Concurrence libre et non faussée dans les transports

lundi 15 octobre 2012.
 

De directive en règlement, la libéralisation du ferroviaire progresse en Europe. La commission européenne dit vouloir revitaliser le ferroviaire. Son dogmatisme en terme d’ouverture obligatoire à la concurrence empêche pourtant le rail de gagner du trafic à la route. Cette libéralisation ne prend pas nécessairement le visage de la privatisation des opérateurs historiques, mais plutôt celui de la mise en concurrence imposée des entreprises publiques avec des entreprises ferroviaires privées.

L’Union européenne s’entête sans tirer aucun bilan. En Allemagne, pays avec lequel des comparaisons ferroviaires avec la France sont pertinentes, la concurrence n’a permis aucun transfert du trafic routier vers le rail. La DB, la SNCF allemande, a seulement perdu des trafics fret en faveur d’opérateurs privés. Dans les pays où le trafic voyageur est ouvert à la concurrence, la qualité de service a souvent baissé et le prix pour les voyageurs augmenté.

Une libéralisation par étapes

L’Union européenne procède par étapes. En 1991 la commission a adopté une première directive exigeant la séparation entre ce qui relève de l’infrastructure et ce qui est du domaine du transporteur. Le but explicite de cette directive est clair : permettre l’introduction d’opérateurs privés sur des réseaux nationaux. Ce choix n’est pas propre au ferroviaire, le même a été mis en œuvre dans tous les secteurs « en réseau » (télécommunication, énergie...). En France, un établissement public gestionnaire des infrastructures, Réseau Ferré de France, est créé en 1997 par la droite et maintenu par la gauche. Cette séparation a pour objectif d’introduire des opérateurs concurrents à la SNCF et de faire payer des péages aux entreprises ferroviaires qui font circuler des trains sur ces infrastructures. La SNCF a vu le montant de ses péages reversés à RFF augmenter considérablement ces dernières années.

Le fret en concurrence

Depuis le 15 mars 2003, le trafic fret international est ouvert à la concurrence dans toute l’Union européenne. La circulation du premier train privé est annoncée pour les semaines qui viennent. Pourtant, aucun train du privé n’a encore circulé en France. La peur de la réaction des cheminots y est pour quelque chose. La libéralisation totale (nationale et internationale) du fret a été décidée pour le 1er janvier 2007. La commission a même exigé que ce soit au 1er juin 2006 en France en contrepartie de son accord à des aides exceptionnelles que l’Etat français a décidé pour restructurer l’activité fret de la SNCF. Dans le cadre de ce plan, le gouvernement français et la SNCF se sont engagés à continuer à supprimer massivement des emplois, à réduire le volume du trafic Fret SNCF de 10 % pendant 3 ans, à céder 22 % du parc de locomotives et à abandonner à la concurrence privée 18 % des sillons Fret ! L’objectif de la commission est toujours le même : introduire à tout prix la concurrence. Elle exige aussi que l’activité fret soit de plus en plus autonome des autres activités de la SNCF. Il s’agit de faire si possible éclater l’entreprise publique et d’ores et déjà d’interdire à la SNCF de compenser les pertes du fret par les bénéfices dégagés par le TGV.

Au tour du trafic de voyageurs

Le trafic voyageurs, international et national, est aussi dans le collimateur de nos libéraux européens. Le Parlement européen en débat, la commission voudrait le voir ouvert obligatoirement à la concurrence en 2010. Certains députés européens voudraient même avancer cette échéance. Les libéraux mettent du temps mais ils ne renoncent pas à atteindre leur visée : casser les entreprises publiques et le statut de leur personnel, en finir avec ces bastions du syndicalisme et permettre à des entreprises privées de prendre les trafics les plus rentables. On a même en France, un député Ump, Hervé Mariton qui prône la privatisation des gares...

Le fret et le transport voyageurs « grandes lignes », essentiellement les TGV, sont maintenant considérés par la SNCF comme relevant du secteur commercial concurrentiel. Reste le trafic voyageurs régional. Là est le « job » de Jacques Barrot-Stein : il s’agit de prévoir de futurs « pavillons de complaisance », de futurs Rif, de mettre en concurrence des salariés moins payés, moins protégés, moins syndiqués, et des normes d’exploitation, de sécurité, de confort moindre... sous prétexte de baisser le coût pour les usagers alors que toutes les expériences comparables de par le monde ont prouvé qu’il augmentait en même temps que le service privé se détériorait. Mais on est un intégriste libéral ou on ne l’est pas...

Idéologiquement, ces fous furieux qui nous dirigent sont des dogmatiques, des casseurs de ce qui est public et ils espèrent avoir bientôt une constitution pour fonder durablement leur dogme... On y parle encore à son propos de « missions de service public », ou de « partenariat privé-public », même rebaptisé « service d’intérêt économique général » (Sieg).

Cela concernera aussi bien la Ratp que la Sncf. Depuis plusieurs années ans, un texte est à l’étude. Il prévoit l’obligation pour les autorités organisatrices que sont les régions de procéder par appel d’offres et ainsi en finir avec le monopole de la Sncf sur ce trafic TER, ou à Paris celui de la Ratp. . L’adoption de ce règlement, relatif aux obligations de service public (OSP), était prévu en avril. Encore une fois, il a été repoussé à l’après reférendum.français : il leur faut mentir, mentir, encore et toujours s’ils veulent que le « oui » passe....

Le non des cheminots

Les luttes des cheminots ont jusqu’à présent réussi à freiner cette libéralisation, à faire reculer les échéances et surtout à empêcher toute dérive à l’anglaise. On sait qu’en grande Bretagne, les trains roulent moins vite et font davantage d’accidents qu’au 19° siècle. On sait que le métro a été laissé à l’abandon par les requins du profit maximum. La bataille est menée sur plusieurs fronts par nos syndicats : tout d’abord, l’opposition à la concurrence libre est affirmée avec un objectif : la subsidiarité pour permettre à chaque état de déterminer et maîtriser sa politique de transports. Les syndicats préfèrent la coopération entre réseaux à la concurrence, et se battent contre toute volonté de dumping social. Cela les a amené, au niveau européen, à négocier avec les employeurs des règles sociales spécifiques pour le personnel appelé à franchir les frontières. Ce combat pour une harmonisation sociale par le haut et pour mettre en dehors de la concurrence tout ce qui relève du service public est évidemment en totale contradiction avec le projet actuel de constitution européenne.

Eric Thouzeau


« Libéralisation » du ferroviaire : les étapes 1991 : directive européenne de séparation entre les infrastructures et les entreprises ferroviaires 1997 : création de Réseau Ferré de France (RFF) 15 mars 2003 : ouverture à la concurrence du fret ferroviaire international Mai 2005 : en France, premier train fret du privé ? 2005 : règlement européen sur la mise en concurrence du trafic régional ? 1er janvier 2007 (juin 2006 en France) : ouverture à la concurrence de tout le trafic ferroviaire de fret 2010 : libéralisation du trafic voyageurs (grandes lignes) ?


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