Ben Ali et le RCD : L’attitude officielle de la France a été une honte

samedi 22 janvier 2011.
 

Un gouvernement qui a « sous-estimé » le mécontentement 
de la population tunisienne, dixit Alain Juppé, ministre de la Défense, une ministre des Affaires étrangères disposée à fournir à Ben Ali une assistance en moyens 
de répression, alors que des dizaines de manifestants 
ont déjà été tués. Un président de la République qui voyait en 2008 « des espaces de liberté s’élargir » en Tunisie et qui, selon le Parisien, aurait concédé que tout en faisant « de bonnes chose », le président 
déchu aurait « mis des limites » à la liberté de son peuple. Devant un tel étalage de cynisme et de bêtise, on est pris d’un sentiment de honte quand, de l’autre rive de la Méditerranée, le peuple tunisien se bat pour la liberté, pour la réussite de sa révolution.

Des milliers de prisonniers politiques qui croupissaient dans les geôles, soumis souvent 
à de mauvais traitements, les disparus que les militants des droits de l’homme estimaient à plusieurs centaines, l’omniprésence 
de la police, la traque des démocrates, les arrestations arbitraires, la peur savamment entretenue. C’était cela le régime de Ben Ali, régulièrement « réélu » avec un score ne quittant pas la zone des 90% depuis un quart de siècle

Personne n’a le droit de dire  : « Nous ne savions pas. » Malgré la censure, des voix parvenaient à faire passer le message. En consultant la collection 
de l’Humanité, chacun pourra le constater  : les crimes que les grands médias dominants semblent aujourd’hui découvrir et dénoncent avec retard étaient connus. Il suffisait d’écouter les témoignages de Taoufik Ben Brik, qui, en 2000, observa une grève de la faim de quarante-cinq jours, de suivre le combat de la journaliste et écrivaine Sihem Bensedrine et de se pencher sur le rapport que Moncef Marzouki remit aux médias 
et aux pouvoirs publics il y a plus de dix ans, au printemps 2000. Ce rappel éveille des souvenirs aux lecteurs de l’Humanité, qui ont eu à l’époque connaissance de tous ces faits. Entendre aujourd’hui 
des responsables de l’État jouer la comédie 
sur l’air de « Mon Dieu, on nous aurait donc trompés  ? » donne la nausée.

La mansuétude dont témoignèrent tous les gouvernements à l’égard du satrape de Tunis 
fut trop forte, trop constante pour que l’on s’interdise de parler de complicité. La manière stupide, grossière avec laquelle Paris a réagi à la révolte et à la fuite 
du tyran trahit le dépit de l’Élysée et des financiers, 
qui ont fait tant d’affaires dans un pays de rêve, 
aux salaires low cost et aux flics surarmés, à la presse muselée, aux syndicats bâillonnés. L’idéologue 
du libéralisme Friedrich Hayek justifiait les conseils 
qu’il prodiguait au dictateur chilien Augusto Pinochet par cet aveu  : « Je préfère personnellement 
une dictature libérale à un gouvernement démocratique dans lequel le libéralisme serait absent. » Les grands prêtres du capitalisme financier d’aujourd’hui ne pensent pas autrement. La Tunisie a vu sa note abaissée d’un cran par l’agence de notation Moody’s en raison « des incertitudes économiques et politiques 
depuis le changement inattendu de régime. » Quand les affaires sont bonnes avec un dictateur, les marchés financiers n’aiment pas du tout l’irruption inattendue de la démocratie.

Jean-Paul Piérot


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