Comment sortir de l’impasse dans laquelle le capitalisme est en train de nous enfoncer  ?

mardi 24 janvier 2012.
 

On nous assène matin, midi et soir la même litanie  : nous serions tous responsables de la crise systémique que nous subissons. Les Grecs, tous les Grecs, de ne pas avoir assez travaillé, les Espagnols d’avoir eu les yeux plus grands que le ventre, les Italiens d’être italiens, les Allemands de profiter de la faiblesse de tous les autres. Nous subissons au quotidien le scénario habituel de toutes les crises de l’histoire du capitalisme qui amena tant de guerres, de misères, de souffrances, de tragédies.

Même si l’histoire ne se répète pas – comme chacun le sait bien –, l’avenir est sombre, les perspectives désespérantes, ne nous promet-on pas du sang et des larmes pour l’avenir  ? Et de toute façon, nous n’avons pas le choix  ! Tel est le discours dominant et gare à ceux qui osent s’y opposer. En effet, contrairement à ce que disait le général de Gaulle, la politique de la France et… de la planète se fait à la « corbeille ». Mais si la politique plus que jamais se fait à la Bourse, l’économiste Jacques Généreux a raison de nous indiquer avec force qu’elle se décide de concert avec l’accord de nos hommes politiques de droite et malheureusement trop souvent de gauche.

C’est donc bien un mariage consenti entre l’oligarchie financière et – comme on dit maintenant – la gouvernance qui plonge les peuples dans la récession et l’austérité. Pour les populations concernées, qui ont rarement voix au chapitre sur les décisions prises et pourtant qui les concernent, quand il leur arrive de pouvoir s’exprimer, si elles émettent alors un avis contraire à la doxa idéologique, elles sont bien entendu ignorantes, incultes, idiotes voire anti-européennes même si elles prétendent le contraire. Bref, elles n’ont rien compris  !

La dernière séquence que nous venons de vivre de ce point de vue est alarmante. En Italie et en Grèce, ce n’est pas le peuple souverain qui a renvoyé les équipes en place mais bien les marchés et les agences de notation. La soumission des démocraties aux structures néolibérales met en péril la démocratie elle-même. En effet, la démocratie demande du temps, du débat. Les marchés n’en ont pas et, de toute façon, à quoi bon débattre puisqu’« on » n’a pas le choix. L’unité de temps pour les marchés, c’est la nanoseconde.

Le néolibéralisme veut imposer à la majorité de la population, ses règles (d’or  !), ses lois naturelles et non faussées, de telle façon que chacun comprenne bien qu’il n’y a pas d’alternative. Le « There is no alternative » de Margaret Thatcher est devenu la norme politico-idéologique en Europe. Comme le dit Jean-Pierre Jouyet, le président de l’Autorité des marchés financiers, nous assistons peu à peu à la mise en place d’une « dictature de fait des marchés ». Il ajoute  : si nous ne prenons pas garde, « les peuples se vengeront ».

Le moment historique que nous vivons est aussi et peut-être surtout le résultat de l’affrontement entre les classes sociales à l’échelle de la planète. « Il y a une guerre de classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et nous sommes en train de la gagner. » Warren Buffett, le milliardaire américain, sait de quoi il parle.

L’adversaire est fort, les oligarques financiers, la classe dominante qui a accumulé la richesse au-delà du sens commun devient un non-sens collectif, d’où ce sentiment diffus que la machine infernale du système s’emballe et que sans pilote nous fonçons tous inexorablement dans le mur. Cette frénésie de l’accumulation du capital, de ce système inhumain de triple A, de stock-options, de fonds spéculatifs, de paradis fiscaux, cette omnipotence des marchés et des agences de notation, va-t-on pouvoir s’en délivrer  ? L’humanité va-t-elle bifurquer pour enfin prendre en charge consciemment son destin  ?

Tout en étant exploiteur, le capitalisme eut un rôle progressiste dans la production des richesses. Aujourd’hui, a-t-il atteint son stade ultime  ? En tout cas, désormais et plus que jamais, l’humanité doit s’en défaire pour des raisons de survie  : crise sociale, crise écologique, crise éthique.

Au regard de ces enjeux, la gauche, le mouvement social, doit réinterroger ses grilles de lecture pour dégager des perspectives qui partent du réel, et pour commencer enfin à inverser la tendance et préparer l’avenir. La gauche, les gauches devrait-on dire, devront s’interroger sur leurs échecs  : celui du socialisme réel, en passant par l’échec du projet social-démocrate, ou encore l’impuissance de l’extrême gauche. Il le faut. C’est un devoir impérieux, si nous voulons éviter la fatalité du pire.

Rêvons un peu dans notre Vieux Continent, reconstruisons l’Europe autour de la satisfaction des besoins des peuples, comparons et notons (pourquoi pas  !) nos régimes de santé, nos systèmes sociaux, nos systèmes éducatifs, etc., pour aller vers l’excellence dans ces domaines.

Plutôt que de répondre sans cesse aux injonctions d’un capitalisme forcené, il nous faut à gauche débattre, inventer pour mettre en œuvre les transformations nécessaires et dégager l’espérance qui permettra aux forces sociales de se mobiliser et remettre au goût du jour ce que déclarait Saint-Just à la Convention  : « Le bonheur est une idée neuve en Europe. »

Nous savons les montagnes que nous devrons déplacer, nous connaissons la force de l’appareil idéologique qui consiste à bannir tous ceux qui militent pour sortir du « système ». Mais nous n’avons pas le choix, pour cela, les gauches doivent penser au-delà des élections, même s’il est important de les gagner. Désormais, il faut travailler à l’alternance et à l’alternative.

C’est la tâche des révoltés, des exploités, des indignés, des syndicalistes, de la gauche dans toute sa diversité de faire émerger ce que pourra être celle-ci.

Alors, si les temps sont difficiles, concluons provisoirement avec Marx  : « Vous ne direz pas que je me fais une trop haute idée du temps présent, et si malgré tout je ne désespère pas de lui, c’est que sa situation désespérée est précisément ce qui m’emplit d’espoir. »

Patrick Brody


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