Contre le FN, il faut utiliser l’arme de la raison, de l’argumentation politique

lundi 31 janvier 2011.
 

La simple dénonciation morale déconnectée de la critique sociale est une digue de sable fin qui disparaît à la première vague. Faite souvent avec maladresse, elle se révèle même contre-productive. Affronter le FN impose essentiellement que la gauche assume sa raison d’être et combatte le désordre libéral. Sans quoi l’extrême droite semble avoir le monopole de la contestation du système. Apparence paradoxale puisque, en réalité, elle le maintient encore debout, dans un premier temps en incarnant un repoussoir qui conduit les électeurs inquiets à la résignation, et peut-être demain en maintenant l’ordre injuste avec une poigne de fer. Allons à l’essentiel. La gauche doit lutter pour une autre répartition des richesses. Il faut reprendre au capital pour redistribuer vers la grande majorité. Ne soyons pas hypocrites, tout le monde à gauche ne partage pas ce jugement.

L’évolution sociale libérale du PS est la principale responsable de l’impuissance à faire reculer le FN. En acceptant, comme le demande Dominique Strauss-Kahn, que nous abandonnions notre souveraineté budgétaire, en disant oui à l’évolution libérale de l’UE, en méprisant le vote « non » de 2005, en réclamant l’allongement de la durée de cotisation pour la retraite, en piétinant régulièrement la laïcité pour lui préférer un clientélisme communautaire, le PS crée autant de brèches qui entament la crédibilité de la gauche au sein du peuple. Face au FN, les muscles atrophiés de la « gauche raisonnable et gestionnaire » ont perdu d’avance le bras de fer. La crise qui secoue le monde sonne l’heure des caractères forts. Arrêtons de perdre du temps. À présent, redressons la tête, l’existence du Front de gauche, qui conteste désormais aux socialistes la direction de la gauche, change la donne. Notre objectif est de chasser la droite du pouvoir, et le FN, lui, est une fausse opposition. Dans le programme de 2007, dont la directrice stratégique était déjà Marine Le Pen, le FN se prononce pour allonger la durée de cotisation et pour la retraite à 65 ans, pour la baisse des dépenses publiques et la suppression de 20 000 postes dans l’éducation nationale, pour « travailler plus pour gagner plus », etc. Bref, le programme économique de Sarkozy… en pire.

Concernant la laïcité, le FN en est un ennemi féroce. Il vote avec enthousiasme des subventions pour les écoles et les associations confessionnelles, il est favorable aux processions religieuses, s’affiche avec des signes religieux sur son matériel de campagne, et attaque ensuite nos concitoyens musulmans. Or, la laïcité doit s’appliquer à tous avec la même fermeté. Enfin, si le danger FN est réel, et les sondages inquiétants, je ne suis pas dupe sur la campagne d’affolement actuellement menée dans le seul but d’appeler au « vote utile » dès le premier tour. Il n’est pas sûr que Marine Le Pen suscite réellement une poussée électorale vers elle. Lors des dernières élections européennes et régionales, dans sa région du Nord, les listes qu’elle conduisait étaient en recul par rapport aux précédents scrutins. Au congrès, 10 000 adhérents ont voté pour elle, alors que ce parti a compté près de 40 000 membres.

Contre le FN, il faut donc utiliser l’arme de la raison, de l’argumentation politique. Seul un Front de gauche social, laïque et écologique peut être à la hauteur.

(*) Coauteur, avec François Delapierre, de la Préférence nationale  : 
un apartheid à la française, Éditions Bérénice, 1999.

Alexis Corbière


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