L’indignation tunisienne fait tache d’huile

dimanche 23 janvier 2011.
 

Dans l’ensemble du monde arabe, des manifestations s’organisent. En Égypte, Algérie et Mauritanie, des citoyens désespérés choisissent de s’immoler par le feu. Et certains régimes, comme pris d’anxiété, se barricadent.

Il avait cinquante ans. Il était restaurateur. Abdo Abdelmoneim s’est immolé par le feu hier, devant l’Assemblée du peuple, dans la capitale égyptienne du Caire. Il a été hospitalisé. L’homme aurait eu des problèmes d’approvisionnement pour son négoce. À Nouakchott, en Mauritanie, c’est un homme de quarante-trois ans qui a tenté de se faire brûler dans son véhicule. En Algérie, rien qu’au cours de cette fin de semaine, quatre personnes ont tenté de mettre fin à leurs jours, toujours par immolation. Ces gestes ne sont pas sans rappeler celui du Tunisien Mohamed Bouazizi, vingt-six ans, qui s’était suicidé par le feu le 17 décembre 2010. Cet acte avait lancé un mois d’émeutes, amenant au départ, vendredi, du dictateur Zine el-Abidine Ben Ali.

Outre ces actions individuelles, les mouvements collectifs se multiplient dans les pays arabes. Hier, 200 Omanais ont défilé à Mascate derrière des banderoles telles que « Non à la corruption », ou « La montée des prix détruit les rêves des simples citoyens ». La question de l’inflation est extrêmement sensible. En décembre, les prix alimentaires étaient en augmentation pour le sixième mois consécutif, selon l’Organisation pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) de l’ONU. Cette situation se fait déjà sentir dans la vie quotidienne. Outre la question démocratique, celle des prix a été l’un des moteurs de la mobilisation tunisienne et des émeutes dans l’Algérie voisine.

Au Soudan, qui va devoir faire face à la défection du sud du pays à la suite du référendum de ce mois-ci, les prix augmentent, participant au mécontentement populaire. Certains produits comme le sucre et le pain voient leurs tarifs croître de 15 et 20% depuis décembre. Au point que l’opposition réclame des comptes : la démission du ministre des Finances, voire la formation d’un « gouvernement de transition ». La semaine dernière, dans la capitale et à Gezira, il y a eu des heurts entre la police et les étudiants, qui manifestaient contre la hausse des prix.

Apeurés par le risque d’une contagion, certains régimes ont commencé à lâcher du lest. La Syrie a augmenté son aide au chauffage de 72%. Cette mesure toucherait 2 millions de personnes dans ce pays de 22 millions d’habitants. En Jordanie, le gouvernement, qui fait face à une inflation de 6,1% sur un an, a annoncé un train de mesures de plus de 200 millions de dollars pour contenir la montée des prix. Cela n’a nullement empêché un sit-in d’un millier de syndicalistes et de membres de l’opposition devant le Parlement à Amman.

Les régimes, eux, se barricadent. Les mesures de sécurité ont été renforcées devant le palais présidentiel à Amman. Car c’est bien la nature des régimes qui est en question. Un millier d’étudiants ont défilé au Yémen en scandant « Tunis de la liberté, Sanaa te salue ». Ils manifestaient contre le projet de révision constitutionnelle ouvrant la voie à la présidence à vie pour le chef d’État. En Égypte, le pouvoir de Moubarak fait mine de s’attendrir, en étendant au-delà de 2011 l’autorisation aux petits partis de se présenter à la présidentielle. « Un bricolage constitutionnel », selon le magistrat Mohamed Khudairy. Combien de temps les régimes arabes sauront-ils maintenir leur cocktail d’illusions et de répression ?


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