Comment le clan Ben Ali a pillé la Tunisie

mercredi 19 janvier 2011.
 

L’ancien président en fuite a amassé une fortune colossale pendant ses 23 ans à la tête du pays. Extorsions, racket, menaces.. Tous les moyens étaient bons pour faire main basse sur les secteurs clés de l’économie.

La France a assuré lundi que les avoirs tunisiens dans les banques françaises étaient sous "vigilance particulière", tout en admettant qu’il était juridiquement impossible de les geler. L’annonce pourrait froisser Ben Ali, qui serait propriétaire d’un immeuble en plein coeur de Paris, estimé à 37 millions d’euros selon Europe 1. Le porte-parole du gouvernement François Baroin a affirmé lundi à ce sujet que la France se tenait "à la disposition des autorités constitutionnelles tunisiennes" pour examiner le sort des biens immobiliers de l’ex président de la Tunisie. Ben Ali, qui s’est enfui du pays vendredi après un mois de contestation sans précédent, détiendrait également des avoirs dans plusieurs banques françaises.

Pour autant, le plus gros de sa fortune accumulée en 23 ans de règne et estimée par Forbes à 5 milliards de dollars, devrait être à l’abri. La semaine dernière, la famille Ben Ali aurait en effet liquidé tous ses comptes, selon un journaliste tunisien interrogé par Europe 1. "Ils ont vidé les caisses, jusqu’à la dernière minute, pour qu’il ne reste rien", raconte Slim Bagga. Surtout, l’ancienne première dame de Tunisie, Leïla Ben Ali, aurait retiré 1500 lingots d’or de la Banque centrale dès le 19 décembre dernier, l’équivalent de 45 millions d’euros selon le Monde.

Comment Ben Ali a-t-il amassé une telle fortune, lui qui ne possédait rien ou presque avant d’accéder au pouvoir ? C’est simple, le gouvernement a fait main basse sur tous les pans de l’économie. "Toutes les sociétés privées étaient victimes de la corruption de Ben Ali, explique sur BFM Antoine Sfeir, directeur des cahiers de l’Orient : il rentrait dans une société, il demandait à voir le patron. Il lui disait : ’le notaire va vous appeler, nous sommes à 50/50 désormais’. C’est tout, ça suffisait". Et tous les moyens étaient bons pour convaincre les récalcitrants : racket, intimidation, menaces...

Au-delà du seul Ben Ali, c’est en fait toute la famille de sa seconde femme Leila Trabelsi, qui a vu son patrimoine exploser à partir de la moitié des années 90. Depuis qu’elle a épousé son amant en 1992, cette "Catherine de Médicis", détestée des Tunisiens, n’a cessé de favoriser les siens.

Banques, transport, immobilier, agroalimentaire, hôtellerie, agriculture, grande distribution, télécommunication, maritime... "Pas un secteur qui ne leur échappe ; pas une transaction avec un groupe étranger dont ils ne sont parties prenantes ; pas un beau terrain, ou presque, sur lequel ils n’ont des vues. Et personne, dans le clan, n’est oublié", racontent Nicolas Beau et Catherine Graciet dans le livre "La régente de Carthage, main basse sur la Tunisie". D’origine sociale modeste, les frères, soeurs, gendres et neveux de Leila deviennent ainsi rapidement propriétaires d’hôtels, de fermes, de banques et de compagnies aériennes. Son frère Belhassen par exemple, se spécialise dans l’achat à bas prix de terrains classés au patrimoine historique et revendus à prix d’or après avoir été déclarés constructibles. Mais le chouchou de Leila était son neveu Imed, qui a été tué vendredi, victime, selon Jeune Afrique, d’un règlement de compte de la part de l’un de ses anciens collaborateurs. Ayant fait fortune dans l’immobilier et la grande distribution, notamment en association avec le groupe Conforama, Imed Trabelsi avait été poursuivi sans succès en France pour le vol du yacht de Bruno Roger, l’un des dirigeants de la Banque Lazard et proche de l’ex président Jacques Chirac.

De quoi qualifier l’entourage familial du président de "quasi-mafia" par l’ambassade américaine. Dans des télégrammes confidentiels obtenus par Wikileaks, un diplomate cite plus d’une dizaine d’exemples de "magouilles" à mettre au compte de ce "clan", désormais exilé en Arabie Saoudite et logé dans un somptueux palais à Jeddah.

Laura Raim


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