pour se plaindre et qu’on ne prenait pas au sérieux et à qui on faisait sans cesse des promesses… je voulais dénoncer cela à ma façon.

Souad Massi, chanteuse engagée  ?

Souad Massi. Être différente, c’est déjà une forme d’engagement. Le look, la façon de parler, c’est une manière aussi de s’engager. Il n’y a pas besoin de porter un drapeau pour dire je suis contre. On peut être contre de plusieurs façons. User de métaphores dans les chansons, avoir une approche littéraire, cela permet d’imaginer plein de choses. J’adore ça. Je n’ai jamais eu peur de la différence, de ne pas m’habiller comme les autres. Cette différence-là, cela permet aux jeunes, aux gens, de réfléchir autrement. Le fait de se poser des questions, cela peut aider à véhiculer des idées. C’est important.

Album Ô Houria, chez AZ/Universal.

Entretien réalisé par Victor Hache


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